Selectorama : Tanz Mein Herz

Tanz Mein Herz
Tanz Mein Herz / Photo : Pierre Bujeau, 2016.

On ne sait pas trop s’il s’agit d’un collectif ou d’un supergroupe, mais peu importe, seul le résultat compte. Musique expérimentale ? Traditionnelle ? Le curseur s’affole sans se poser. Après plusieurs essais improvisés, Jérémie, Mathieu et Yann décident de segmenter leurs différents projets et de les nommer : naissent alors France, Zeitspielraum ou encore Meutr. Au gré de rencontres et sans opter pour un line-up statique, ils décident un soir, au Crous de Valence, d’appeler leurs efforts communs Tanz Mein Herz, en référence aux maigres notions d’allemand de Mathieu. En guise d’introduction aux musiques traditionnelles, la bande fréquente assidûment les concerts de Toad, le projet de Yann Gourdon & Guilhem Lacroux vite rejoints par Pierre-Vincent Fortunier. « C’était complètement barjo, ça jouait très fort, très sale avec une nonchalance très rock qui ne pouvait que nous plaire ». L’amitié entre tous les membres de Tanz Mein Herz est le lien qui fédère l’ensemble, leur musique est non calculée, navigue au gré des sensibilités et des envies. Ils prennent leur temps, fonctionnent par thèmes, pour les enregistrements comme pour les lives. Tout part souvent d’une rythmique, d’une ligne de basse et d’un placement spécifique des membres en cercle, car comme le dit si bien le groupe d’une seule voix, il veut être également auditeur de son propre son.

Quattro, Tanz Mein Herz (2021)
Quattro, Tanz Mein Herz (2021)

2014, époque charnière où le groupe accueille en son sein Pierre Bujeau à la guitare et basse. Ils décident de coucher sur bandes Territory et Une Autre version de Territory (versions dubs) qui à l’origine devaient sortir en simultané sur deux labels différents (Standard In -Fi et Slurp) et qui arriveront finalement de façon échelonnée entre 2015 et 2018.

Leur atmosphère chamanique est un mélange entre étude sérieuse du son et expérimentations autodidactes, du krautrock où les drones sont parties prenantes et où se mélangent des sonorités traditionnelles.
Toujours en 2015, le groupe a enregistré une répétition nommée Dosses, deux titres sortis physiquement en 2019 chez Désastre, Standard In-Fi et Mental Groove Records et qui se retrouvent aussi sur leur dernière production, Quattro (2021). Un assemblage de vieux thèmes avec Alexis Degrenier à la vielle à roue et le violon d’Ernest Bergez, qui avec l’aide technique de Frédéric Alstadt forment un six titres à la saveur des musiques ancestrales teinté de psychédélisme bucolique.
L’histoire se répète, et le groupe travaille sur un live de 2021 à Bruxelles, un medley d’anciens et de nouveaux thèmes, en parallèle avec un album de versions alternatives de ceux-ci.

Pour découvrir dans l’immédiat leur univers avant de les retrouver sur scène à Sonic Protest 2022, Tanz Mein Herz propose une sélection de 10 titres entre Kaisai, musiques Chaabi, Kraut rock et bien plus encore.


Guilhem Lacroux

Inas Inas, morceau entêtant de et par Mohammed Rouicha à la voix at au lothar (luth sans frettes à trois cordes) accompagné de Bendir(s) avec un tzing aigu magnifique et de –  deux choristes, je suppose –  femmes dont les voix haut perchées créent un espèce d’effet chorus par la mise en espace et par les lègers frottements du chant.
Il s’agit d’une musique Chaabi du Maroc, c’est-à dire de la musique populaire de l’Atlas. Tout est simple et tout sonne même si en Mp3 le son est bien abimé.
C’est le formidable percussionniste Thomas Lippens qui m’a fait découvrir cette belle musique.


Alexis Degrenier

La voix c’est toujours la voix.
Les résidus même,
même les résidus.
Les mots cisaillés en fines
courses de fond, s’écroulent.
Les notes en pause
se détachent du faire.
Car il faut neige au soleil.
Car il faut des poings fermés
même en suspend.

« La guerre c’est un morceau de fer dans un morceau de chair »

l’intensité n’attend jamais
Je répète
l’intensité n’atteint jamais


Mathieu Tilly

J’aurais pu choisir un morceau de PNL, du genre Je vis je visser,
J’vends, ou Shenmue. Mais j’ai opté pour un autre type de jungle. Le Kasai.
Le Kasai est une province de la taille de la France située au centre du Congo,
bien connue pour ses champs de diamants et ses traditions musicales vivantes.
Un peu comme Corbeil-Essonnes.


Jérémie Sauvage

De loin un de mes groupes préféré depuis le temps, avec Funkadelic/Parliament. Ils arrivent à lier l’influence rock de leurs contemporains anglais et américains avec des bizarreries bien à eux tout en intégrant un style folklorique d’avant guerre; ce qui les différencient de leurs compatriotes allemands alors essentiellement tournés vers le futur. Le tout dans un contexte national absolument exécrable. Les voix sont splendides, crues, drôles, les messages atemporels et la musique est foudroyante.

toujours Jérémie

Melting Mind, c’est les copains Vanzan et Genta de Jooklo Duo avec leurs bons amis de la campagne du Po, Matteo Poggi et Michelle Mazzani. J’y retrouve tout le plaisir que j’ai à les entendre discuter des heures durant autour d’un bon repas, à raconter des conneries dans leur langues tout en sirotant du vin léger. Mais ce qui caractérise le groupe c’est surtout ce groove indéfectible, et j’en ai vu des concerts d’eux, ça swing à max ! La pochette… bah, rien à dire, c’est i.m.p.e.c.c.a.b.l.e.


Pierre Bujeau

Ces thèmes à la guitare n’ont pas vraiment de noms, n’apparaissent pas encore dans ses enregistrements studio, mais il me semble cependant que celui-ci à été joué à Kobe et a un jour porté mon nom sur l’une de ses tracklists, un concert à Saint-Etienne qui précédait celui de Marisa Anderson, soirée cordes pincées.
Je dis « il me semble » car il en joue tout un répertoire qui s’enchaîne, toutes ces mélodies se ressemblent à s’y perdre. Toutes plus stéréotypées et évidentes les unes que les autres, des comptines trop courtes, des ritournelles nonchalantes, desjoyaux qui synthétisent tout mes morceaux préférés.


Pierre-Vincent Fortunier

Des archets tendus, énervés. Des archets errant et se balançant dans un paysage infini, dans un temps si incertain, si chancelant, qu’il est tellement beau de si laisser prendre et de s’y perdre.


Ernest Bergez

Instruments à plectres, percussions digitales et chant, l’une des configurations musicales que j’aime le plus, conjuguée à cette autorité toute particulière des voix dans les musiques orientales. L’orchestre enfle entre les couplets, comme agi par l’empreinte de la voix. Rythme et mélodie sont uns, indissociables comme le temps et l’espace.
Je sais peu de choses de Saniye Can, si ce n’est qu’elle chantait sublimement ces chansons traditionnelles turques et que la grande et la fameuse Selda Bagcan en a été marquée.

encore Pierre

Apparement je suis tout seul dans le camp pop mélo dans Tanz.

Jérémie toujours…

Comme il faut donner dix morceaux, que l’on est que sept dans le groupe, que c’est moi qui m’y colle et que je n’ai pas de personnalité je fais comme mes potes et je partage un morceau de musique africaine. J’ai découvert ce disque après être allé voir un concert où jouait respectivement Thee Majesty, Michaël Gira, Bachir Attar et Étant Donnés.
C’était un concert gratuit organisé par la Fnac de Grenoble… J’y suis même allé à pied vu que c’était à Echirolles, à deux pas de chez ma mère. Le set de Thee Majesty était à tomber par terre et les Maitres Musiciens de Jajooka menés par Bachir Attar étaient grandioses. Michaël Gira en solo, guitare sèche et chant, c’était carrément flippant. Étant Donnés, c’est pas ma soupe. Avec les potes on a fumé quelques cigarettes dehors et on est rentrés se coucher, c’était un soir de semaine il me semble.
On s’est tous demandé qui était le ou la tarée qui bossait à La Fnac à cette époque… Grandiose, encore merci !


Tanz Mein Herz joueront dans le cadre de Sonic Protest 2022 ce vendredi 18 mars au Générateur à Gentilly.

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