Cleaners From Venus, Midnight Cleaners (Man At The Off Licence, 1982)

Dans les années 80, le développement de la cassette audio conduit à une véritable révolution pour les musiciens. En l’espace de quelques années, il devient possible de s’enregistrer et distribuer sa musique depuis chez soi. Avant même l’avènement du P2P, la musique se diffuse à travers la poste, les fanzines et les passionnés de musique. Le groupe britannique Cleaners From Venus embrasse de toutes ses forces le do it yourself. En effet, la formation enregistre à la maison sur un 4 pistes puis propage la bonne parole à travers des K7 auto-éditées et des enveloppes pré-timbrées. Tout le monde peut copier la musique et même demander une pochette au groupe. Cette démarche, les Cleaners From Venus ne sont pas les seuls à l’avoir.

La décennie est marquée par cet underground en marge des distributeurs et du circuit officiel. Certaines de ces tentatives sont par exemple regroupées dans les compilations Messthetics. En revanche, la musique de la formation britannique détonne au milieu de productions souvent très expérimentales. Les Cleaners From Venus sont avant tout un groupe de musique pop. Le groupe créé par Lol Elliott et Martin Newell s’inscrit dans la grande tradition britannique chère aux Kinks ou XTC. Il faut dire que Newell est un mélodiste hors pair. Aspirant à une certaine reconnaissance, le chanteur le fait cependant selon ses conditions, fort différentes des autres. Le voici donc à enregistrer par ses propres moyens à une époque où les techniques étaient encore balbutiantes (Shoes, Todd Rundgren, The Toms, R. Stevie Moore…). Midnight Cleaners (1982), troisième album des Cleaners From Venus, explore ainsi les vertus du home-studio, de la recherche de la perfection à travers l’imperfection de la démarche par tâtonnement. Le disque est compartimenté en deux faces, les biens nommées Pop Side et Art Side. La seconde (Art Side) est dominé par un saxophone échappé d’un disque de jazz. Le groupe de Martin Newell (bientôt seul membre permanent) se pare d’influences post-punk. Si cette facette ne convainc pas toujours (les dispensables Midnight Cleaners et Don’t you Worry about the Ads), la formation n’oublie pas cependant ses velléités pop sur les réussies Factory Boy et A Wretched Street. La Pop Side frise la perfection. Après une introduction instrumentale plutôt sombre (This Rainy Decade), Martin Newell dégaine des chansons à faire fondre les cœurs des popeux les plus exigeants. Time In Vain est un classique perdu. Les Cleaners From Venus instaurent ici un dialogue entre une boîte à rythme primitive (une Roland DR55 ou un clone) et une guitare jangly inspirée des Byrds.

Puis vient le tour du hit ultime du groupe. Only A Shadow a depuis été repris par les plus grands (MGMT) mais cette version originale rayonne avec la même vigueur qu’en 1982. Les excellentes Corridor of Dreams et Wivenhoe Bells II (nouvelle version d’un morceau de Blow Away Your Troubles) complètent à merveille cette fantastique face. En neuf morceaux, Midnight Cleaners parvient à s’incruster dans les oreilles et nous séduire avec une pop délicate, un pied dans les sixties et l’autre dans son époque. Ils sont alors peu nombreux (Nick Nicely) à proposer cela dans le cadre d’une pop DIY/lo-fi. La carrière des Cleaners From Venus réservent de nombreuses belles surprises à ceux qui s’y risqueront. Une partie avait d’ailleurs été rééditée par Captured Tracks entre 2012 et 2014.  Martin Newell continue toujours à enregistrer de la musique.

Midnight Cleaners par Cleaners From Venus est sorti en 1982 via Man At The Off Licence.