Frédérique Sueur, Le temps mutile les talons (Undo Seat Belts / Rush Hour)

Salutation !Voici un lien vers le premier disque de Frédérique Sueur qui est sorti le 22 mai ( https://www.rushhour.nl/record/vinyl/le-temps-mutile-les-talons). J’ai tout de suite pensé à toi en l’écoutant. C’est un drôle de type ; je l’ai rencontré dans un parking de La Défense. Il joue les weekends au niveau -2 de Puteaux-La Défense, centre commercial Westfield. Je pourrais te parler de sa performance, qui vaut vraiment le détour, mais je préfère pas te spoiler ! Disons juste qu’elle atteste d’une démarche bien personnelle… et il commence à avoir un petit groupe de curieux qui viennent le voir.L’album, intitulé Le temps mutile les talons, est disponible chez Rush Hour, c’est produit par un petit label belge du nom d’Undo Seat Belts. Pour te donner une idée, le disque est hermétiquement cloisonné en deux parties, deux actes distincts au travers desquels se manifestent ses marottes. La face A, présente des chansons narratives d’où transparaît un goût pour les autofictions et la multiplicité d’identités à la Pessoa. La face B, quant à elle, est son véritable contrepied instrumental. Je dirais qu’elle est un exercice de style, un hommage aux musiques de film, et plus particulièrement au Giallo. L’autre jour encore, il me parlait de ses nombreux hétéronymes tels que Daniel, avec ses chansons d’amours brisées (100% Paltoquet), Eva Coldman, qui est galeriste, Carlos Florea, le peintre, Derick’s Helene et sa musique d’illustration sonore. Notre conversation a presque pris la forme d’une interview. À cœur ouvert, en s’enflammant, il me confiait ses pensées, ses doutes et ses projets ; ses contradictions. J’ai été frappé par son lyrisme sincère, où sa pensée profonde se dégageait comme une sorte d’hymne. Je me suis dit que j’allais t’en retranscrire un bout tel quel. Je n’ose pas y toucher tant le ton est personnel et un peu hors du temps. « Dans le contexte actuel, il n’y a qu’une possibilité : l’artiste anonyme. Toute autre posture est risible tant elle s’ancre dans son époque. Autant qu’à ce qu’il produit, c’est à l’avenir que doit travailler l’artiste. Peu importe si le résultat est bon ; il doit là s’efforcer à être pionnier en tout, tout en embrassant la tradition. Sacré paradoxe… Tiny Tim lui même l’a en son temps brièvement reconnu — La prédominance ultérieure de l’artiste sur son œuvre nous a lentement dévoré, jusqu’à aujourd’hui. Toute rupture actuelle doit advenir par l’absence. C’est le prix à payer pour cet orgueil qui désormais domine tout, pesant sur nous pour les siècles des siècles jusqu’à devenir un lac infranchissable, noyant à la fois l’artiste et l’individu… Pour éviter la mort, il faut attendre sur le rivage et peindre ce tumulte humain. L’effort, c’est de rester dans cette attente. C’est une posture pas confortable ; elle provoque à terme bouffées de chaleur et diarrhées, qui nous inciteront à plonger. Mais non ! Il te faut garder le cap si, comme moi, tu souhaites devenir ultra-moderne.L’artiste anonyme a été édifié par ses enseignements ; il est un ancien disciple de Melmoth. Même s’il s’écarte un peu de son maître, il le reconnait comme tel, et il faut être aussi obstiné que lui à produire cette image – une image que tout le monde fabrique aujourd’hui – et qu’il faut ensuite détruire complètement. Faut pas s’inquiéter pour autant ! la vie renaît toujours de ses cendres… L’opéra allemand et Jonathan Richman devaient être bombardés et la musique de Giallo avec. Mais prenons courage ; nous entrons dans une période troublée. Plongeons-y.En se professionnalisant à outrance, on s’est mordu la queue et on a fini par ressembler à l’environnement duquel on voulait s’échapper. Rappelons-nous toujours que nous sommes nés au mauvais moment. L’histoire aussi a ses défauts. Merde, je m’embrouille ! Ce qui a fait de moi un homme de mon temps c’est que mes parents m’ont fécondé pendant leurs vacances au ski, après avoir digéré une fondu et liquidé une chartreuse, tout ça sur fond de Mylène Farmer. Si j’en crois ma mère, Sans contrefaçon a été la première chose qui me soit venue aux oreilles, soit du 132 bpm en C mineur pendant 6 minutes et quelques ; de quoi marquer du sceau de la variété n’importe qui. C’est à la fois ma dette et mon handicap, je veux dire le synthétiseur. Comme je l’utilise, c’est un blasphème pour tout musiciens qui se respecte. Je pilonne les touches avec un doigts, essentialise la machine à quelques notes, c’est que je dois répondre du tempo diabolique de Mylène encore dans ma tête, à jamais.Souvent, je me dis que je suis comme ce pouce qui scrolle : je me baisse et je me frotte à la moindre impulsion, à tout ce qui me viens sous la main : vidéos, dessins, musique. Hum.. je n’ai aucun don d’ubiquité, j’ai juste un manque de rigueur. Tout mon travail tourne autour du fait que je ne sais pas ce que je fais.Je me suis ennuyé toute ma vie ; je ne crois pas avoir trop ennuyé les autres, mis à part mes parents — plus jeune, peut-être — et encore, pas beaucoup. En plus de m’ennuyer, je suis ennuyeux. Frédérique, lui, ne l’est jamais. » Voilà, j’ai eu le sentiment que tu partagerais mon enthousiasme. Hâte d’en parler de vive voix avec toi !Je t’embrasse fort, Sébastien


Le temps mutile les talons par Frédérique Sueur est sorti chez Undo Seat Belts, distribué par Rush Hour.

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