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True West, Kaleidoscope Of Shadows : The Story So Far (Bring Out Your Dead Records)

Les périodes de transition musicale sont souvent les plus intéressantes et les plus riches, en particulier quand elles s’animent dans les marges. Celle dont il s’agit ici est communément désignée – aussi bien d’ailleurs par les commentateurs que par les acteurs eux-mêmes – sous le terme de Paisley Underground. Début des années 1980, sur la côte Ouest des USA : une cohorte de jeunes musiciens locaux amorce une relecture originale et considérablement influente de l’histoire du rock. Sur le fond, ils demeurent profondément marqués par les soubresauts telluriques du punk dont ils ont essentiellement retenu l’appel à la création libre, émancipée de toute contrainte technique ou commerciale. Sur la forme, en revanche, ils refusent toute prétention à la pratique nihiliste de la table rase et revendiquent d’emblée une filiation claire et assumée avec les aînés négligés de la légende alternative. The Velvet Underground sert, évidemment, de point ralliement. Mais aussi Love, The Stooges, The Byrds et pas mal d’autres. Continuer la lecture de « True West, Kaleidoscope Of Shadows : The Story So Far (Bring Out Your Dead Records) »

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Poésie organique : L’Altra (2002)

L'Altra
L’Altra

Il faut bien l’avouer : au bout de vingt ans les souvenirs parasites avaient fini par prendre le pas sur l’essentiel pour ce qui concerne In The Afternoon de L’Altra. D’abord ceux d’une rencontre, quelques semaines après la sortie remarquée de l’album, dans un hôtel pas très loin de la place Léon Blum, avec deux des membres de L’Altra – Joseph Costa et Lindsay Anderson – qui, sans doute fatigués par les contingences d’une première tournée européenne d’ampleur, étaient restés vautrés sur le lit pendant toute la durée de l’interview ici restituée, ne consentant à répondre qu’entre deux bouchées de ce fromage local et insipide, qui représentait peut-être à leurs yeux le comble de l’exotisme parisien, et dont le nom m’avait semblé, dans l’instant, curieusement correspondre à la beauté de leur musique. Oui, la mémoire s’obstrue de détails futiles mais je suis certain que les deux musiciens s’étaient tapé une boîte entière de Caprice Des Dieux – avec baguette, comme il se doit – en trente minutes. Les souvenirs, surtout, d’une année où ce label de Chicago – Aesthetics – s’était brutalement imposé comme l’un des épicentres les plus captivants de nos passions musicales partagées. Dans cette chaîne unissant Pulseprogramming, 33.3 ou Windsor For The Derby, L’Altra n’apparaissait plus par moments que comme un maillon parmi d’autres, à peine plus éclatant. Continuer la lecture de « Poésie organique : L’Altra (2002) »

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Selectorama : Olivier Albert Brion

Olivier Albert Brion
Olivier Albert Brion

Une orbite incertaine, une périodicité fluctuante : à l’instar de certaines comètes, Olivier Albert Brion laisse irrégulièrement entrevoir quelques-unes de ces lueurs pop fulgurantes dont il semble détenir le secret. Des apparitions aussi rares que précieuses qui s’étendent désormais sur quatre décennies. Dorian Gray, The Yachines, Discover, OHIO ou nom de baptême : les appellations changent et le contexte aussi. Cela n’a que peu d’importance puisque c’est toujours ce même sens de la mélodie nostalgique qui irradie, cette expression unique, francophone et anglophile, où les terres à fantasmes anglo-saxonnes servent souvent de toiles de fond aux projections d’un imaginaire singulier et intime. Autant dire que le retour discret et tardif d’Olivier Albert Brion dans les ultimes semaines de l’année révolue est apparu comme un événement digne de considération : un nouveau projet décliné sous forme de triptyque. Vingt et un morceaux publiés au fil de trois Ep’s numériques de vingt-et-une minutes chacun pour ponctuer la fin de l’année 2021 –Potomac, Maryland et Lady Bird.  Il y a du Felt, bien sûr, dans ce petit jeu de la numérologie obsessionnelle et ça n’est évidemment pas pour nous déplaire. En attendant les publications à venir et une évocation plus complète de ce qui pourrait bien devenir l’un des meilleurs albums de 2022, le principal intéressé s’est prêté de bonne grâce à l’exercice du Selectorama. Continuer la lecture de « Selectorama : Olivier Albert Brion »

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The Beau Brummels, Turn Around : The Complete Recordings, 1964-1970 (Now Sounds)

Il aura fallu près d’un mois pour commencer à digérer cette rétrospective quasi-intégrale de l’œuvre initiale de The Beau Brummels : huit volumes remplis à ras-bord – plus d’une trentaine de morceaux sur certains CD’s – qui composent un récit chronologique exhaustif – et pour partie inédit d’une petite épopée. Il y a pourtant bien des raisons valables de consacrer quelques heures d’attention au legs de ce groupe que l’on considère souvent comme secondaire. Réévaluer son importance relative, sans doute. Mais, après tout, cet aspect de la besogne a été déjà préalablement amorcé depuis que, au début du siècle, le jeu érudit des réhabilitations rétrospectives a conduit les amateurs de l’archéologie du folk-rock à panthéoniser au moins deux des albums les plus novateurs et donc remarquables du quintette de San Francisco : Triangle (1967) et Bradley’s Barn (1968). Continuer la lecture de « The Beau Brummels, Turn Around : The Complete Recordings, 1964-1970 (Now Sounds) »

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Furrows, Fisher King (autoproduit)

Des quelques péripéties biographiques qu’il accepte de confesser, il semble aisé de déduire que Peter Wagner a vécu la plupart de son existence dans les entre-deux. Les espaces qui séparent les continents – entre les USA et l’Allemagne – ou les villes – Baltimore, puis Brooklyn mais également les intervalles entre les genres musicaux – le jazz et la musique improvisée avant d’en venir à la pop : ce sont les zones qui lui sont devenues familières et où il tente de creuser ses propres sillons, dans un certain inconfort. C’est ce qu’on retrouve dans ce premier album, presque solo, de Furrows : une palette sonore tout en nuances pour tenter de donner forme à l’insaisissable, dépeindre des atmosphères, les colorer parfois à petites touches de cordes, de pulsations électroniques. Continuer la lecture de « Furrows, Fisher King (autoproduit) »

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Mo Troper, Dilettante (Bobo Integral)

Dilettante. Le mot est lâché. Comme un paradoxe, si on entend par là l’incapacité d’accomplir, par défaut de volonté ou de ténacité, le travail artistique jusqu’à son terme. Quatre albums – et même un peu plus – en cinq ans : Mo Troper n’est manifestement pas de ceux qui rechignent à l’effort. Généralement adepte de la basse fidélité, le musicien de Portland s’était même risqué pour son précédent album – Natural Beauty (2020) – à gommer quelques aspérités sonores et à peigner quelques-unes des mèches rebelles de ses chansons ébouriffées. Le résultat était en tout point remarquable – du Jellyfish en cure d’austérité budgétaire, pour résumer – mais était passé à peu près totalement inaperçu en plein printemps confiné. Déçu et sans doute un tantinet frustré, Troper s’en est retourné à ses premières passions bricolées. En Dilettante, donc, au sens le plus noble du terme, puisqu’il s’agit ici de vivre plusieurs vies pour composer plusieurs albums à la fois. S’engager dans l’impulsion du moment, accompagner en amateur la sensation isolée ou l’impression éphémère qui s’élèvent au rang d’expérience artistique. Et ce vingt-huit fois de suite. Vingt-huit, c’est bien le nombre de morceaux enregistrés à domicile en moins d’une semaine qui composent donc ce kaléidoscope musical touffu et fascinant. Continuer la lecture de « Mo Troper, Dilettante (Bobo Integral) »

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Andrew Taylor And The Harmonizers, Andrew Taylor And The Harmonizers (Rock Indiana)

Écouter les mêmes notes ; ressasser les mêmes mots : depuis vingt ans, Andrew Taylor compose des chansons magnifiques et trop peu de gens s’en soucient. Le résumé des épisodes précédents tient donc en une seule sentence lapidaire et ce n’est sans doute la publication de ce nouvel album, vendredi prochain, qui infléchira radicalement la suite du récit. Rien ici n’est fait pour déjouer l’implacable réalisme des prévisions ni même les attentes des rares impatients, déjà séduits par l’œuvre considérable du petit maître écossais et de tous ses alias – Dropkick, The Boy With The Perpetual Nervousness. Continuer la lecture de « Andrew Taylor And The Harmonizers, Andrew Taylor And The Harmonizers (Rock Indiana) »

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Peter Holsapple (The dB’s) : « Je crois que quand R.E.M. a triomphé, nous avons tous triomphé. »

Peter Holsapple / The dB's
Peter Holsapple / The dB’s

The dB’s est toujours apparu comme un groupe interstitiel, de ceux dont l’œuvre, considérablement sous-estimée pendant bien des décennies, se niche dans ces anfractuosités confidentielles qui échappent à bien des classifications réductrices : entre les genres – ni totalement punk ou new-wave, ni vraiment power-pop ; entre les époques ou les scènes. C’est sans doute ce qui a conféré au quartette fondé à New-York en 1978 par Chris Stamey et Peter Holsapple ce statut un peu particulier. Un groupe culte, sans doute. Mais surtout, un maillon essentiel dans la succession des générations qui structure l’histoire de la musique américaine. C’est en effet dans les premiers albums des dB’s – et particulièrement dans les premières démos du groupe, saisissantes de vitalité, rééditées cet automne sur I Thought You Wanted To Know 1978-1981 – que se trouvent à la fois les prolongements du garage-rock des années 1960 et de ces mélodies qui ont surgi sous les doigts d’adolescents encore sous le choc de la British Invasion et les prémisses de l’indie-rock des années 1980. Après avoir contribué à briser quelques barrières, Holsapple et ses camarades se sont fait déborder ensuite – avec une complaisance confraternelle souvent appréciable – par les jeunots qui se bousculaient sur leurs traces de R.E.M. à Yo La Tengo. Il ne leur en tient aucun grief, bien au contraire. Et c’est avec une bonhomie enjouée qu’il accepte de revenir sur un engagement musical qui s’étale désormais sur six décennies. Continuer la lecture de « Peter Holsapple (The dB’s) : « Je crois que quand R.E.M. a triomphé, nous avons tous triomphé. » »