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The Pearlfishers, Making Tapes For Girls (Marina)

Le temps file : vingt-sept ans depuis la première rencontre, cinq ans depuis les dernières retrouvailles. A chaque fois, on redécouvre David Scott très exactement à l’endroit où on l’avait quitté. Parfois, il n’en faut pas davantage pour procurer cette forme de réconfort bienfaisante en constatant qu’il est possible de maintenir une continuité de l’existence qui résiste à l’entropie et au chaos. Comme son titre l’indique sans détour, Making Tapes For Girls est un album nostalgique entièrement consacré à la passion musicale et à son omniprésence vitale pour tous ceux qui la partagent, à vingt ans comme à soixante. Non pas parce qu’elle constituerait un refuge érudit hors du monde mais, au contraire, parce qu’elle ne cesse d’imprégner les rencontres, les émotions les plus intimes et les souvenirs les plus précieux. On peut presque tout raconter d’une vie en la condensant quelques disques et autant d’engouements marquants et durables. Continuer la lecture de « The Pearlfishers, Making Tapes For Girls (Marina) »

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Ryan Davis & The Roadhouse Band, Dancing On The Edge (Sophomore Lounge / Tough Love Records)

Trois accords et la vérité. La formule brevetée il y a plus d’un demi-siècle par Harlan Howard pour caractériser l’essence de la country est devenue, au fil des décennies, un poncif si éculé qu’elle en a perdu, le plus souvent, une bonne partie de sa pertinence. On a trop entendu de ces histoires de beuveries déglinguées et de désastres amoureux pour vibrer au premier son de banjo ou de mandoline. Et puis, de temps en temps, on entend une voix singulière qui parvient à déchirer les trames trop bien cousues de trop gros fils des conventions génériques. Celle de Ryan Davis a surgi, il y a quelques mois, de Louisville – oui, comme Will Oldham et Slint en leur temps. C’est ainsi que l’un des meilleurs albums de 2024 a lentement enjambé les quelques mois qui le séparait de 2023. Publié une première fois, à l’automne dernier, de façon locale et confidentielle sur le label de son auteur, Sophomore Lounge, Dancing On The Edge bénéficie cette semaine d’une seconde chance bien méritée à l’occasion d’une tournée britannique en première partie des concerts de The Reds, Pinks & Purples. Continuer la lecture de « Ryan Davis & The Roadhouse Band, Dancing On The Edge (Sophomore Lounge / Tough Love Records) »

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Richard Thompson : « J’ai composé environ 450 chansons dans ma vie »

Richard Thompson / Photo : David Kaptein
Richard Thompson / Photo : David Kaptein

Je n’ai pas osé tout lui dire. Ce n’est, de toute façon, pas possible. Comment lui avouer, en effet, ce qui relève indéniablement des travers un peu ridicules qu’engendre la passion musicale. Ce disque dur, que je conserve encore dans un état de marche pour le moins incertain et qui contient une soixantaine de bootlegs non officiels que je n’ai jamais écoutés, pour la plupart, mais dont la seule présence demeure curieusement réconfortante. La conviction totalement infondée que, sur l’enregistrement pirate de son concert au Café de la Danse du 6 février 2011, c’est moi que l’on entend crier un peu plus fort que les autres sur le refrain de Tear Stained Letter. Continuer la lecture de « Richard Thompson : « J’ai composé environ 450 chansons dans ma vie » »

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Selectorama : Johan Asherton

Johan Asherton
Johan Asherton / Photo : Philippe Dufour

Il n’y en a pas beaucoup. Peut-être n’y a-t-il que lui. Des artistes français capables de chanter : Rock’n’Roll sur un refrain – celui d’Enfant Terrible, le premier morceau de son nouvel album – sans susciter ni cette gêne incrédule ni ce malaise décalé qui accompagnent les tentatives pataudes pour s’approprier les reliques d’une forme lointaine et disparue. Dans les accents élégants de cette voix – de plus en plus grave, de plus en plus belle – on ne discerne aucune prétention vaine à ressusciter ce qui n’est plus. Simplement à faire vibrer, une fois encore, cette nostalgie sereine qui imprègne depuis longtemps l’œuvre essentielle de Johan Asherton. Continuer la lecture de « Selectorama : Johan Asherton »

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John Bramwell, The Light Fantastic (autoproduit)

Il a souvent été question de lumière dans les chansons de John Bramwell. L’éclat solaire impromptu saisi au détour d’un nuage, le scintillement discret d’une étoile dans un ciel nocturne, la lueur du matin qui colore la grisaille sans pour autant la dissiper totalement. La métaphore pourrait sembler convenue mais elle condense, en l’occurrence, quelque chose de bien plus substantiel dans cette écriture qui, depuis les premiers titres de I Am Kloot découverts il y a près d’un quart de siècle, s’attache à restituer le plus honnêtement possible les contrastes entre les trivialités éphémères et moroses du quotidien et la beauté que leur insuffle les formes poétique et musicale. Continuer la lecture de « John Bramwell, The Light Fantastic (autoproduit) »

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Pictures On My Wall : Philippe Dufour

James Leesley de Studio Electrophonique - décembre 2023, LEAF à Liverpool (détail) / Photo : Philippe Dufour
James Leesley de Studio Electrophonique – décembre 2023, LEAF à Liverpool (détail) / Photo : Philippe Dufour

Ce fût d’abord une silhouette, une présence discrète et régulière. Le constat d’une assiduité commune aux concerts – surtout ceux en appartement, organisés pour la plupart par Life Is A Minestrone – comme un gage de quelques passions partagées. Et puis, au fil des rencontres, on a fini par découvrir une petite partie de son travail. De son regard. Et on y a retrouvé les mêmes qualités, le même engagement à la fois respectueux et impliqué dans cette belle façon de restituer visuellement ce qui nous plait tant dans la musique de ces sujets. Et qu’il y a forcément, dans les photos de Philippe Dufour, des échos particulièrement résonnants de cette forme d’amateurisme qui n’exclut en rien l’exigence. Et dans laquelle on se retrouve souvent.
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Guy Blackman, Adult Baby (Unstable Ape, 2007)

En 1977, peu après la publication de The Beach Boys Love You, Brian Wilson s’était attelé tant bien que mal à la réalisation d’une suite potentielle intitulée Adult/Child. Une référence aux théories – pas si vaseuses, pour une fois – du bon docteur Landy selon lequel ces deux termes seraient moins à considérer comme les deux phases linéairement successives de notre existence que comme les deux pôles alternatifs d’une même personnalité.  L’adulte qui assume les responsabilités et le contrôle et l’enfant qui sommeille et réclame, de temps à autre, son lot d’attentions et de soins ; l’adulte qui croit maîtriser les règles et l’enfant qui les apprend et les teste : de cette cohabitation duale et schizophrénique naitraient les plus belles créations. Continuer la lecture de « Guy Blackman, Adult Baby (Unstable Ape, 2007) »

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Pernice Brothers, Who Will You Believe (Ashmont/New West)

Growing old seemed like death
to me when I was young.
Now I want to grow old.
And I want to belong.
Joe Pernice, How Will We Sleep

Dans Haute Fidélité de Nick Hornby (1995), le héros et ses adjuvants en érudition musicale éprouvaient toutes les peines du monde à concevoir la playlist idéale pour un enterrement – celui du beau-père de Rob. Cinq bonnes chansons évoquant la mort ? En dépit de leur connaissance encyclopédique des recoins les plus confidentiels de la pop, les trois disquaires ramaient lamentablement et finissaient par contourner la difficulté avec une pirouette et quelques rires. Trente ans plus tard, la tâche semble moins insurmontable. Nos figures de référence ont vieilli, et nous avec elles. Ou l’inverse. Continuer la lecture de « Pernice Brothers, Who Will You Believe (Ashmont/New West) »