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Bulie Jordeaux, Visions (Grande Rousse Disques & Womb)

« Elle te fixe, elle te traque, elle te guette »

Si je devais donner une idée de ce qui se passe en France en matière de courants musicaux, écrire un état des lieux, je choisirais bien d’envelopper des artistes sous une même étiquette, avec tout ce que ça comporte comme biais et raccourcis. J’essaierais de trouver un nom un peu ronflant : je vous parlais de biais, alors j’irais piocher dans la culture des anime et des manga japonais de mon époque avec les magical girls, ces petites filles qui grâce à une baguette magique, une amulette, se transforment en super-héroïnes avec des pouvoirs magiques. Enfin, c’est ce qu’il me reste comme souvenirs. Continuer la lecture de « Bulie Jordeaux, Visions (Grande Rousse Disques & Womb) »

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Pierre Ponge, Comme une (Boom Boom Tchak)

« Non jamais l’amour n’est sublime,
mais je préfère que rien ne finisse
« 

Je crois que c’est Stephen Pastel qui rappelait récemment* l’importance du mystère dans la musique. Ou plutôt, l’importance de ne pas chercher à trop en savoir, que finalement seule la musique compte, ce qu’elle nous procure en joie, en sensations, en émotions. Ça peut être paradoxal avec ce qu’on cherche ici, en construisant des ponts quotidiennement sous forme de critique et de dialogues avec les musiciens qui sont derrière les chansons qui nous plaisent, mais je comprends le point de vue. A une époque où le moindre clic nous ouvre des mondes infinis, maintenir à distance la ronde des informations, se préserver un tant soit peu, peut se révéler salvateur, surtout autour de groupes qui ne réclament pas une attention qui clignote comme un gyrophare, qui ne cherchent pas forcément les lumières. Continuer la lecture de « Pierre Ponge, Comme une (Boom Boom Tchak) »

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V/A, Cartelle vol. 2 (Cartelle Disques)

« Tout le monde fuit le hangar,
c’est sûrement pas le fruit du hasard »
*

De Rennes, nous arrive, telle une carte postale toute colorée – une bien belle pochette signée Constance Legeay : c’est le deuxième volume des aventures de Cartelle, maison de disques dédiée au défrichage et à la mise en valeur d’un territoire musicale habité par des femmes, personnes transgenres ou non binaires. Le premier volume paru fin 2021 nous avait conquis, en rassemblant des musiciennes confirmées qui font notre bonheur ici depuis belle lurette : Lispector, Charlotte Leclerc ou Rose Mercie se présentaient en marraines évidentes de nouvelles venues bien plus que prometteuses. Continuer la lecture de « V/A, Cartelle vol. 2 (Cartelle Disques) »

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Beak>, > > > > (Invada)

Les projets musicaux ultra-référencés, assumant leur inscription au sein d’un genre et de ses codes historiquement établis, ont ceci de particulier qu’ils évoluent sur une ligne de crête : à égale distance du maniérisme postmoderne et de la citation virtuose, l’écueil de l’érudition fétichiste et gratuite n’est jamais très loin. A ce titre, depuis une vingtaine d’années, l’héritage Kraut, au sens large, aura été très largement pillé, donnant naissance à une myriade de déclinaisons se situant sur ce point d’équilibre délicat. Continuer la lecture de « Beak>, > > > > (Invada) »

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The Pearlfishers, Making Tapes For Girls (Marina)

Le temps file : vingt-sept ans depuis la première rencontre, cinq ans depuis les dernières retrouvailles. A chaque fois, on redécouvre David Scott très exactement à l’endroit où on l’avait quitté. Parfois, il n’en faut pas davantage pour procurer cette forme de réconfort bienfaisante en constatant qu’il est possible de maintenir une continuité de l’existence qui résiste à l’entropie et au chaos. Comme son titre l’indique sans détour, Making Tapes For Girls est un album nostalgique entièrement consacré à la passion musicale et à son omniprésence vitale pour tous ceux qui la partagent, à vingt ans comme à soixante. Non pas parce qu’elle constituerait un refuge érudit hors du monde mais, au contraire, parce qu’elle ne cesse d’imprégner les rencontres, les émotions les plus intimes et les souvenirs les plus précieux. On peut presque tout raconter d’une vie en la condensant quelques disques et autant d’engouements marquants et durables. Continuer la lecture de « The Pearlfishers, Making Tapes For Girls (Marina) »

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Myriam Gendron, Mayday (Feeding Tube Records / Thrill Jockey)

Ce qui fut : I – Le Magicien

« Je ne sais pas moi, j’improvise », me souffle-t-on dans l’oreille et à propos de tout autre chose.

Pas de plan mais une carte, les éléments et les suites au grand jour mais sans explication. Seulement de la magie, deux albums inattendus et pas tant inouïs que : actifs. Not So Deep as a Well, avec les mots rendus de Dorothy Parker, Ma délire – Songs of Love, Lost and Found, avec les siens de mots, Myriam Gendron, et d’autres. Deux disques qui retournent les cœurs les plus usés, leur inoculent une joie et une espérance, transmutent par une musique qui semble toujours avoir été là, cachée sous les yeux. Un chemin débroussaillé, catalogue des possibles, que nous habitons. Leçons et savoirs ancestraux, ça fouille, remue ; si folk veut dire quelque chose, ça veut dire cela, enregistré en chambre ou en compagnie, acoustique ou électrique, une idée du monde et de sa transmission. La Grande Prêtresse toque doucement à la porte, lever de lune, l’obscurité transperce après-midi comme matin. Continuer la lecture de « Myriam Gendron, Mayday (Feeding Tube Records / Thrill Jockey) »

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Ryan Davis & The Roadhouse Band, Dancing On The Edge (Sophomore Lounge / Tough Love Records)

Trois accords et la vérité. La formule brevetée il y a plus d’un demi-siècle par Harlan Howard pour caractériser l’essence de la country est devenue, au fil des décennies, un poncif si éculé qu’elle en a perdu, le plus souvent, une bonne partie de sa pertinence. On a trop entendu de ces histoires de beuveries déglinguées et de désastres amoureux pour vibrer au premier son de banjo ou de mandoline. Et puis, de temps en temps, on entend une voix singulière qui parvient à déchirer les trames trop bien cousues de trop gros fils des conventions génériques. Celle de Ryan Davis a surgi, il y a quelques mois, de Louisville – oui, comme Will Oldham et Slint en leur temps. C’est ainsi que l’un des meilleurs albums de 2024 a lentement enjambé les quelques mois qui le séparait de 2023. Publié une première fois, à l’automne dernier, de façon locale et confidentielle sur le label de son auteur, Sophomore Lounge, Dancing On The Edge bénéficie cette semaine d’une seconde chance bien méritée à l’occasion d’une tournée britannique en première partie des concerts de The Reds, Pinks & Purples. Continuer la lecture de « Ryan Davis & The Roadhouse Band, Dancing On The Edge (Sophomore Lounge / Tough Love Records) »

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Antonio Emmanuel, Danse avec les shlags (Entre-soi)

« Trop de ressentiment,
ça détruit les sentiments »

Dans le département documentation de Section 26, on commence à avoir des dossiers. En 2019, j’écrivais à propos d’un homme-orchestre aperçu et apprécié au Diamant d’or de Strasbourg, et de sa démo en CDR glanée à la fin de son concert : « C’est l’état que je préfère de notre chanson française, directe, un peu frime, un peu déprimée : avec quelques mélodies inoubliables, assez pour nous faire espérer une suite, que ce soit pour de vrai en studio, en concert aussi, où la belle présence de ce jeune homme à moustache (et au mulet naissant) apaise. » Je ne sais pas s’il porte encore la moustache et le mulet, mais Antonio Emmanuel, connu sous le nom Danse avec les Shlags (qui est entre-temps devenu le titre de ce disque, capito ?), et ex clavier du Villejuif Underground revient, et de belle manière. Continuer la lecture de « Antonio Emmanuel, Danse avec les shlags (Entre-soi) »