Monokultur, Ormens Väg (Mammas Mysteriska Jukebox / Ever/Never)

Par les temps qui stagnent, ils sont précieux ces disques qui font voyager sans avoir à quitter son salon. Nécessité faisant loi, ces songes musicaux (merci de ne pas parler de dream pop) sont même devenus d’une importance capitale. Le dépaysement, c’est justement ce que Monokultur nous offre avec Ormens Väg, cette seconde collection de rêveries sonores qui marie dans les limbes le familier et l’étrange.
Tout au long de ce disque, on repère de nombreuses influences qui semblent limpides : ici Grouper, là Peaking Lights, His Name Is Alive, Delia Derbyshire ou encore Scientist.

Monokultur
Monokultur

Bref, du pain béni… Est-ce parce qu’ils demeurent aussi surprenants que le printemps après l’hiver ou par une science précise de la recomposition que l’on oublie aussi vite ce que l’on connaît déjà pour ne plus retenir qu’une rafraichissante impression d’inédit ? Berçant ce disque de l’imaginaire, il y a cette voix féminine (Elin Engström) qui alterne la candeur et les volutes, cette voix masculine (JJ Ulius), spectrale et profonde qui vient d’un autre monde. Et il y a aussi cette langue incroyable dont on dit qu’il s’agit du suédois alors que, de toute évidence, elle provient de Grande Garabagne, du pays de la Magie ou peut-être de Poddema. On ne connait presque rien sur les deux auteurs de ce disque venus d’un monde analogue. On sait juste que dans leur pays qui ne connait pas les saisons, les habitants soumis tout au long de l’année à un soleil irradiant et à un vent glacial se sont trouvés par l’effet d’une longue adaptation dépourvus de peau. Ils demeurent ainsi indifférents aux brûlures des UV et aux morsures du froid. Aussi dans son monde indolent, la sensualité de ce peuple a su trouver un nouveau refuge. Chaque matin, pendant leurs deux heures d’éveil journalier, ils viennent raconter aux pasteurs de Monokultur leurs rêves de la nuit que ces derniers mettent en musique. Pendant leurs longues phases de sommeil, les paresseux de cette contrée communiquent avec notre monde qui leur semble tout aussi étranger que nous le leur et dont ils ignorent la géographie ; ils captent en une harmonieuse confusion, comme au travers d’une radio idéale, les souvenirs de musiques africaines, les lointains échos de sound systems jamaïcains, des comptines enfantines venues d’Europe. Au beau milieu de ce disque qui offre un rare témoignage de leur art, on entend venir de nulle part Douce Nuit, Sainte Nuit alors que s’achève la chanson Ormens Väg. Oui, leurs nuits sont douces et saintes, et elles offrent à nos âmes fatiguées par de longues journées d’éveil de ravissants moments de rêveries.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *