Loop, Sonancy (Reactor/Wagram)

Loop SonancyIl est parfois bon de rappeler que l’un des plus authentiques diamants brut du rock anglais a souvent et bien évidemment à tort, souffert d’une réputation pas forcement flatteuse. Dès son premier album, Heaven’s End (1987) Robert Hampson et ses sbires se sont fait taxer de suceurs de roue des Spacemen 3. Et si précisément sur ce premier album, qui malgré ses défauts a pris une sacrée patine avec le temps, la comparaison peut jouer en leur défaveur, il faut impérativement réécouter Fade Out (1988) qui lui succède impérialement et énonce clairement ce que sera Loop, un groupe à la fois sauvage et lettré. Sur la face B du single Black Sun, grand morceau convoquant les noces tout à fait admissibles entre Joy Division et Hawkwind*, Loop reprenait, avec les honneurs, et c’était pourtant pas gagné, Mother Sky de Can. Il n’en fallu pas plus pour changer nos vies d’une manière absolue et définitive**.

Loop
Loop, à l’époque.

Et imposer, à une échelle stratosphérique quoiqu’encore trop modeste en terme de renommée et d’influence, l’un des groupes les plus brillant, génial et frondeur de tous les temps. Au moment précis où la pop nous sortait de l’ornière goth, Loop était cette matière noire et insaisissable, cette lave turgide et incandescente qui tournait rarement autour du pot mais agençait avec une remarquable violence constructive le krautrock, le psychédélisme, le post-punk et, lâchons les chiens, le métal. Ce que l’Indie police de l’époque reprochera à son magnum opus (ça en fait déjà deux, donc) A Gilded Eternity (1989) disque immense, à la fois spatial et tellurique qui marquera pourtant la fin de l’aventure. Et si Hampson n’est pas resté inactif depuis, de Main à ses excellentes accointances avec le GRM, il restait probablement un gout d’inachevé, déjà bien torgnolé par des concerts de reformation où j’ai vu d’autres que moi en larmes.

Puis finalement, trente-trois*** ans plus tard, enfin, Sonancy, le quatrième album de Loop. Qui reprend les choses où elles ont été laissées, sans volonté excessive de moderniser l’affaire mais en tablant comme toujours sur un incroyable travail sur les tessitures, la répétition et la distorsion. A l’instar de Wire, on peut évoquer un certain allant prodigieux pour l’auto-citation occulte, pourtant aucune déception n’est de mise aux premières écoutes d’un disque long en bouche qu’il faudra déguster à pied, à cheval ou en voiture, au casque, en pleine nature et si Dieu nous prête vie, en concert, avec la certitude que le son, ce son n’ayant pas subi la moindre érosion visible, nous galvanisera à nouveau, comme au premier jour.


Sonancy par Loop est disponible chez Reactor/Wagram.

*citation : « Le punk rock est né parce que dans chaque villes de province anglaise, des jeunes gens étaient fans d’Hawkwind. «  Stephen Morris (The Other Two)
** il n’est pas fanfaronnade que de dire, même de nos jours, que quiconque découvrant Tago Mago, Ege Bamyasi ou Soundtracks vers ses seize ans voit sa vie basculer irrémédiablement
***l’âge du christ sur la croix mais c’est surement un hasard cocasse

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