La sortie de ce disque est l’événement le plus important, émouvant, depuis que l’homme a marché sur la Terre ? sur la Lune ? En tous cas, c’est bien plus qu’une collection de démos, c’est un monument, un cénotaphe élevé à la mémoire de Trish Keenan, chanteuse du groupe Broadcast, disparue en 2011 à l’âge de 42 ans, emportée par une pneumonie après avoir contracté la grippe H1N1 au retour d’une tournée en Australie. C’est à James Cargill, son complice, son frère chimique, que l’on doit cet ultime album. Totalement dévoué à chérir la mémoire de son âme sœur, Cargill a collecté dans les mini-discs, cassettes 4-pistes et autres bandes magnétiques laissés par sa compagne cette trentaine d’enregistrements, couvrant 4 ans de recherches sonores, s’aventurant dans toutes les directions. Il les a gardés intact, à l’état brut, en conservant précieusement les souffles, parasites, accidents, fragilités, les mixes sur bande parfois un peu sourds, nimbant ces enregistrements d’un halo surnaturel.
Et le résultat laisse entrevoir ce qu’aurait donné les sixième ou septième album de Broadcast, lorsqu’en 2009-2010, Broadcast ne consistait plus depuis 2005 qu’en Trish et James, épaulés par un membre honoraire, Julian House, co-fondateur du label Ghost Box, graphic designer pour Broadcast et Stereolab (entre autres), ami d’école de Cargill, et collagiste hantologiste sous le nom de The Focus Group. En 2009, le groupe sort Broadcast and The Focus Group Investigate Witch Cults of the Radio Age, suivi d’un autre 45t avec The Focus Group, Inside Out/The Song Before, et enfin un tour-ep, Mother is the Milky Way (paru finalement chez Warp en 2022), et sa démarche s’oriente de plus en plus vers l’exploration de territoires vers lesquels la pop s’aventure généralement peu : l’improvisation, l’expérimental, le collage. C’est qu’il a toujours été difficile de coller une étiquette simplement pop à Broadcast, tant leur son a évolué sans cesse en osant plein de choses.