Peut-on écouter la voix de Calvin Johnson les jours d’orage ?
Et Josef K sans avoir lu Kafka, c’est toujours aussi bien ?
Climats met en avant disques et livres selon les aléas de la météo.
Les pluies de la veille
Allez savoir pourquoi, je me suis replongé dans les disques écoutés durant mon enfance. Sûrement les effets de l’automne, la mélancolie et tout son baratin. Dans cette boîte de Pandore musicale, il y a tout un tas de trucs plus ou moins comestibles : A-Ha, Midnight Oil et U2. Ah ça, oui, je suis bien le produit d’une génération. Dans mon adolescence indie, j’ai souvent croisé des mélomanes hyper référencés citant des groupes obscurs et se refusant à avouer leurs premiers véritables émois. Moi, j’ai toujours gardé une grande affection pour Place Without Postcard de Midnight Oil. Il s’est enroulé, dans le son des guitares de ce disque, tout ce qui a constitué mon amour de Pavement par exemple. Je me souviens avoir écouté Armistice Day, cette chanson martiale qui finit en nostalgie électrique, à l’aube, avec une jeune femme qui ne s’ennuyait plus de connaitre tous les trous qu’elle faisait sur son collant avec la multitude de cendres de sa cigarette. Instants figés par nos premières impressions musicales qui continuent de nous hanter longtemps après. En fait, je voulais parler du dernier titre de Yo La Tengo, Fallout – une madeleine shoegaze adorable – mais j’ai pas mal dérivé. Sans doute car cette chanson de Yo La Tengo possède cette fraîcheur de l’instant figé, instant qui fait résonner en nous une note intime et inoubliable.
Des années sans neige
Dans ces années, 1930-1950, Erwin Blumenfeld a poursuivi un mirage de désir. Personnage alambiqué qui déclarait : « Je me considérais comme moderne, mais je me révélai classique », ce photographe que je considère comme baroque n’a jamais gelé sa part désirante. Multipliant les objets, les sujets et les formats, Blumenfeld a toujours contourné l’académisme. Il ne se pensait pas novateur alors que sa pulsion créatrice ne cessait jamais de se renouveler. C’est ce paradoxe qui rend son travail fascinant. Le catalogue d’exposition, Les tribulations d’Erwin Blumenfeld, rend un parfait hommage à ce scrutateur raffiné. Son noir et blanc granuleux ou fluide capte tous les sujets. J’aime particulièrement ces portraits des Saintes-Maries-de-la Mer, son obsession des visages mangés d’ombres avec, notamment, l’énigmatique Marianne Tischler. Les nus confus par la traversée de voiles demeurent toujours aussi mystérieux. Son travail couleur – même s’il semble plus lisse – met en forme une fixation du regard oscillant entre pureté et perversion.