Il n’y en a pas beaucoup. Peut-être n’y a-t-il que lui. Des artistes français capables de chanter : Rock’n’Roll sur un refrain – celui d’Enfant Terrible, le premier morceau de son nouvel album – sans susciter ni cette gêne incrédule ni ce malaise décalé qui accompagnent les tentatives pataudes pour s’approprier les reliques d’une forme lointaine et disparue. Dans les accents élégants de cette voix – de plus en plus grave, de plus en plus belle – on ne discerne aucune prétention vaine à ressusciter ce qui n’est plus. Simplement à faire vibrer, une fois encore, cette nostalgie sereine qui imprègne depuis longtemps l’œuvre essentielle de Johan Asherton. Continuer la lecture de « Selectorama : Johan Asherton »
Auteur : Matthieu Grunfeld
Catégories Chronique en léger différé
John Bramwell, The Light Fantastic (autoproduit)
Il a souvent été question de lumière dans les chansons de John Bramwell. L’éclat solaire impromptu saisi au détour d’un nuage, le scintillement discret d’une étoile dans un ciel nocturne, la lueur du matin qui colore la grisaille sans pour autant la dissiper totalement. La métaphore pourrait sembler convenue mais elle condense, en l’occurrence, quelque chose de bien plus substantiel dans cette écriture qui, depuis les premiers titres de I Am Kloot découverts il y a près d’un quart de siècle, s’attache à restituer le plus honnêtement possible les contrastes entre les trivialités éphémères et moroses du quotidien et la beauté que leur insuffle les formes poétique et musicale. Continuer la lecture de « John Bramwell, The Light Fantastic (autoproduit) »
Catégories pictures on my wall
Pictures On My Wall : Philippe Dufour
Ce fût d’abord une silhouette, une présence discrète et régulière. Le constat d’une assiduité commune aux concerts – surtout ceux en appartement, organisés pour la plupart par Life Is A Minestrone – comme un gage de quelques passions partagées. Et puis, au fil des rencontres, on a fini par découvrir une petite partie de son travail. De son regard. Et on y a retrouvé les mêmes qualités, le même engagement à la fois respectueux et impliqué dans cette belle façon de restituer visuellement ce qui nous plait tant dans la musique de ces sujets. Et qu’il y a forcément, dans les photos de Philippe Dufour, des échos particulièrement résonnants de cette forme d’amateurisme qui n’exclut en rien l’exigence. Et dans laquelle on se retrouve souvent.
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Catégories mardi oldie
Guy Blackman, Adult Baby (Unstable Ape, 2007)
En 1977, peu après la publication de The Beach Boys Love You, Brian Wilson s’était attelé tant bien que mal à la réalisation d’une suite potentielle intitulée Adult/Child. Une référence aux théories – pas si vaseuses, pour une fois – du bon docteur Landy selon lequel ces deux termes seraient moins à considérer comme les deux phases linéairement successives de notre existence que comme les deux pôles alternatifs d’une même personnalité. L’adulte qui assume les responsabilités et le contrôle et l’enfant qui sommeille et réclame, de temps à autre, son lot d’attentions et de soins ; l’adulte qui croit maîtriser les règles et l’enfant qui les apprend et les teste : de cette cohabitation duale et schizophrénique naitraient les plus belles créations. Continuer la lecture de « Guy Blackman, Adult Baby (Unstable Ape, 2007) »
Catégories chronique nouveauté
Pernice Brothers, Who Will You Believe (Ashmont/New West)
Growing old seemed like death
to me when I was young.
Now I want to grow old.
And I want to belong.
Joe Pernice, How Will We Sleep
Dans Haute Fidélité de Nick Hornby (1995), le héros et ses adjuvants en érudition musicale éprouvaient toutes les peines du monde à concevoir la playlist idéale pour un enterrement – celui du beau-père de Rob. Cinq bonnes chansons évoquant la mort ? En dépit de leur connaissance encyclopédique des recoins les plus confidentiels de la pop, les trois disquaires ramaient lamentablement et finissaient par contourner la difficulté avec une pirouette et quelques rires. Trente ans plus tard, la tâche semble moins insurmontable. Nos figures de référence ont vieilli, et nous avec elles. Ou l’inverse. Continuer la lecture de « Pernice Brothers, Who Will You Believe (Ashmont/New West) »
Catégories chronique nouveauté
Wesley Fuller, All Fuller No Filler (Cheersquad Records & Tapes)
Tout avait plutôt bien commencé pour Wesley Fuller. Quelques armes musicales collectivement fourbies, dans la première moitié des années 2010, sur la scène de Perth au sein de Hurricane Fighter Plane, le temps d’un single ou deux – incidemment, on envie tous ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion de jeter une oreille ravie sur I Can’t Win (2012), premier coup de génie power-pop, et sur son solo final à la Byrds. De quoi, en tous cas, attirer l’attention de James Endeacott – le directeur artistique de The Libertines et The Strokes – qui, sur la foi de ces fulgurances confidentielles, lui propose un contrat sur son label, 1965 Records pour y publier, coup sur coup, un premier Ep – Melvista (2016) – et un album – Inner City Dream (2017) suivis d’une longue tournée de près de deux ans. Jusqu’ici tout va bien, comme dirait l’autre : un jeune musicien hyperdoué enchaîne les étapes habituelles du parcours vers un succès mérité. Et puis ? Continuer la lecture de « Wesley Fuller, All Fuller No Filler (Cheersquad Records & Tapes) »
Catégories interview
Sean O’Hagan (High Llamas) : « Je ne veux pas être qu’un conservateur du musée de la musique »
Une semaine s’est à peine écoulée depuis la publication de Hey Panda et dans le Landernau – petit, convenons-en – des passionnés d’indie-pop, le débat commence déjà à faire rage. Sacrilège ! On entend de l’auto-tune sur le nouvel album des High Llamas, ces gardiens consacrés d’un temple dont les piliers semblaient sculptés, depuis plus de trente ans et donc pour l’éternité, dans le marbre inaltérable de Pet Sounds (1966). A chaque époque ses dogmes et ses trahisons, ses Dylan électriques et ses « Judas ! ». Toujours est-il qu’on ne peut pas feindre de s’épancher sur la Rétromanie galopante, déplorer que tout est déjà joué, rejoué et archi-joué et ne pas, au moins, consentir à jeter une oreille intriguée et admirative sur cette tentative pour rebattre aussi vigoureusement les cartes alors même que – coïncidence sans doute – un revival Microdisney bât son plein au Royaume-Uni après la diffusion toute récente d’un documentaire dont Sean O’Hagan pourrait se contenter d’assurer le service après-vente. Continuer la lecture de « Sean O’Hagan (High Llamas) : « Je ne veux pas être qu’un conservateur du musée de la musique » »
Catégories chronique nouveauté, mardi oldie
Pete Astor, Tall Stories & New Religions (Tapete Records)
Quarante ans d’activité musicale, voilà qui n’est pas rien. Le flux des années s’accélère inexorablement et il est sans doute logique, peut-être inévitable, que les dernières œuvres de Pete Astor en portent la marque. Qu’il s’agisse d’évoquer avec une pointe de résignation sereine ce qui reste encore à créer à l’approche de l’échéance – Time On Earth (2022) – ou bien encore, comme ici, de se retourner quelques instants, le temps de contempler avec un regard différent quelques-uns des fragments impérissables de ce qui demeurera après la fin. Une œuvre, des chansons – douze en l’occurrence – souvent extraites des jalons les moins balisés de son répertoire et qui, rassemblées, semblent former un autre récit. Avec un sens intact de l’élégance et de la précision juste, Astor laisse ainsi le présent recolorer le passé. Continuer la lecture de « Pete Astor, Tall Stories & New Religions (Tapete Records) »