David Berman – Bonjour tristesse

David Berman
David Berman

Quel drôle de retour. Je n’y croyais pas. Je scrutais ce visage blême, ce regard rendu microscopique par des verres de correction staliniens. Un regard perdu, totalement. Il ressemblait parfois à un enfant. Pourtant, la réalité revenait vite me serrer la gorge – les cheveux gras et filasses, la silhouette bouffie, moche et terriblement émouvante, David Berman revenait ainsi. Fragile et peu apprêté. J’ai eu une sorte d’appréhension à l’écoute de l’album de Purple Mountains comme lorsque l’on serre contre soi un ami que l’on a plus vu durant dix ans et avec qui on s’était fâché. Pudeur, gêne et admiration. Et ce foutu temps qui passe. All my happiness is gone. C’était pas pour la pause ce titre, c’était du sérieux.

Comme tout grand poète qui se respecte, Berman était un génie du cliché. Artiste maudit, prosateur en catimini, piètre guitariste et chantant rarement juste, il avait le goût des jolies femmes. Un homme complet en somme. J’ai trouvé par hasard, du côté de la Plaine à Marseille, Starlite Walker des Silver Jews. C’était en 1995, Will Oldham ne jurait que par Serge Gainsbourg et son Vue de l’extérieur. Quelle ambiance. Les petits salons de thé aux devantures cramoisies s’alanguissaient dans la pénombre. On respirait dans les rues de ce quartier de Marseille la friture, la javel et le haschich. Parfois, d’une fenêtre on entendait un standard de la musique égyptienne. Berman a accompagné mes années décisives et des après-midi fauves, bohèmes où le temps s’étalait lourdement. Un éclat de jeunesse et de pureté vient toujours sonner entre mes tempes à l’écoute de Random Rules.

Longtemps, j’ai voulu mettre en exergue de mon chef-d’œuvre littéraire cette citation fameuse : « In 1984 I was hospitalized for approaching perfection », mais Olivier Benyahya avec son roman Dexies & Dolly m’a chouré mon idée et toute envie d’écrire mon livre. Rendez-vous manqués avec D.C Berman, tellement. J’aurais voulu aller à sa rencontre, pour un entretien de haute volée. C’était une idée qui germait dans ma tête et celle d’Étienne Greib après quelques valeureux pastis. Rapidement, à l’écoute de Purple Mountains, j’ai saisi que je ne rencontrerais jamais David Berman. Tout ce disque, hanté par la mort, la passion brutale et le passé, me confirmait que David Berman était déjà parti. Lutte inutile, envie malingre et tristesse en acier. Ces morts-là volent les souvenirs. Pardonnons-donc leur absence en réécoutant leurs disques.

4 réflexions sur « David Berman – Bonjour tristesse »

  1. lionel sasso et etienne greib sont mes plumes prefere de magic et de section 26 ,c’est avec eux que j’ai le plus appoitance en matier de culture musicale

  2. RIP David BERMAN, encore un songwritter décisif qui quitte le navire, après tant d’autres: E.Smith, M.Linkous… Quelle perte musicale sur le plan de l’écriture et de l’émotion.
    No i don’t really want to die… I only want to die un tour eyes …

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