Tequila, Rock and Roll (Zaphiro, 1979)

Les Madrilènes de Tequila traversent les époques et les pays. Leur musique appartient aux années 70 mais annonce les années 80, tandis que ses membres rassemblent l’Argentine, l’Espagne et leurs histoires respectives. En 1976, Ariel Rot et Alejo Stivel débarquent dans notre bonne vieille Europe. Cette année là, Isabel Perón est renversée par un coup d’état. Les deux jeunes musiciens fuit la dictature militaire (1976-1983) et rejoignent un pays fraîchement démocratique : l’Espagne. L’année précédente (1975), Franco décède. À la surprise générale, son successeur, le roi Juan Carlos 1er, accompagne l’Espagne dans une transition démocratique. Ce changement bouleverse la scène culturelle et musicale ibérique. Il donnera lieu, aux débuts des années 80, à la mythique movida Madrileña

Tequila / Photo : DR
Tequila / Photo : DR

Ariel et Alejo s’intègrent très vite à leur ville d’adoption et frayent avec le rock urbano (Leño, Ñu…) très populaire, se rendant aux concerts de Coz ou Asfalto. Ils montent alors leur propre formation : Spoonful Blues Band. Renommée Tequila, elle se stabilise, en plus des deux Argentins, autour de trois musiciens espagnols : Manolo Iglesias (batterie), Felipe Lipe (basse) et Julián Infante (guitare rythmique). Repéré par Chapa Discos, fief du rock urbano et label de la compagnie de disques Zafiro, Tequila publie Matrícula de Honor (1978), un premier album remarqué, notamment pour ses excellents singles Rock & Roll en la Plaza del Pueblo ou Necesito Un Trago. La maison mère récupère le groupe et leur offre une certaine latitude pour l’enregistrement de leur deuxième long format. Le bien nommé Rock & Roll sort un an plus tard, et c’est un succès commercial énorme. Production à l’os et sans fioriture, assurée par le groupe, Tequila ne tergiverse pas et assument leurs influences. Avec leurs disques des Rolling Stones ou Chuck Berry sous les bras, le groupe espagnol déploie une ribambelle de chansons électriques à haute tension. Le groupe s’autorise même à piocher deux titres chez leurs amis argentins. Ils empruntent Rock Del Ascensor aux frères Makaroff et Mister Jones à Sui Generis, une des formations du mythique Charly García. Les propres compositions du groupe ne souffrent cependant pas de la comparaison. Rock and Roll est un album sémillant, et Tequila prend la chose très au sérieux.

Dès l’introduction (Rock & Roll), le groupe pousse les amplis à fond et balance toutes ses forces dans la bataille. Ils maintiennent le rythme jusqu’à l’estocade finale. La fantastique Me Vuelvo Loco conclut les débats en apothéose, un pur moment de rock sans une once de gras mais avec certainement l’énergie de vous faire décoller du sol. Là est toute la force du groupe : une musique sans prétention mais exécutée avec ce qui faut de hargne, de morgue et d’attitude. De temps en temps, Tequila s’autorise des récréations comme le reggae d’El Barco ou la très funky Quiero Besarte. C’est cependant dans le rock épuré qu’excelle Tequila, dans des déflagrations pures telles que Matricula de Honor ou Y Yo Qué Sé. Tequila prend alors des airs de frères d’armes de Téléphone, The Romantics voir des Real Kids. Comme ces formations, les Madrilènes revisitent avec le son new wave la musique des sixties. Plus effilé et sec que le rock urbano, plus rétro et rock & roll que la movida, Tequila a définitivement le cul entre deux chaises, mais trouve heureusement sa place dans une internationale joyeuse et frénétique, aux frontières de la powerpop. Rock and Roll est certainement l’un des plus beaux témoignages de leur talent (mais pas le seul) et constitue ainsi une excellente entrée en matière pour découvrir un groupe aussi attachant que percutant.


Rock and Roll par Tequila est sorti en 1979 sur le label Zaphiro.

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