Yocto, Zepta Supernova (Duprince / Requiem pour un Twister)

La dernière fois que j’ai ressenti un frisson musical à l’écoute d’un groupe en provenance du Québec, c’était en 2019, quand je suis tombé par hasard sur le méchant tube de Bleu Nuit, Concentration, diffusé sur les ondes de la formidable radio locale clermontoise Le Chantier. Et c’est exactement dans les mêmes circonstances que j’en suis venu à découvrir l’existence des Montréalais de Yocto, dont le premier album Zepta Supernova, sorti ce mois-ci, s’impose comme une des très bonnes surprises de l’année 2023.

Yocto
Yocto

Le disque, s’ouvre sur un titre instrumental à l’ambiance rétrofuturiste, qui rappelle les génériques un peu étranges des films et des séries de science-fiction des années 60-70, avec une rythmique racée et des sonorités de synthétiseurs vintage tels que les affectionnait Broadcast. Mais c’est avec Dactylo que se révèle l’influence la plus évidente du groupe : Devo, même si les Québécois ne versent à aucun moment dans le mimétisme et font montre tout au long du disque d’une réelle inventivité. Sur cette chanson par exemple, la belle voix de Yuki Berthiaume-Tremblay (Jésuslesfilles, IDALG) rappellerait presque celle de Lio à la grande époque de sa collaboration avec Jacno, ce qui ajoute ici une touche de pop acidulée des plus heureuses, qui contraste avec la froideur assumée de la musique.

On reste également dans un univers à la Devo sur l’excellente Orbital Alcatraz, délicieusement artificielle, robotique, avec ses paroles hachées et scandées à travers une réverbération et au milieu de notes isolées de synthétiseurs qui donnent à l’auditeur l’impression d’être en voyage aux confins de l’espace. Mention spéciale pour la partie finale de guitare, qui vient sublimer un morceau déjà très convaincant.

On aime aussi les titres des chansons, comme Lance-Flamme Lance-Glace, L’Etau de Zalmixis, Station 01011,qu’on croirait tirés des aventures cosmiques de Yoko Tsuno, ainsi que les paroles, cryptiques et mystérieuses, qui semblent nous transmettre des messages venus de mondes inconnus et hors d’atteinte. Sur la très hypnotique Hagio Agio, on tombe sous le charme du chant parlé-chanté de Yuki Berthiaume-Tremblay – dont le timbre fait penser à celui d’Emmanuelle Seigner avec Ultra Orange, le petite accent québécois en plus – et on apprécie grandement l’agilité des musiciens, qui peuvent passer avec une facilité déconcertante d’une rythmique syncopée et complexe à un groove métronomique tel qu’on peut s’en délecter à l’écoute des disques de Neu!. S’ensuit la fascinante Station 01011, qu’on croirait chantée par une entité artificielle, du fond de quelque vaisseau spatial perdu dans la galaxie, et qui donne à découvrir un basse-batterie particulièrement appréciable. Entre les mors s’engage quant à elle dans un univers proche des morceaux les plus expérimentaux de Wire, mais dont l’utilisation du delay de guitare n’est pas sans rappeler la magique Diary of a Young Man des Television Personalities. Les trois derniers titres, bien que très honorables, s’avèrent par contraste un petit peu moins accrocheurs que les précédents, mais on ne va pas faire de chichis après avoir été tant gâtés.

Avec Zepta Supernova, on a assurément affaire au disque d’un à groupe très doué, tant techniquement qu’au point de vue de la composition, qui mélange avec brio les expérimentations sonores d’Alain Goraguer et sa Planète Sauvage, et l’art pop synthétique de Devo, tout en proposant un travail minutieux et très abouti sur les textures sonores, signe d’une maturité épatante pour un premier album.


Zepta Supernova par Yocto est sorti sur les labels Duprince/ Requiem pour un Twister.


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