Ride, Tarantula (Creation, 1996)

L’amour pour un groupe de rock peut se mesurer à l’attachement que l’on porte aux disques ratés par ledit groupe. On a ainsi rapidement passé l’éponge pour Standing on the Shoulder of Giants d’Oasis (2000) car on se surprend à se dire que Go Let It Out était un single parfait. On se refuse d’oublier tous les disques de The Streets depuis Original Pirate Material et on commence à se dire que cela fait beaucoup. En 2023, Ride fait l’effort de ne pas tourner le dos à son passé. Le groupe d’Oxford a choisi, avec son label, de rééditer Carnival of Light (le toujours difficile troisième album, (1994) mais aussi Tarantula (1996), son album maudit qu’il a toujours rejeté. Et nous aussi.
Publié une semaine après Lovelife de Lush et le même jour que Stupid Girl de Garbage, Tarantula a sonné la véritable fin d’un groupe qui était totalement épuisé par sa propre existence. On n’ose imaginer la tête des fans lors de la première écoute de l’album. La déconvenue fut totale, la déception immense. Huit ans plus tôt, les mêmes pavoisaient chez leur disquaire en achetant Nowhere et défilaient dans les rues de leur ville avec le ticket de caisse collé sur le front. En effet, avec ce disque, ces quatre Anglais à la beauté affolante pulvérisaient Isn’t Anything de My Bloody Valentine (1998). Mieux, ils tentaient de doubler la mise avec Going Blank Again (1992), une sorte de Be Here Now d’avant l’heure. Ces deux disques donnent tout avec leur premier morceau (qui fait office de premier single) pour mieux s’écrouler après. Que se passe-t-il après Leave Them All Behind et Do You Know What I Mean ? Pas grand chose.

Andy Bell, Laurence Colbert, Mark Gardener et Steve Queralt - Ride en 1990 / Photo : Joe Dilworth
Andy Bell, Laurence Colbert, Mark Gardener et Steve Queralt – Ride en 1990 / Photo : Joe Dilworth

L’affaire Ride continue avec Carnival of Light en 1994. Le commander Greib a déjà tout dit sur le sujet. Dépassé par les frères Gallagher, Ride tenta de vieillir plus rapidement que prévu. La réalité l’imposait. En décembre 1994, le groupe fit son plus grand concert dans le Brighton Centre. La grande majorité des 5000 personnes n’est pas venu pour écouter Chelsea Girl. En effet, Ride (et les La’s) ouvrait Oasis alors en plein triomphe lors de sa tournée pour soutenir Definitely Maybe. On sait aujourd’hui que Ride ne se résume pas à cette étrange confusion temporelle car nous connaissons la fin de l’histoire et surtout le renouveau du groupe. Une semaine après la sortie de Tarantula, Ride explosa. Andy Bell fonda Hurricane #1 pour continuer à enregistrer des chansons au goût douteux avant de décrocher en 1999 le job qui faisait rêver tout le Royaume-Uni. Des deux héros, ce fut au final Mark Gardener qui fut le plus passionnant à suivre avec The Animalhouse (enregistré avec Loz Colbert) et avec Goldrush. En 2009, la fin d’Oasis à Rock En Seine permit aux quatre fantastiques de se reformer plus tôt que prévu et de publier des disques plus que recommandables.

Mais en 1996, Ride est totalement dépassé. Après une tournée japonaise en janvier 1995, Creation envoie le groupe en studio avec Richard « Digby » Smith (qui vient de travailler avec le très étrange Frazier Chorus) et Paul Motion (qui assista Mark Coyle lors de l’enregistrement de Definitely Maybe). Il n’est plus question de recruter (et de payer) un George Drakoulias ou un Alan Moulder. Il en va de même pour la pochette. Hors de question de recruter Gered Mankowitz comme pour la pochette de Carnival of Light. Le label se contente de commander une pochette à l’agence Tourist qui fut plus inspirée. Toute l’équipe de Creation Records a les yeux rivés vers Manchester et la poule aux œufs d’or qu’est devenu Oasis. Alors Ride… Le label n’y croit plus, le groupe non plus : Mark est totalement absent et laisse la part Bell (il fallait la faire) à Andy. Or sans Gardener, Bell n’est pas grand chose. Ce dernier va divaguer et tenter de faire des chansons qu’aurait pu écrire… on ne sait qui pour ne pas être désagréable. Faut-il pousser le vice à comparer des titres comme Ride The Wind à du Lenny Kravitz ? On ne le fera pas.

Tarantula débute pourtant correctement avec Black Nite Crash (qui sera l’unique représentant de Tarantula sur OX4_ The best of) pour après se perdre dans les méandres d’un hommage maladroit aux Faces et aux Creation. Pour un disque d’un groupe de seconde division anglaise, c’est au final assez honorable. Pour un groupe qui a gagné la Ligue des Champions avec Nowhere, la soupe est difficile à avaler. La presse anglaise planta le disque et Ride préféra se cacher et disparaître. Pour mieux renaître.


Tarantula par Ride est sorti le 11 Mars 1996 sur Creation.

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