Régulièrement le Québec s’invite dans nos pages : Corridor, Yocto, Bleu Nuit, Vanille ou encore Jesuslesfilles, pour ne citer qu’eux. Les années passent mais la pertinence de la Belle Province ne faiblit guère, et francophonie et indie rock s’y conjuguent harmonieusement. Ce petit îlot de locuteurs de la langue de Molière, perdu dans un océan d’anglophones résiste et déjoue les pronostiques. Accueillons dans cette merveilleuse confrérie, aujourd’hui, les Montréalais de Choses Sauvages. Un groupe qui prend son temps : la formation a publié son troisième album (III), le 28 mars dernier, près de quatre ans après le second.

Choses Sauvages se compose de Félix Bélisle (chant, basse), Marc-Antoine Barbier (guitare), Philippe Gauthier Boudreau (batteur), Thierry Malépart (guitare) et Tommy Bélisle (synthé). Ensemble, les cinq membres proposent un post-punk aux accointances dansantes, lorgnant aussi, à l’occasion, sur le krautrock. À quelques encablures des contemporains de N0V3L, Choses Sauvages ne choisit pas entre guitares anguleuses et dance music. Si leur musique s’inspire d’ESG ou Talking Heads, Choses Sauvages a su développer un son unique et singulier. L’usage du français n’y est pas étranger, mais leur personnalité déborde aussi largement de ce cadre. Choses Sauvages apportent, en effet, un soin particulier aux textures. Les synthétiseurs y sont utilisés, d’une manière originale et raffinée. Loin d’épouser les images d’Épinal du genre, le groupe expérimente et pousse toujours un peu plus loin la formule. Il y a là une volonté de ne pas faire du surplace, d’ouvrir de nouvelles portes. Toutefois, cette ambition ne tourne jamais à la démonstration stérile, le quintette garde le cap et propose un album ramassé en neuf morceaux.
L’influence de Neu! (en version disco) est le filigrane de Fixe. La ligne de basse charpente la chanson et lance l’album dans d’excellentes dispositions. Sur Incendies au Paradis, Choses Sauvages déroulent des arrangements aussi délicats qu’aérés. Cours Toujours révèle également cette appétence du groupe pour les agencements esquissés. La paire Faux Départ et En Joue offrent deux tubes malins et funky tandis que Deux Assassins est l’un des morceaux les plus expérimentaux du lot. Le magnifique pont renvoie aux mélodies innocentes de Mort Garson qui amène un peu de lumière à ce titre paranoïaque. III se conclue sur l’étonnante Big Bang, presque nu-disco. En moins de 34 minutes, Choses Sauvages déroule un album fort attachant que nous avons hâte de découvrir sur scène. Après avoir joué au Supersonic (au festival Restons Sérieux) l’année dernière, le groupe retrouvera Paris le 22 mai prochain au Popup!. Nous aurons le temps d’ici là de nous imprégner de l’excellent post-punk dansant de Choses Sauvages, une preuve supplémentaire que la langue française est une fois encore dans cet univers un surprenant laboratoire de promesses.