Selectorama : Stephen Duffy

Stephen Duffy
Stephen Duffy et son petit gilet léopard Paul Smith en 1985 / Photo : Chris Duffy

Cet été, tandis que BMG annonçait la venue d’un nouvel album de The Lilac Time (Return To Us, sorti il y a un mois à peine), je me suis replongé comme tous les deux ou trois ans dans la discographie éclatée de Stephen Duffy, songwriter britannique à l’ancienne, un peu perdu dans le monde contemporain. C’est pourtant en s’accrochant à la modernité pop synthétique qu’il toucha du doigt le succès que beau nombre de ses contemporains n’ont fait que fantasmer au final. Sans doute pour mieux retourner à un terroir qu’il fantasmait à son tour (mais pas tant que ça, héritage familial, tout ça) : instruments acoustiques, maison perdue dans la campagne, veste de tweed et Clarks aux pieds… C’est ensuite en yo-yo qu’il bâtit sa carrière, entre voyages initiatiques aux États-Unis ou contrat d’homme de l’ombre pour chanteur à succès (Robbie Williams) pour toujours revenir à sa famille originelle, près de son frère Nick Duffy, fondateur des Lilac Time. Comme nombre de songwriters britanniques de sa génération, nourris à la fois au folk des années 60, celui de Grande-Bretagne orthodoxe et illuminé à la fois (les drogues ?) et celui des États-Unis, contre culturel, Stephen Duffy l’a vécu à travers le prisme du punk et du post-punk, tout en le liant à une vision mélodique et œcuménique de la pop (les Beatles au hasard). D’où deux voies dans son œuvre : des chansons rapides, enlevées, souvent plombées par une mélancolie évidente, parfois politiques, toujours légères ; et des ballades introspectives, chansons d’amour désespérées, provoquant des frissons immédiats, par cette voix identifiable entre mille, notamment, proche, douce, veloutée. Ces dernières traversent les âges sans s’émousser, et deviennent de fidèles petites compagnes de solitude, de rupture, dans lesquelles on se projette avec douleur et délice, boule à la gorge. Que demander de plus à Stephen Duffy, toujours élégant, et toujours vivant, au fait.

10. Return To Yesterday, The Lilac Time (1987)

« Ils ont écouté les chansons, m’ont dit de trouver une chanteuse et d’orienter la production vers un truc plus dansant. J’ai expliqué ma nouvelle passion pour la guitare folk et ils m’ont laissé tomber. Personne n’en voulait, même mon manager voulait se barrer. Je lui ai dit que j’avais bien l’intention de finir le disque, avec les derniers royalties de Kiss Me. Il m’a dit que j’étais dingue et qu’avec cet argent, je devais plutôt me payer une belle terrasse sur le toit de mon appartement. J’ai appelé mon frère et nous avons rassembler ses banjos et son violon. Nous avons acheté un accordéon et un nouveau clavier émulateur. Le meilleur ami de ma copine jouait du piano, et on l’a embarqué. Nous sommes tous allés en voiture à Searles, dans un petit cottage, par une soirée d’été britannique bien humide. C’était une ancienne laiterie entourée par quelques hectares sauvages. Nous avons répété et bu du vin. Une nuit, nous avons cru voir des ovnis avant de nous rendre compte qu’on était dans l’axe de l’aéroport de Gatwick. Après quelques semaines, nous sommes retournés chez Bob pour finir l’album. Le 17 août 1987, on était à l’aube de l’ère du Verseau et pour citer Francis Scott Fitzgerald de travers : « j’étais une femme de vingt-sept ans, fanée mais encore charmante ».

09. The Deal, Stephen Duffy (1997)

« De retour à Birmingham, je faisait semblant de jouer et de chanter devant le miroir en écoutant des disques, je creusais des tranchées dans le jardin pour jouer à la guerre, et je traînais autour des canaux, dans les zones inconnues de la ville entre Swallows et Amazons. Je me souviens m’être assis au bord de la rivière à Dunster et d’avoir erré dans les ajoncs et les chardons, près de la maison d’Ernie à Welshpool, en attendant une intervention divine, sans savoir que je devais plutôt chercher ce truc mystique en moi-même, dans mon monde intérieur. Fraîchement arrivé des Malvern Hills, j’ai pu admirer la beauté immobile du Herefordshire qui s’étendait jusqu’aux Black Mountains et au Pays de Galles. Étant plus attiré par Les clochards célestes que par Sur la route, j’ai passé mon adolescence à lutter contre moi-même, pour être calme, serein, zen, dans la tente au fond du jardin. Mais en fait, il n’y a pas eu de lutte : au lieu de lire l’enseignement du Bouddha, je lisais les catalogues Bell, en convoitant les guitares Selmer et ou les folks Dreadnought. Je suppose que c’était le dernier souffle de romantisme des années 60. L’industrie du disque qui avait précipité mon retour à Birmingham en me retirant mon statut de pop star – et en s’en félicitant – était néfaste. Alors je me suis assis à nouveau au fond de la tente du jardin pour essayer de ne faire qu’un avec l’univers, de tout faire pour ne plus se sentir seul. Je savais que je devais détester les immeubles et les usines. Je voulais vivre dans un cottage à la campagne, tout en fréquentant une grande école d’art entre le Wolsey et le Fort Dunlop. J’ai joué de la guitare acoustique dans la cuisine, Cousin Caterpillar (du Incredible String Band), j’ai chanté Man of Constant Sorrow. »

08. We Used To Be So, Stephen Duffy & The Lilac Time (2003)

« Si je dois essayer de vous raconter pourquoi j’ai fait un album intitulé Keep Going, je ferais peut-être mieux de commencer par ce lundi 10 octobre, alors que j’étais dans l’avion entre Heathrow à JFK. La semaine précédente, j’étais à Hambourg, Berlin et Paris pour dire à la presse et à la radio que nous devrions organiser une marche anti-stupidité, en exhibant des banderoles avec des peintures de Jackson Pollock et en chantant les poèmes de Gregory Corso. J’avais écrit un livre intitulé Memory & Desire. Le début c’était :  » Mon premier souvenir, c’est moi en train de toucher le cul du chat « . Peut-être qu’un jour, je le finirai. Mais bref, du coup, je m’étais rappelé de ce qui me stimulait, de mes inspirations originelles : les beatniks et les punks, les folkniks et les artistes. Quand j’avais treize ans, j’ai vécu dans une tente au bout du jardin tout un été, et j’y lisais Sur la route. Aujourd’hui, nous sommes de retour dans les années 50, on vit dans une ère pré-Beatles, dans une nation pleine d’ennui. Il ne reste que des belles paroles et de vagues promesses rassurantes. Je ne pouvais pas travailler. Je ne pouvais pas écrire une chanson ou taper à la machine. Ramper et griffonner sur des relations ratées, sur tous mes engagements rompus, et aucune vie hormis dans mes chansons. J’étais toujours à la recherche d’une fête, d’un carnaval continuel au bord de la mer. Même sans la consolation d’un succès très précoce, j’avais la conviction que la vie était une affaire romantique. J’avais travaillé, je vivais avec les rimes et le rythme. Les guitares qui sonnaient, brillaient, avec ma voix rassurante qui semblait savoir ce qu’était l’amour. Mon médecin m’a dit qu’il ne s’agissait pas d’amour mais de créativité. »

07. Grey Skies And Work Things, The Lilac Time (1991)

« L’enregistrement se passait mal. Je prenais des quantités excessives de vitamines qui affectent les muscles de mon cou, comme quand tu es sous speed ou strychnine. C’était une protéine animale, et comme j’avais été végétarien pendant quelques années, l’effet était violent. J’avais apporté les bandes enregistrées dans le brouillard londonien pour ajouter la batterie et commencer à mixer. Je me suis retrouvé dans ce quartier de North Kensington, assis pendant des heures à écouter Michael en train de jouer sur une cymbale. On a arrêté et longuement discuté. Je réalisais alors qu’il me faudrait cinq ans pour faire ce que j’avais en tête. Si tu ajoutes à cela que je traversais le cimetière de Kensal Green tous les jours en me rendant au studio… L’album a commencé à changer. Dreaming a été complètement remixé par Hypnotone et n’avait évidemment plus rien à voir avec le reste de l’album. Mais c’était la seule idée marketing que nous avions. J’ai ré-enregistré deux autres chansons, mais on a perdu le fil, le disque devenait brumeux, partait dans tous les sens. Un matin, je me suis assis dans le studio pendant que deux gros-bras  entraient et retiraient les bandes multi-pistes de la machine pendant que nous enregistrions. Cette incursion violente était due aux fameuses factures impayées de My Bloody Valentine quand ils enregistraient Loveless. Je vivais une rupture, mon groupe partait en vrille, j’avais l’impression que ma vie était foutue. J’ai commencé à abandonner l’enregistrement et à mixer ce qui était déjà fait à ce moment-là. Je ne pensais pas faire un autre disque. Je me sentais déçu par tout le monde. De retour à l’appartement, j’ai joué une cassette de Grey Skies & Work Things sur un magnétophone posé sur la cheminée. J’étais à fond dans le travail. Le rêve d’errer sur les collines, d’écrire de la poésie et de me concentrer pour devenir un meilleur artiste s’était réalisé, mais j’étais trop malheureux pour l’accepter. »

06. And The Ship Sails On, The Lilac Time (1987)

« Construit avec l’argent qu’il avait gagné en produisant Signing Off de UB40 sur un quatre-pistes installé dans sa chambre, celui que nous avions tous utilisé à l’époque, le nouveau studio de Bob semblait toujours inachevé, en perpétuel chantier. C’était sans doute à cause de ce besoin d’enregistrer. Et puis, la famille, les amis et les autres venaient et s’incrustaient. Mais Bob, avec ses câbles attachés jusque sur le dossier de sa chaise, les yeux fermés, parti dans une rêverie embrumée, savait comment faire un disque. La nuit, on mangeait indien sur Bristol Road. La musique était enregistrée chaque jour rapidement et sans tracas, sans chichis. Moi aussi, j’étais défoncé la plupart du temps… C’est seulement cette chanson, You’ve Got To Love, qui m’a bien déprimé et m’a fait penser que j’allais échouer. J’ai téléphoné à ma petite amie pour me plaindre, j’étais découragé. Mais il faut savoir lâcher certains morceaux pour passer à ceux qui tournent bien et qui vous redonnent le sourire. En une semaine, nous avons enregistré Black Velvet, You’ve Got To Love, Love Becomes A Savage, The Road to Happiness, Too Sooner Late Than Better et Trumpets from Montparnasse. Nick a ajouté des pistes de banjo sur Rockland et Return To Yesterday. Bob a joué des percussions, notamment un bon woodblock sur Trumpets from Montparnasse. J’ai appelé le label Swordfish, de vieux amis de l’époque Duran Duran, et je leur ai demandé s’ils voulaient sortir The Lilac Time avant Noël et bien sûr, ils ont dit oui. C’est ainsi que le 2 novembre, deux mille LP en vinyle étaient dans les bacs. »

05. So Far Away, Stephen Duffy & The Lilac Time (2003)

« Le punk m’avait fait passer brièvement du folk à l’école d’art, ce qui m’a conduit presque par inadvertance à devenir une pop star, puis à fonder Lilac Time, groupe qui a fait le tour de la Grande-Bretagne avec des guitares acoustiques que personne ne voulait entendre. C’est un peu : « Comment j’ai réussi à gagner ma vie en écrivant et en chantant des chansons pop ». Quand j’avais de l’argent, je le toujours dépensait et je ne mettais jamais de côté. Je vivais une modeste existence de bohème. J’ai décidé que Lilac Time était un groupe de country anglais et nous avons déménagé dans le Herefordshire pour que je puisse prétendre être le Neil Young d’ici. Puis j’ai mis un terme au groupe, déménagé à Camden, mis des bottes de moto, et me suis mis à écouter Big Star. A la fin du XXe siècle, j’ai réformé The Lilac Time pour ce qui devait être mon / notre dernier album – Looking For a Day in the Night. Je me retirais du métier pour écrire mes mémoires. Mais la transition de chanteur country folk à écrivain solitaire n’était pas facile. Lilac6 l’était pourtant. L’autobiographie se trouve dans le tiroir du bureau et peut-être que Lilac7 ou Keep Going est dans votre discothèque. Grâce à Eric Hobsbawm, j’ai voulu l’appeler The Last Days Of Humanity, parce que c’est ce que j’ai ressenti. J’ai ensuite choisi The Ages of Catastrophe parce que je pensais que le disque avait été écrit dans un tel contexte. Personnellement et dans le monde. Peut-être que la quarantaine est l’âge de la catastrophe et peut-être que c’est aussi le début d’une décennie nouvelle mauvaise, malhonnête, ou peut-être que c’est la renaissance d’une contre-culture, où les gens frustrés et sans voix chantent et agissent enfin. Il n’est pas surprenant qu’il s’agisse principalement d’un album qui évoque la perte. Mais c’est avec ce sentiment qu’il nous faut continuer. Et c’est pourquoi il s’appelle Stephen Duffy and the Lilac Time Keep Going. »

04. Jeans & Summer, The Lilac Time (2001)

« Quelques interviews, quelques chansons jouées pour le fanzine Chick Factor : une bonne façon de voir si j’avais envie de refaire de la musique. Le vol était complet. C’était la semaine de la mode à New York et on était en pleines fêtes juives, la compagnie aérienne veillant à ce que chaque place soit occupée. Je voulais voir Patti Smith aussi. Pour faire ressurgir en moi cette envie. En sortant de sa performance Ocean, elle m’avait convaincu qu’on peut changer le monde, le mien, le vôtre. Ce soir-là, elle avait fait un discours sur un garçon qui était mort lors de la marche anti-mondialisation. Et sur comment les marches allaient s’agrandir jusqu’à ce que nous soyons un demi-million, puis un million. Je n’ai pas bu pendant le vol et j’ai dormi pendant un certain temps, alors je me sentais reposé, plus cool que d’habitude, et je suis arrivé tranquillement à la douane. On m’a arrêté et on a fouillé mon sac. « Pourquoi ? », j’ai demandé. « L’argent », il a dit. Puis ils m’ont laissé passer. Il faisait chaud, lourd à JFK. J’ai transpiré dans la file d’attente pour les taxis et pendant que je claquais la portière, un orage électrique nous a enveloppés, la pluie tombant à travers la fenêtre légèrement ouverte. Au Gramercy Park Hotel, j’ai aperçu un nuage qui était si bas qu’il faisait disparaître l’Empire State Building. Je savais que j’étais à la veille d’un changement important dans ma vie. Avant qu’il ne soit trop tard. »

03. Twenty-Three, Stephen Duffy (1997)

« Quand Lilac Time a joué son dernier concert à Londres, c’est un certain Elstyn George qui en fait la chronique. Il a écrit que j’étais toujours un peu décevant, je l’ai mal pris. Je mangeais littéralement du haschisch et j’étais obsédé par Ken Kesey, Syd Barrett et Pink Floyd. Le concert final a eu lieu à Manchester le 18 mai. Le 18 juin, tout était fini. Plus de maison de disques, plus de manager, plus d’éditeur, plus de groupe. The Lilac Time avait occupé mes pensées les cinq dernières années de ma vie. J’ai passé une semaine en France, ivre et misérable, puis, le reste de l’été, dans un caisson d’isolation sensorielle. Une nuit, alors que j’étais bourré au fin fond de ce pays, alors qu’une grosse pluie fouettait les murs de bois de ma pension spartiate, je pris une pince à épiler et commençai à arracher les poils de ma moustache. Quand la saison de football a commencé, je suis allé à tous les matches d’Aston Villa, les matchs à la maison et ceux à l’extérieur, avec Nigel. Il avait eu une grosse opération au cou, dont il n’était pas vraiment remis, et malgré ça, des promoteurs en Australie ont insisté pour qu’il remplisse ses engagements de tournée. Comme il lui fallait une dizaine de minutes de pause chaque soir, et principalement pour ça, je me suis envolé avec lui pour l’Australie et la Nouvelle Zélande : j’y jouais juste Black Velvet et Julie Christie avec l’Australian Chamber Orchestra tous les soirs. J’ai écouté Dark Side of the Moon et Meddle en boucle pendant le vol. La première répétition avec l’orchestre de chambre australien fut un désastre. C’était aussi malheureusement la dernière. Chaque soir, quand nous terminions l’intermède, je ressentais un immense soulagement. Je n’avais jamais joué avec un orchestre auparavant et je n’ai plus jamais joué avec un orchestre depuis. Et d’entendre ce beau son s’élever autour de vous pendant que vous jouez de la guitare était encore plus accablant. »

02. I Went To The Dance, The Lilac Time (1990)

« Nous venions de terminer And Love For All. L’argent a été débloqué à mi-chemin, de sorte que les morceaux enregistrés avec Andy Partridge ont pu s’ajouter aux six que nous avions déjà mis en boîte, en une semaine, avec John Leckie. Les chansons enregistrées par ce dernier sonnaient exactement comme nous le voulions. J’avais rencontré Alan McGee quand House Of Love était passé de Creation à Fontana (entre 1988 et 1989, ndlr). Nous étions sur le point de faire le chemin inverse. C’est dommage que nous n’ayons pas pu profiter des années d’opulence de Creation, nous avons signé à un moment où le label était déjà bien endetté. Le transfert s’est mal passé, au moment de la sortie de l’album. Nous n’étions même pas distribués aux Etats-Unis, et en Angleterre, ça n’a pas marché du tout. Nous avons eu des disputes inutiles avec Polygram qui n’aimait pas notre travail artistique, notre image et, même s’ils ne nous le disaient pas trop directement, notre musique. Ils ne pouvaient rien y faire, alors ils insistaient sur des détails : ils voulaient une photo du groupe en pochette, en couleur. Nous on voulait une peinture parfaite de Peter Blake. Sur la pochette, j’avais l’air d’un fan des Smiths, un peu hippie. Les Stone Roses et les Happy Mondays étaient partout, nous n’étions nulle part. J’avais l’impression qu’il fallait tout reprendre à zéro. Alan McGee a mis une pub dans les pages du NME en disant d’appeler un numéro de téléphone spécial : on nous appelait et Lilac Time venait jouer pour vous, gratuitement. Nous avions un camion avec une sono, les gens ont appelé, et nous avons calé quelques dates plus stables dans les villes universitaires. C’était le Free Love Tour et c’était la grosse pagaille. On s’installait dans les parcs et on jouait pour une poignée de personnes, car l’organisateur avait omis de mettre l’heure du concert sur l’affiche. Il y a eu Peterborough Town Square où une horloge a commencé à sonner lorsque nous avons commencé à jouer et a continué tout au long de notre set. Tout cela semble marrant avec le recul, mais c’était difficile à accepter, avec tous les fantasmes que j’avais en tête… »

01. Finisterre, The Lilac Time (1991)

« La semaine suivante, après le Dominion, nous étions de retour à Malvern, dans ma chambre d’amis de sept mètres sur neuf, avec un tout petit studio portable Akai 12 pistes sur un bureau tout en bois, que j’avais trouvé dans un surplus du gouvernement. Avec juste un micro (un Shure 57), nous avons commencé à enregistrer le quatrième album de Lilac Time. J’ai pensé l’appeler The Sentiments Of Spring puis Audiodelic (le nom du studio) ou encore Poetry Not Logic. Plus tard ce fut Approaching Nirvana, ou encore, bien lourd, Municipal Ironworks ou More Angels. Finalement, c’est devenu Astronauts & Other Celebrities, et ça s’est même réduit à Astronauts, le jour où j’ai commencé à penser à la pochette. Le studio était si petit que j’ai enregistré seul, puis séparément avec Sagat et Micky. Sagat a trouvé de bonnes choses : l’effet du bottle neck sur les à cordes de nylon d’une guitare classique (sur Fortunes) était unique. Je connaissais bien le fonctionnement du petit Akai et j’ai réussi à faire un gros son, avec peu de budget, et malgré le peu d’espace du studio. J’avais presque parcouru tous les livres d’Iris Murdoch, je suis très cultivé, c’est bien connu. Je préférais ses romans de la fin des années 60 et du début des années 70. J’avais même lu Sartre, un rationaliste romantique et The Fire & the Sun. Mais maintenant, j’étais dans Les compagnons du Livre et je commençais à me sentir comme faisant partie de l’histoire, assis là avec le brouillard tapi derrière les hublots d’un avion du Worcestershire : je savais que je perdais le fil de tout ça, je sentais la source se tarir, je me sentais épuisé. »

Textes de Stephen Duffy publiés sur son site au milieu des années 2000 et très librement (dans tous les sens du terme) traduits par Renaud Sachet avec l’aide de DeepL.

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