Aerial M, The Peel Sessions (Drag City)

Aerial M The Peel Sessions Drag CityEn écoutant d’une oreille volontairement inattentive cette Peel Session de David Pajo enregistrée en mars 1998 et parue enfin ces jours-ci avec une pochette respectant à dessein la charte graphique assez problématique du label Strange Fruit qui en publia une palanquée au mitan des années 80*, l’on s’aperçoit que l’inattention préalable ne peut pas être de mise bien longtemps. Par l’amitié brisée par balle auto-infligée d’un ami parti il y a 5 ans déjà. Et qui était fan de Slint à un niveau expert. Où que tu sois mon vieux Jac, ce disque t’aurait plu sous toutes ses coutures et j’aurais tant aimé me réjouir de cette petite mais assez dense demi-heure en ta compagnie. D’autre part, parce que Pajo y règle un certain nombre de comptes avec son passé avant de commettre un (autre) très grand disque sous le nom de Papa M, Whatever Mortal (2001). Et qu’à la jonction des deux, il arrive également à se joindre temporairement à ses anciens collègues Brian McMahan et Britt Walford sous bannière The For Carnation.

Aerial M (David Pajo) / Photo : Domino Rec.
Aerial M (David Pajo) / Photo : Domino Rec.

Skrag Theme (tiré de l’homonyme Aerial M, 1997) pose évidemment avec ses petites anicroches guitaristiques préliminaires l’hommage pizzicatesque cradingue à I Remember Nothing de Joy Division (1979) avant de se déliter dans un bal de promo où l’on ne jouerait que des pirates de Neil Young à son plus mirobolant minimalisme noise, traçant à balles réelles des fusées éclairantes vers le King Crimson le plus rigoriste. Bref, les corps francs de l’ennemi n’ont absolument aucune chance. C’est du jazz de l’apocalypse, du rock libre mais jamais du jazz-rock, ou si peu. Du Krautrock dans la veine du premier Ash Ra Tempel, absolument mais pas que.

Vivea (entendu sur le EP October, 1998), avec son titre de trust capitaliste hyperbienveillant, c’est aussi un beau déroulé de lignes de basses conglomérées, l’idée poussée à son acmé d’une collaboration optimisée entre Peter Hook et Vini Reilly, et où le minimum et le maximum auraient été inversés.

Safeless (qu’on ne retrouvera gravé dans le marbre que lors de la sortie de l’indispensable compilation Hole Of The Burning Alms, 2004), c’est, sous des dehors austères, le luxuriant jardin de la post-adolescence. Ce moment de grande inquiétude où quatre gandins de Louisville, Kentucky, énoncent pourtant avec une force surnaturelle ledit post-rock. Pajo y met du cœur à l’ouvrage, sans jamais s’excuser. Et échafaude sans aucune pudeur ce qui aurait pu/dû** être le premier morceau d’un troisième album de Slint. Les échardes et la rouille y font un absurde bon ménage, l’ancestral et le moderne, une sorte de java claroscuro de très haute volée.

Ces témoignages assez prégnants du génie de la musique américaine dépassent tous.tes ou presque la dizaine de minutes impartie. On aimerait pourtant que cela ne cesse jamais. Et l’on citera volontiers de mémoire les notes de pochette de Jean Cocteau : « Il fut scandaleux, voire criminel que ces merveilles instrumentales moisissent plus longtemps dans les caves de la radiodiffusion britannique. »


The Peel Sessions par Aerial M a été republié chez Drag City.
* Voir mon article sur Nico où j’y reviens longuement.
** Q.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *