The Lilac Time, Astronauts Deluxe (rééd. Needle Mythology / Creation, 1991)

NDLR : Quand on aime, on ne compte pas, après celui de la semaine passée, voici un second point de vue sur la réédition du quatrième album des anglais.

Ce qui est bien ici, c’est que je peux radoter les quelques anecdotes sans fin, toujours les mêmes, parce qu’on est quand même dans une grande machine à oubli et qu’il vaut mieux se répéter quarante fois si nécessaire.

J’ai effectué quatre voyages à Londres entre 12 et 22 ans. Pas de quoi écrire des volumes de souvenirs, même si le premier, quand j’étais en 5e, était placé sous le signe de Musical Youth, dont la famille qui m’accueillait semblait épris, puisqu’elle n’écoutait que ça quand on mangeait du poulet-frites, après avoir joué au football. Mais quand même. En 3e, j’étais aussi au HMV pour la sortie de Parade de Prince, il y avait de grands portraits de lui attachés au plafond, j’avais acheté la cassette pour mon walkman Sony jaune, je crois que j’avais aussi volé la cassette d’Indochine à quelqu’un dans le bus, oui c’était moi, j’avoue, je me sentais très mal après – surtout que je trouvais ça nul, en fait. A quelques milliers de km, la centrale de Tchernobyl était en train de clamser.

The Lilac Time / Photo : DR
The Lilac Time / Photo : DR

J’y suis ensuite retourné en 1990 et 1991. Une dizaine de jours, avec la particularité d’être quasi ruiné le premier jour après l’ouverture d’un Record Stock & Exchange. Je gardais juste quelques pounds pour des concerts, cochés dans le NME acheté dès l’arrivée. 90 et 91 se sont un peu mélangés, mais j’y ai vu Momus qui sortait Hippopotamomus, Teenage Fanclub qui balançait à l’ULU les classiques absolus de son futur Bandwagonesque – la légende n’en est pas une : tu entendais une fois les chansons, elles te semblaient des classiques instantanées. A la sortie, devisaient Kevin Shields, Miki Berenyi et je ne sais qui, à qui j’ai fait signer mon petit passeport de fans Pastelism.

L’autre grand souvenir que je raconte à mes enfants (qui s’en « battent les c***, frère ») : J’ai vu un concert de The Lilac Time dans un club pour la sortie d’Astronauts. Ou un peu avant, ou un peu après. Ils étaient tout de blanc vêtus, les lights de la boite se chargeant de les coloriser en direct. Je me demande s’il n’y avait pas ses boites à huile psyché projetés sur eux, mais je n’en suis pas sûr. J’étais content parce qu’ils ont joué des chansons de leur premier album, de leur deuxième et de leur troisième aussi. Le truc c’est que j’avais identifié un gars silencieux au bar, qui leur tournait le dos, sans savoir exactement qui il était. Et puis Lilac Time a joué Raspberry Beret de Prince et quand Stephen Duffy a chanté « My boss was Mr McGee » tout le monde s’est marré et les yeux se sont tournés vers le gars au bar, ok, c’était bien Alan, le manager du groupe et boss de Creation Records, qui les avait signés pour Astronauts.

Bon, je ne vais répéter ce qu’a écrit Mathieu la semaine dernière, Stephen Duffy depuis Return To Yesterday (1988) était devenu une voix qui compte pour moi. Sa voix renferme une sorte de sentiment de renoncement, jamais de frime, ni trop Stephen Duffy / Photo : DRde recul, pas de désespoir, mais juste cette haute tristesse qui sait que tout est joué, ce truc de poète folk magnifique et intemporel, de perdant magnifique. J’aurais adoré écrire ces chansons d’amour et de désespoir aussi simplement que lui. Porter une veste de daim et des Clarks, avec un costume de laine (comme sur une vieille photo des Inrocks), un beau velours côtelé aussi. J’en avait fait un selectorama que je vous conseille, un de mes premiers papiers pour section26, je m’étais appliqué, j’avais recherché les traces d’un vieux site de Lilac Time où Stephen avait écrit ses mémoires, j’en avais traduit des bouts en rapport avec les morceaux choisis. J’ai même retrouvé sur un vieux disque récemment un document word où j’avais compilé tous les textes. Ces dernières années, il était question d’un film sur l’histoire de Lilac Time, un serpent de mer, je ne sais pas.

En tous les cas, sur Astronauts, Finistère (cette version pimpée de Northern Sky, allez, mais oui) me donne la chair de poule, je pleure facilement sur Grey Sky and work things, et même Dreaming que je n’aimais pas trop me transporte maintenant. J’adore tout ce disque, je trouve le son magnifique. Je crois que j’ai un rêve absolu, c’est de voir Stephen Duffy en concert. C’est marrant quand je suis retourné à Londres l’année dernière, la seule chose que j’ai vérifiée, c’est si Lilac Time ne se reformait pas. Si Stephen Duffy ne donnait pas un concert dans une église, un bar quelconque ou dans une salle de 1000 personnes. Le reste, quelle importance.


Astronauts par The Lilac Time, sorti sur Creation en 1991, a été réédité en version Deluxe par Needle Mythology

A lire aussi : l’autre avis sur la réédition de Astronauts de The Lilac Time par Matthieu Grunfeld.

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