Trois accords et la vérité. La formule brevetée il y a plus d’un demi-siècle par Harlan Howard pour caractériser l’essence de la country est devenue, au fil des décennies, un poncif si éculé qu’elle en a perdu, le plus souvent, une bonne partie de sa pertinence. On a trop entendu de ces histoires de beuveries déglinguées et de désastres amoureux pour vibrer au premier son de banjo ou de mandoline. Et puis, de temps en temps, on entend une voix singulière qui parvient à déchirer les trames trop bien cousues de trop gros fils des conventions génériques. Celle de Ryan Davis a surgi, il y a quelques mois, de Louisville – oui, comme Will Oldham et Slint en leur temps. C’est ainsi que l’un des meilleurs albums de 2024 a lentement enjambé les quelques mois qui le séparait de 2023. Publié une première fois, à l’automne dernier, de façon locale et confidentielle sur le label de son auteur, Sophomore Lounge, Dancing On The Edge bénéficie cette semaine d’une seconde chance bien méritée à l’occasion d’une tournée britannique en première partie des concerts de The Reds, Pinks & Purples. Continuer la lecture de « Ryan Davis & The Roadhouse Band, Dancing On The Edge (Sophomore Lounge / Tough Love Records) »
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Antonio Emmanuel, Danse avec les shlags (Entre-soi)
« Trop de ressentiment,
ça détruit les sentiments »
Dans le département documentation de Section 26, on commence à avoir des dossiers. En 2019, j’écrivais à propos d’un homme-orchestre aperçu et apprécié au Diamant d’or de Strasbourg, et de sa démo en CDR glanée à la fin de son concert : « C’est l’état que je préfère de notre chanson française, directe, un peu frime, un peu déprimée : avec quelques mélodies inoubliables, assez pour nous faire espérer une suite, que ce soit pour de vrai en studio, en concert aussi, où la belle présence de ce jeune homme à moustache (et au mulet naissant) apaise. » Je ne sais pas s’il porte encore la moustache et le mulet, mais Antonio Emmanuel, connu sous le nom Danse avec les Shlags (qui est entre-temps devenu le titre de ce disque, capito ?), et ex clavier du Villejuif Underground revient, et de belle manière. Continuer la lecture de « Antonio Emmanuel, Danse avec les shlags (Entre-soi) »
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The Lemon Twigs, A Dream Is All We Know (Captured Tracks)
À peine un an après la sortie du fabuleux Everything Harmony, les Lemon Twigs sont déjà de retour avec A Dream Is All We Know ! Plus que jamais, cette signature chez Captured Tracks semble avoir regonflé à bloc les frangins D’Addario. Les voici donc à enquiller douze nouvelles chansons, les précédentes à peine publiées. Il faut battre le fer tant qu’il est chaud, dit la maxime. Les Américains se l’approprient pleinement, peut-être au risque de se répéter ? Faisons taire les esprits chagrins : A Dream Is All We Know est une réussite manifeste. En moins de 35 minutes, le groupe offre un tir groupé de grandes chansons. Continuer la lecture de « The Lemon Twigs, A Dream Is All We Know (Captured Tracks) »
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Les Mercuriales, Les choses m’échappent (Hellzapoppin)
Ce n’est pas un hasard si le disque des Mercuriales commence par un tonitruant « LA MORT ! » éructé d’outre-tombe par la voix de Jacques Lacan : morts, nous le sommes déjà vivants. Pas seulement parce que ce qui nous a faits a disparu : décors de l’enfance, arrière-grands-parents qui nous tenaient sur leurs genoux au bord d’une table en formica dans une odeur de Clan ou d’Amsterdamer, mais aussi parce que la mort était déjà depuis longtemps au travail dans la sensibilité même du temps, celle de « l’homme sans immédiateté » qui est à jamais la nôtre, post-adolescents maladifs et fétichistes, fébriles et désorientés, et qu’on retrouve encore dans la voix tremblante de Maurice Ronet qui succède à celle de Lacan en ouverture de ce disque des Mercuriales donc, Les choses m’échappent. Continuer la lecture de « Les Mercuriales, Les choses m’échappent (Hellzapoppin) »
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Shellac, To All Trains (Touch And Go)
On pourrait faire comme si rien ne s’était passé et écouter ce nouvel album de Shellac avec les oreilles éperdues du fan en souffrance depuis la parution de Dude Incredible en 2014. Mais la souffrance, l’autre, celle du deuil compliqué est bien là. Steve Albini nous a quittés très brusquement il y a quelques jours. Alors l’expérience sera forcément perturbante. Et c’est là que la puissance du surnaturel prend décidément un tour exceptionnel. NON, Steve Albini n’est PAS mort, il joue de la guitare à côté de vous avec Todd Trainer et Bob Weston. Et To All Trains déchire comme à l’entraînement, celui de ce fight club, nihiliste mais joyeux dont on a rarement rechigné à payer la carte d’adhésion. Continuer la lecture de « Shellac, To All Trains (Touch And Go) »
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Cindy Lee, Diamond Jubilee (Realistik Studios)
Il est des engouements inattendus qui donnent le sourire. De fait, la musique du canadien Patrick Flegel, connu auparavant comme chanteur et guitariste du groupe Women et qui, depuis plus d’une dizaine d’années, traîne son spleen bricolo/bruitiste théâtral sous le pseudo queer Cindy Lee, ne respirait jusqu’à présent pas l’accessibilité et l’enthousiasme de masse. Trop étranges, trop bruitistes, trop intimes, les chansons à fleur de peau du canadien étaient continuellement traversées d’impulsions sonores lo-fi couplées à des mélodies façon girls group 60’s parfois sublimes mais masquées derrière des rideaux de larsens et autres éclats noisy. What’s Tonight To Eternity, formidable album de 2020 avait déjà laissé apercevoir un avenir plus pacifié, sur la forme toutefois. Continuer la lecture de « Cindy Lee, Diamond Jubilee (Realistik Studios) »
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LORD$, Speed It Up (Tricatel)
En France, les étoiles ne sont guères alignées pour les disquaires, la presse musicale, les groupes ou les labels indépendants. Le monde musical que nous connaissions n’en finit plus de s’effondrer inexorablement mais quelques bribes d’espoir surgissent ici et là. Dans l’hexagone, Born Bad (Forever Pavot, Bryan’s Magic Tears, Pleasure Principle) ou Tricatel (Guy Cabay, Chassol) continuent de sortir des disques ambitieux et à les proposer des à prix accessibles. Ces structures font presque un travail d’utilité publique en défendant la scène indépendante française tout en pratiquant des prix démocratiques (à rebours de nombreux autres labels internationaux). Le label de Bertrand Burgalat confirme l’adage avec, Speed It Up l’excellent album des (presque) nouveaux venus LORD$. Continuer la lecture de « LORD$, Speed It Up (Tricatel) »
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Manset, L’algue bleue (Parlophone)
» Quand le printemps revient, on a raté sa vie. »
Derrière une pochette qu’on dirait volée à une relance de Métal Hurlant (par exemple à un numéro spécial cyber romantisme, ce genre), il y a un nouveau disque de Manset (si tu n’as pas perdu ton prénom après 60 ans…) : au fond, il vient de là, de cette période année 1970 où s’est figé le fonds de son style, unique, une vision de la variété rock posée sur des guitares électriques ou acoustiques, des pianos, une voix toujours au bord de la rupture, poussée, ne cherchant jamais à faire joli, ni à plaire et des textes charriant des histoires de rapport aux autres, de géographies réelles ou mentales, avec une poésie parfois absconse, parfois lumineuse. Comme la face sombre et torturée post 1968, un cauchemar du Big Bazar en somme, même si, sans exagérer, on pourrait mélanger la chronologie de la sortie des albums de Manset, personne n’y verrait que du feu. Que je vous dise que ce disque est sorti en 1993 ou en 1987, peu d’indices vous diraient le contraire, OK, le son et la qualité des enregistrements, peut-être, me diront les spécialistes ORL. Continuer la lecture de « Manset, L’algue bleue (Parlophone) »