Climats #36 : Alvvays, Ingmar Bergman

Les Vinzelles
Les Vinzelles givrées à Volvic / Photo : Margot Bonvallet

Peut-on écouter Kokomo des Beach Boys durant les fêtes de Noël sans casser l’ambiance ? Et si Mercury Rev s’était pris de passion pour le djembé, écouterait-on, encore, Deserter’s Songs?

Climats met en avant disques et livres selon les aléas de la météo.

L’incendie d’hiver

Beaucoup de chansons, alignées, en peu de temps. Non, je ne vais pas parler du dernier Guided By Voices quoique… il y a certainement un lien – mélodique – entre la bande à Robert Pollard et Alvvays. C’est Mark Linkous, le regretté leader de Sparklehorse, qui entrevoyait dans la power pop de GBV, une forme de libération. La recherche insensée et rapide de la mélodie parfaite a quelque chose à voir avec la pulsion de vie. En ce sens, Blue Rev, est une sorte d’Alice aux pays des merveilles dont la bande de son a été confiée à Big Star, une quête passionnante et passionnée traversée par la joie. Et la mélancolie… puis le chagrin ou encore la fougue, bref : POWER POP. Cela faisait longtemps que je n’avais pas tapé du pied en écoutant un disque, longtemps que je n’avais pas ressenti ce feu mélodique transmis à toute vapeur. On appelle cela l’enthousiasme. Alvvays signe une sorte de longue chanson fracturée en micro-hymnes. J’entends hymnes comme les écrivait Hölderlin, le poète romantique allemand. Sur la pochette de Blue Rev, on y voit un ciel d’orage et une scène de sauvetage où une fillette semble terrorisée tandis que l’un de ses parents lui sourit. Toutes les émotions émanent de ce disque, elle nous sont livrées comme un incendie. Il nous reste donc le spectacle des flammes.

Quelques notes de givre

Si Alvvays se montre parfait en modelant des miniatures, on peut penser la même chose d’Ingmar Bergman. Les Carnets sont un document fascinant couvrant une très longue période – 1955/2001. On y découvre un Bergman à la fois pointilliste, toujours à la recherche du moindre détail et, également, un Bergman empressé et radical. Mauvaise humeur sur certains tournages, exaspération face à un acteur ou une actrice, tout est consigné dans ces carnets où le cinéaste s’adonnait, avec une certaine ironie, à un work in progress démentiel. Il se basait aussi sur certains de ses rêves pour travailler, les souvenirs d’enfance affluent parfois. Pour un homme si peu enclin à la fidélité conjugale, Bergman se révèle d’une constance troublante. Homme de rituels et de liberté, ces carnets l’assignent à devenir, au fil des pages, cet individu tourmenté par une profonde angoisse. Les lectures de Kierkegaard infusent ses réflexions ou aphorismes. Les éditions Carlotta ont donc le bon goût de faire découvrir ce document massif, où l’on voit un créateur tout puissant s’effondrer parfois face à certaines réminiscences de l’enfance. Autoritaire et fragile, Bergman ne choisira jamais.


Blue Rev par Alvvays est sorti chez Polyvynil Record Company
Les Carnets 195-2001 de Ingmar Bergman sont parus aux éditions Carlotta.

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