Peut-on écouter New Order sous une douche froide ?
Ou Joy Division, c’est encore du Joy Division si on chante les paroles avec l’accent marseillais ?
Premiers pas d’automne
Déjà, l’automne. Certainement la saison du souvenir et de l’introspection. Plutôt que de présenter une nouveauté musicale, le parfum des feuilles que l’on brûle m’a amené à une réminiscence mélodique. Un groupe perdu, oublié dont le souvenir revient parfois au gré d’un visage croisé, par la teinte particulière d’une lumière sur un dallage ou via la douceur d’une peau. Windsor for the Derby. À sa sortie, je n’avais que trop peu écouté leur dernier album, Against Love (2010). Album crépusculaire dont la candeur vient nous interroger des années après. Ici, de courts intermèdes musicaux viennent relier les chansons entre elles. Un tissage merveilleux où la saturation et les brumes électriques se fondent dans des merveilles acoustiques. Windsor for the Derby a toujours essayé de trouver un équilibre fragile dans une forme de répétition. Le groupe distille aussi des reprises discrètes comme au fil de ce splendide Our Love’s a Calamity où l’on entend une ferveur certaine pour The Cure. C’est une œuvre d’infusion où les notes reviennent en nous bien plus tard, au moment où nous avons le plus besoin d’un chant ou d’une joie à reformuler. Je me dis que c’est une expérience merveilleuse d’écouter, encore et encore, la musique d’un groupe disparu. Voilà de belles espérances.
Quelques souvenirs du soleil
Le dernier livre de Russell Banks, Oh, Canada est un essai sur le courage. Sur la couverture, on y trouve une voiture tout phare allumé. Cette lumière doit porter, pénétrer les zones d’ombres, sans failles ou plutôt en les exposant sans cesse, ces failles, durant l’ensemble de cette quête. Banks affronte le sujet périlleux de la vérité et d’un cœur mis à nu durant son roman. Il met en scène l’entretien final d’un cinéaste vieillissant, Leo Fife, qui perd sa mémoire. Ultime interview donnée pourquoi ? Quel est le sens des derniers mots, quelle valeur portent-ils ? Russell Banks met en place, de manière magistrale, une méditation – au sens pascalien – portant sur la littérature. Trahison forcée du témoignage, conflit avec soi-même, le combat semble perdu d’avance lorsque l’on s’attelle à se présenter sous la lumière crue de la vérité. On pense à l’aphorisme d’Épiménide : « Si je dis que je mens, est-ce vrai ? ». C’est, peut-être, ce qu’il y a de plus bouleversant dans le livre de Banks, cette impossibilité réelle et palpable à se définir. Mais il y aussi, la question essentielle de ceux et celles qui écoutent ces paroles délivrées. Comment est perçu un aveu ? Nos juges sont-ils toujours irréprochables… Des questions à jamais indéfinies.