Sinaïve, Pop Moderne (Antimatière / SuperStructure)

« L’adolescence est terminée. » (Convergence)
« J’ai fait tant de saisons pour enfin éclore » (Elégie)

L’adolescence est, dit-on souvent, le moment passionnant de la véritable rencontre. Sur ce premier album, produit d’une lente gestation de six années et jalonnée de sept Ep’s dont avait suivi l’évolution avec passion et attention, le tandem Calvin Keller et Alicia Lovich (ainsi que Séverin Hutt à la basse) sont donc parvenus au premier terme d’un parcours qu’on leur souhaite encore long. Et c’est émouvant. Pas tellement parce qu’on continuerait ici de déceler les lueurs de ces flambeaux musicaux qui ont illuminé nos jeunesses, brillamment brandis par un groupe dont quelques décennies et une bonne génération nous séparent désormais. A ce stade, la question de la transmission ou de la continuité ne s’impose plus vraiment. Surtout parce qu’il est réjouissant d’entendre Sinaïve s’émanciper des liens avec ce passé parfois pesant et s’approprier toutes ces références, avec un talent et une insouciance qui leur appartiennent pleinement, et qu’ils intègrent à une œuvre neuve, vitale et originale. Tout ce que doit être un premier album, en fait.

Ils y font un usage déjà parfaitement maîtrisé de cette palette sonore dont ils ont délibérément choisi de limiter l’étendue pour mieux accentuer l’intensité des contrastes : entre le bruit et les notes mélodieuses ; les voix féminine et masculine ; la mélancolie et l’euphorie. Qu’importe alors que les martellements minimaux des rythmes évoquent – ou pas – les apparitions fugaces de Bobby Gillespie à l’arrière-plan des premiers concerts de The Jesus And Mary Chain. Ou que les instants d’accalmie qui succèdent aux stridences furieuses d’Elégie s’inscrivent explicitement dans l’héritage assumé – Velvétine, l’hommage s’étend au-delà du clin d’œil appuyé – de cette alternance antithétique qui conclut la face B du troisième album du Velvet Underground. After Hours et la voix douce et flageolante de Moe Tucker pour apaiser un peu, après The Murder Mystery : on n’a pas trouvé mieux mais on peut essayer de faire aussi bien. Et c’est le cas. Avec une liberté qui les préserve de toute tentation conservatrice, Sinaïve s’autorise ça et là des incursions dans des univers inattendus – les tonalités arabo-andalouses des rythmes de Superstar, les atmosphères presque planantes de Etre Sans Avoir. Dans ces chansons en bichromie – le blanc et le noir protègent de toute digression superflue – l’Histoire est devenue leur histoire.


Pop Moderne par Sinaïve est disponible sur les labels Antimatière et SuperStructure. La release party a lieu ce vendredi 25/10 à La Mécanique Ondulatoire. Billets ici.

Une réflexion sur « Sinaïve, Pop Moderne (Antimatière / SuperStructure) »

  1. Salut,

    Je suis allé au concert de Sinaïve hier soir suite à un de vos posts sur X.
    Merci beaucoup pour cette découverte rafraîchissante !
    Du coup, j’ai acheté leur disque en sortant et je télécharge leurs premiers EP…

    Merci encore pour la découverte !!! 🙂

    Alex

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