1987. Fin de l’histoire.
In the pouring rain / It’s called love / And it belongs to us / It dies so quickly. 1987 ou un peu avant, fin de l’histoire. Deux adolescents s’enlacent timidement sous un réverbère. La pluie est forte, d’une verticalité sans égale. Orage de juin et cette odeur de bitume chaud. Orage de juin et leurs tee-shirts devenus éponges, transparents par endroits. Qu’aucun n’ose regarder vraiment, par pudeur, par peur surtout de rompre ce début d’étreinte. Le garçon serre les hanches de celle qu’il a longtemps rêvé de tenir entre ses bras. Quelques centimètres de peau mate, juste au-dessus du jean. Quelques centimètres que ses doigts parcourent timidement, pour espérer davantage. Éprouver le moment présent dans toute son épaisseur. Sentir, surtout, deux battements de cœur à l’unisson. Orage de juin et aux alentours quelques lumières, encore, dans les habitations. Orage de juin, une cabine téléphonique comme seul refuge possible. Odeur, à nouveau, de poussière et de tabac froid. Et leurs deux corps qui, enfin, se rapprochent.
Un éclair lézarde le ciel, pour peut-être remuer la terre à quelques kilomètres de là, aux abords du fleuve, ou même plus loin, en direction des forêts où s’organisent parfois des fêtes sauvages autour d’un brasier. Un brasier que le garçon associe depuis peu à ce morceau de Cure, pour l’avoir découvert là-bas. Quelques mots si simples à retenir, et une atmosphère qui se développe dès les premières mesures : noirceur et lumières liées. A Forest.
Juste passer la main devant son visage, comme pour vérifier sa présence. Frôler ses lèvres pour, peut-être un peu plus tard, oser l’embrasser. Cela arrive. Cela arrive enfin, alors que la chose lui paraissait impossible. A elle aussi d’ailleurs, qu’elle s’appelle Marie, Gabrielle ou Caroline. Avant cela, avant ce moment improbable, une montagne de doutes. Quelques approches, maladroites pour la plupart. Car il n’a jamais su comment faire. L’assurance de ses meilleurs amis l’a toujours désarmé. Le samedi précédent, lors de cette fête improvisée dans un pavillon sans âme, il y eut, enfin, cette tentative de rapprochement, alors qu’il ne faisait que se tenir en retrait, refusant de danser par peur de l’image qu’il pense toujours renvoyer aux autres. Le samedi précédent, il y eut cette cigarette échangée, cette main qu’elle a volontairement appuyé, ce frôlement de peau juste au-dessus du briquet, juste pour voir, et provoquer une réaction. Et ce jeu de regards qui disait l’incertitude autant que le désir. Inflammable mais aussi prêt à s’envoler. Fragile, oui, fragile. 1987, fin de l’histoire.
In the pouring rain / It’s called love / And it belongs to us / It dies so quickly. Ils sortent de la cabine, encore trempés. Ils se tiennent par la main, en sachant proche l’heure de se séparer. Une heure, bientôt deux de retard, sur l’engagement pris. Et leurs mères, l’œil ouvert, le réveil posé sur la table de chevet. Ces parents auxquels ils se refusent de penser. Profiter des derniers moments, et, marchant dans les flaques, ils finissent tous deux par regarder le ciel. It’s called love / And it’s the only thing that’s worth living for.
Thieves like us, coécrit à New York avec le producteur américain Arthur Baker sort le 1er Avril 1984 en maxi 45 tours, complété par Lonesome Tonight en face B, bientôt suivi d’une nouvelle édition quelques semaines plus tard. Un autre titre, Murder, est alors choisi pour l’accompagner. Ces chansons, ainsi qu’une version instrumentale de Thieves like us, sont rassemblés sur la compilation Substance 1987.