Selectorama : Andrew Taylor (Dropkick)

Andrew Taylor / Dropkick
Andrew Taylor / Dropkick
 » Si j’avais choisi mes chansons préférées de tous les temps, j’aurais certainement choisi Elvis Costello, Tom Petty et les Beatles. Mais ça aurait été un peu trop évident : tu me connais déjà. «  C’est vrai qu’on a fini par se connaître un peu, avec Andrew Taylor. De loin en loin, on cause même parfois, à l’occasion. Et puis surtout, il a fini par comprendre – sa modestie naturelle dût-elle en souffrir – que j’entretiens un rapport de plus en plus obsessionnel avec ses chansons. Mélodiques et harmonieuses, simples et belles. Au fil des ans, il s’est même créé comme un équilibre bienheureux entre ma compulsion croissante et sa productivité de plus en plus impressionnante. Deux albums en 2019, pas moins de cinq en 2020 – The Scenic Route de Dropkick et quatre volumes de ses Lockdown Sessions enregistrées dans l’urgence précaire de son home-studio confiné – ce petit refuge d’intimité musicale qu’il consent à dévoiler presque tous les dimanches soirs pour des concerts retransmis en direct, sans chichis ni fioritures. C’est beaucoup ; ce n’est pas trop tant la qualité est demeurée constante de ces innombrables déclinaisons des mêmes motifs élémentaires empruntés aux classiques susmentionnés. Pour le pire et, ici, le meilleur, les premiers mois de l’année nouvelle semblent devoir s’inscrire dans la continuité de ceux qui se sont déjà écoulés. Presque coup sur coup, les annonces conjointes de la publication du second album de The Boy With The Perpetual Nervousness – le projet initié en 2019 en collaboration avec Gonzalo Marcos, le batteur du groupe espagnol El Palacio De Linares – et d’un double Best Of de Dropkick atténuent préventivement les éventuelles sensations de manque. Et constituent l’un des seuls motifs de réjouissance stable et garantie au beau milieu des troubles ambiants.
1. Elliott Smith, Between The Bars (1997)
J’aurais pu choisir n’importe quelle chanson d’Elliott Smith de cette époque. Celle-ci est sortie quand j’avais dix-sept ans. Je m’en souviens très bien parce que j’ai été hospitalisé en urgence pour une crise d’appendicite. Mon meilleur ami était déjà Ian Grier qui est toujours le bassiste de Dropkick. Il est venu me rendre visite à l’hôpital et il m’a apporté une mixtape fabuleuse, pleine de morceaux qu’il savait que je ne connaissais pas : Grandaddy, Sparklehorse, des trucs obscurs de chez Motown. Mais c’est la découverte d’Elliott Smith qui m’a le plus marqué et c’est sans doute l’artiste que je continue d’écouter le plus depuis ce moment. Je n’ai pas la prétention de rivaliser avec lui en tant que songwriter, mais il y a beaucoup de choses chez lui dont je m’inspire encore, même si ça ne s’entend pas toujours : le fait qu’il joue de plusieurs instruments, sa manière de doubler les voix. Et surtout, j’adore sa façon de jouer de la batterie.
2. The Divine Comedy, Perfect Love Song (2001)
J’ai récemment acheté toutes les rééditions de The Divine Comedy en vinyl. Je n’avais pas réalisé avant de lire les notes de pochette que Neil Hannon était si populaire en France. Regeneration n’est pas forcément l’album que je préfère – j’aime mieux ceux qui sonnent vraiment comme du Divine Comedy – mais cette chanson me rappelle l’époque où j’ai rencontré ma femme. The Divine Comedy est venu jouer en concert le soir de la Saint Valentin dans un tout petit club d’Edimbourg. Ils ont joué toutes les nouvelles chansons de cet album : je crois que le public a majoritairement détesté mais ma future femme et moi étions ravis. J’adore cette chanson qui a un petit côté Beach Boys. Le passage à la flûte à bec est super. Je me souviens que, pendant ce concert, le guitariste dont le nom m’échappe a sorti une flûte de sa poche arrière de pantalon au moment du pont et s’en est servi pour frapper les cordes de sa guitare. J’ai trouvé ça fantastique.
3. The Impressions, It’s All Right (1963)
Beaucoup des artistes les plus anciens parmi ceux que j’aime proviennent de la discothèque de mon père. Mais pas Curtis Mayfield. C’est un autre morceau qui était sur la mixtape que Ian m’a apportée à l’hôpital. J’adore l’oeuvre des Impressions en général et cette chanson en particulier. Dropkick en a même enregistré une version horrible quand nous étions au lycée. Je te promets qu’elle ne sera jamais diffusée nulle part. Pendant les dernières vacances de Noël, mes enfants regardaient Soul, le nouveau dessin animé de chez Pixar, et il y a une reprise de cette chanson à la fin. J’en ai donc profité pour leur imposer une écoute attentive de l’original !
4. Wilco, Hummingbird (2004)
Tout ce que j’aime en musique est dans Wilco. J’aurais pu choisir n’importe quelle chanson mais celle-ci est liée à des souvenirs particuliers. J’ai vu Wilco en concert pour la première fois un peu avant la sortie de A Ghost Is Born, en 2004. C’était dans une petite salle de Glasgow et la version de Hummingbird était tellement géniale qu’ils l’ont interprétée deux fois. Jeff Tweedy a commencé à jouer sans guitare tant et si bien qu’il ne savait plus trop quoi faire quand il est parvenu à la fin du morceau, quand le rythme s’accélère. Il s’est mis à courir sur place et tout le public s’est mis à l’imiter. Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de concerts, mais celui-ci est un des meilleurs.
5. Attic Lights, Late Night Sunshine (2008)
C’est amusant : je venais tout juste de t’envoyer la liste de ce Selectorama hier soir quand j’ai reçu un mail de Colin McArdle, le bassiste de Attic Lights. Je n’avais plus eu de nouvelles depuis deux ou trois ans. Attic Lights et Dropkick ont souvent partagé les mêmes scènes entre 2006 et 2007. Nous avons fait notre première tournée écossaise ensemble. La plupart du temps, il n’y avait pas grand monde pour nous écouter mais nous nous sommes bien amusés. J’adore cette chanson. Tous les soirs, quand ils jouaient cette chanson – même si nous n’avons joué que dix concerts : ce n’était pas une bien grosse tournée – c’était le meilleur moment.
6. The Jayhawks, Waiting For The Sun (1992)
Dropkick s’est formé quand nous étions encore au lycée en 1992, Ian Grier, mon frère Alastair et moi. Au début, nous ne jouions presque que du grunge et du metal : une double basse, une batterie et des gros riffs, c’était à peu près tout. En dehors de ce qui se trouvait dans la collection de disques de mon père, le premier album décent de pop mélodique que j’ai écouté, c’est Hollywood Town Hall des Jayhawks (1992). J’y ai retrouvé toutes ces harmonies vocales que j’avais déjà entendues et appréciées à la maison avec les Everly Brothers. Du jour au lendemain, ce disque a changé le style de musique que nous jouions et nous a familiarisé avec la mélodie et les harmonies. Les Jayhawks et les premiers Green Day aussi.
7. Jason Isbell, Stockholm (2013)
J’ai toujours bien aimé les disques des Drive-By Truckers mais le premier album solo de Jason Isbell m’avait un peu déçu. Je n’y retrouvais pas la même force d’écriture. Et puis, j’ai quand même acheté Southeastern (2013) en vinyle. Je n’avais quasiment plus acheté de vinyles depuis les années 1990 et c’est avec cet album que j’ai redécouvert un plaisir dont je m’étais longtemps privé. Pendant plusieurs mois, je l’écoutais presque tous les soirs, quand les enfants étaient couchés.
8. Grand Drive, Wheels (2003)
La première fois que j’ai vu Grand Drive en concert, c’était en première partie des Jayhawks dans une énorme salle d’Edimbourg qui s’appelle le Usher Hall. Quelqu’un avait eu l’idée saugrenue de les faire jouer dans ce lieu totalement surdimensionné et ils ont du vendre quelques centaines de places dans une salle où la jauge est de plusieurs milliers. C’est dire que, quand Grand Drive est monté sur scène en début de soirée, il ne devait pas y avoir plus d’une vingtaine de spectateurs. Et pourtant, c’est l’un des meilleurs concerts de ma vie. J’ai choisi cette chanson en particulier parce que, quand j’ai rencontré ma femme, avant que nous n’ayons des enfants, nous partions souvent en excursion en voiture pendant plusieurs jours dans les îles écossaises. Cette chanson tournait en boucle dans la voiture pendant que nous étions partis à la recherche d’un lieu pour le mariage. J’ai souvent essayé de jouer cette chanson mais je n’y suis jamais arrivé.
9. INXS, Listen Like Thieves (1985)
J’avais cinq ou six ans quand cette chanson est sortie. A l’époque, 99% de ce que j’écoutais provenait de la discothèque de mon père. C’est encore le cas aujourd’hui : il a un jukebox dans sa maison, mais c’est lui qui décide ce qu’il y met. C’est une des toutes premières chansons que j’ai décidé d’écouter de mon propre chef et qui ne faisait pas partie de la discothèque familiale. A cette époque, j’étais fan d’INXS, de Dire Straits et de Level 42. La plupart de mes amis se moquent encore de moi aujourd’hui mais j’assume ! Toutes ces découvertes de l’enfance ont eu une énorme influence sur moi, que cela s’entende ou pas aujourd’hui.
10. Case/Lang/Veirs, Atomic Number (2016)
Je ne sais plus très bien pourquoi j’ai acheté cet album. Je n’étais pas un grand fan d’aucune des trois artistes mais ce disque est fantastique. C’est le meilleur que j’ai entendu depuis longtemps et chaque chanson est une merveille. Et le batteur de Wilco joue avec elles, ce qui ne gâche rien !

À écouter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *