Selectorama : Destroyer

Destroyer
Destroyer

Survivre à un disque qui a marqué au fer blanc une génération de fans de musique indépendantes n’est pas une tâche facile. Kaputt, sorti seize ans après les débuts de Destroyer, était alors considéré comme un étalon du cool et l’est resté depuis. Car Dan Bejar était déjà en dehors de tout calcul et des courants musicaux éphémères. S’ensuivit un changement de cap moins lyrique, musicalement toujours passionnant, mais en pente douce. D’où la surprise créée par Labyrinthitis, quinzième album de Destroyer, une œuvre de haute volée. New Order faisant partie de l’ADN du groupe, les influences ont beau rester les mêmes, Bejar n’hésite pas à les triturer, à les emmener sur le dancefloor avec une ambition que l’on ne soupçonnait pas jusqu’à aujourd’hui. Labyrinthisis est son disque le plus aventureux car il allie avec classe une évidence pop à une expérimentation sonore un peu crasse. Soit un condensé du meilleur de Destroyer depuis Poison Season, mais qui laisse entrer suffisamment de lumière pour vous donner envie de bouger plutôt que de déprimer au bout du troisième morceau. A l’occasion de ce nouvel album, Dan Bejar nous présente dix titres qui l’obsèdent. De Bill Evans, Fiver à Loscil, tous sont à l’opposé de la densité de ses propres morceaux, mais ils donnent une bonne idée de la quête émotionnelle qu’il cherche à retranscrire.

01. Loscil, Lumina



Je conduis avec ce disque dans ma voiture. C’est sans doute l’album que j’ai le plus écouté en 2021. Je connais bien sa discographie, mais celui-ci m’a surpris de manière vraiment inattendue. Dire que ce type ce musique « surprend » peut dérouter l’auditeur classique. Et j’ai aussi été dérouté. J’essaye toujours de comprendre le flux et le reflux de compositions telles que celle-ci, mais je m’en détourne vite en me laissant m’échapper, et j’oublie complètement de tenter de l’expliquer.

02. Eiko Ishibashi, Drive My Car



Ce morceau est sur un autre album que j’écoute constamment. La grâce de ces compositions, c’est tellement trompeur. Comme un rêve apaisé. Cela aide aussi a être légèrement obsédé par le film dont ils ont composé la bande originale.

03. Bill Evans, B Minor Waltz



Je ne sais pas si cette musique est plus appropriée pour un diner ou un hôtel lounge, et je ne sais finalement même pas si c’est une mauvaise chose. Bill Evans est comme un signal qui me dit : « Vas dans cette direction ». C’est la musique la plus automnale que je connaisse, et l’automne est ma saison préférée. La mort rôde à la fin de chacune de ses compositions. L’amour aussi.

04. Azita, Shooting Birds Out of The Sky



J’aime un certain nombre de disques d’Azita, mais ce morceau issu de son dernier album m’a vraiment marqué. Je l’ai beaucoup écouté en 2021. C’est doux mais mordant, groovy dans un sens qui part un peu en miettes en même temps, j’adore les paroles et la façon dont elles sont chantées, le refrain, sa façon de jouer à la guitare.

05. Fiver, Jr Wreck



Tout l’album de Fiver est très bon, mais ce morceau est l’un de ces classiques qui vous submerge. Ce groupe est très étrange, fascinant, pourrait-on dire free-country-jazz ? C’est idiot de réduire les choses comme ça, mais l’atmosphère qu’ils créent est très forte. Et la soul transparaît concrètement. Des paroles à la fois cool et étranges, comme d’habitude, mais le mystère filtre un peu plus sur celle-ci. Un des chants les plus envoûtants…

06. Big Thief, Little Things



Ce groupe n’a pas tellement besoin de mon aide, mais ce serait malhonnête de dire que je n’ai pas écouté ce titre au moins cent fois.

07. Ahmad Jamal, Marseille (ft. Abd al Malik)

J’écoute toujours Ahmad Jamal. Toujours. Cela m’aide à traverser la journée. Mais cette chanson me transporte d’une manière différente : j’ai envie de vivre dans ce monde longtemps après la fin du morceau.

08. Mal Waldron, Quiet Temple



J’admets que ce morceau est très connu et que je suis l’un des derniers à le découvrir. Ai-je tort à ce sujet ? La façon de jouer de Mal Waldron sort vraiment du lot pour moi. Plus fragile que la plupart des pianos de jazz, peut-être ? Est-ce de la tristesse ? Cela sonne aussi comme un morceau millénaire, et je trouve que c’est désirable de se placer hors du temps.

09. Billie Holiday, Detour Ahead

J’écoute Billie Holiday tous les jours. C’est comme respirer un air pur. Un jour, j’aimerais écrire une chanson comme celle-ci, juste pour être déçu de ne pas pouvoir la chanter comme ça.

10. Tom Waits, Alice



Je n’imaginais pas revenir à cet artiste à nouveau, après une pause de près de trente ans. Mais je devais, je ne sais pas pourquoi. J’ai écouté cette chanson pour la première fois l’année dernière, alors que la plupart de ses sorties des années 90 et 2000 sont des mystères pour moi. J’ai besoin d’une mixtape. J’apprécie énormément ses ballades ces derniers temps, et les choses qui sonnaient un peu cartoonesques sonnent désormais ultra réels.


Labyrinthitis par Destroyer est disponible chez PIAS.
 

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