Le 10 janvier dernier, l’Olympic fut le théâtre d’une messe punk aux allures de passage de relais entre deux groupes vibrants de la scène punk : Cheap Riot et Les Lullies (très bien raconté ici). Hasard du calendrier, leurs albums respectifs sont sortis à quelques semaines d’intervalle. Autre point commun, et non des moindres, ils ont été mis en boîte par Lo’ Spider à Swampland. Le producteur toulousain constitue une figure tutélaire de la scène garage/punk française, dont les enregistrements au son rugueux offrent toujours une vision franche et frénétique des formations qu’il produit (Magnetix, Crusaders of Love, Weakends, Sunsick, Os Noctambulos, Catholic Spray, etc).
Cheap Riot (We Might Not) Make It! (Metadrone)
Les Franciliens de Cheap Riot proposent depuis 2014 un punk très britannique, hargneux et mordant, à l’amertume prononcée. Après un premier 45 tours en 2014 sur Croque Macadam, ils enregistrent Ballroom Portraits, un premier LP dans cette veine en 2015, entièrement en anglais, sur Requiem Pour Un Twister (Vinyl Williams, Entracte Twist, Triptides), non sans balancer quelques chansons plus pop, voire powerpop. On a pu y découvrir une reprise séduisante d’Electricity d’Orchestral Manœuvres in the Dark, (We Might Not) Make It!, témoignage posthume publié par le minutieux label Metadrone (Calypso, Blurt), prolonge l’expérience et la déploie dans d’intéressants nouveaux territoires, qui malheureusement ne seront pas davantage explorés par la suite. Nous apprécions en particulier les tentatives en français du groupe (Les Pieds Devants et partiellement The Worm), qui figurent parmi les temps forts de cet attachant disque. Les Parisiens ont aussi clairement élargi leur propos au post-punk, et offrent quelques incursions intéressantes dans un univers aux inflexions dub (Night In Jan’ ou Guy Déborde). Parfois bancal, (We Might Not) Make It! propose cependant un joli témoignage d’une formation qui aura marqué l’underground parisien ces cinq dernières années. Cheap Riot fait le choix de partir la tête haute, avec un disque qui leur ressemble en guise de faire-part. Remercions-les pour les services rendus à la nation électrique, et espérons les recroiser très vite dans de nouveaux projets.
Les Lullies Les Lullies (Slovenly)
Autre groupe, autre ambiance. Les Lullies ont déboulé en octobre dernier avec un premier album survolté et sans temps mort, publié par Slovenly (The Rippers, Hellshovel, Acid Baby Jesus etc.). À l’image de leurs concerts, l’écoute prolongée de Les Lullies risque de vous lessiver, mais non sans un sourire béat aux lèvres. À fond la caisse en permanence, les Lullies déploient un feux d’artifice de punk rock très rock & roll avec des petites touches presque glam. New York semble être le lieu rêvé de ces jeunes gens entre 25 et 31 ans. Le son est bien sûr aux petits oignons, parfait pour retranscrire les assauts sonores de cette bande sauvage aux multiples formations (le fabuleux groupe 60’s R&B les Grys-Grys, Les Suzards et Flying Over). L’album est un coup de poing dans le ventre, et gagnerait peut-être parfois à lever le pied pour offrir un peu de répit et respirer. Nous nous en offusquerons pas trop, l’ensemble a chouette allure et dévoile la bande originale de nos soirées à boire des pintes avec les potes. Quelques morceaux se dégagent particulièrement de ce bloc compact : le single Night Club, tube sur ressort, est une rencontre inédite entre les Stooges de TV Eyes et la powerpop sans chichi des Real Kids. Mourir D’Ennui ose le français, et constitue un petit hymne pour tous les amateurs français de punk rock.
Deux moments différents pour deux groupes aux personnalités franches mais un même amour pour le punk dans ce qu’il a de plus viscéral et honnête.