Kruder & Dorfmeister, The K&D Sessions (!K7, 1998)

Jusqu’à 2020, les Autrichiens Kruder & Dorfmeister n’avaient jamais publié d’album, mais leur place dans l’histoire de la musique électronique était pourtant déjà assurée depuis plus de vingt ans. Le duo se fait remarquer en 1993 avec la publication de l’EP G-Stoned dont la couverture pastiche celle de Bookends d’un autre duo : Simon & Garfunkel. Les Européens ne pratiquent cependant pas le folk gracieux des ainés américains mais du downtempo, genre apparu dans les années 90. À défaut d’un véritable album, les Viennois ont publié, en plus d’un excellent mix dans la série DJ-Kicks (en 1996, déjà chez !K7), un double-cd de remixes, les K&D Sessions

K&D, récemment.

Ces disques constituent une capsule temporelle de la fin des années 90. Diffusés dans tous les cafés branchés, de New York à Tokyo en passant par Ibiza, ils sont la bande-son des lendemains de grosses soirées à clubber sur les derniers tubes de la french touch ou sur la puissante techno de Detroit. En un sens, il est difficile de se représenter à quel point cette musique a pu être populaire à l’époque. Certes, Kruder & Dorfmeister ne faisaient pas des hits dans les charts pop mais ils ont vendu des palettes des K&D Sessions. Ils ont porté à eux seuls une scène, le downtempo, dont l’épicentre se situe à Vienne. Moins sombre que le trip-hop de Portishead ou Massive Attack, plus dubby que DJ Shadow, le duo remplit un vide dans le spectre plus lent de la musique électronique. Ils auront d’ailleurs leur lot de disciples (Thievery Corporation, Gotan Project, Koop, Zero 7). Si le genre va perdre de sa splendeur rapidement à force d’être maltraité par les bars aux inspirations new age, The K&D Sessions vieillissent très bien. Élégantes et inspirées, les réinterprétations du duo autrichien captivent par la qualité de la production et l’usage subtile d’éléments dub. Les beats groovent gentiment, sans en faire des caisses. Le mixage est aéré et spacieux. Kruder & Dorfmeister mélange intelligemment les programmations et les éléments organiques (notamment de magnifiques pianos électriques) dans un ensemble harmonieux et singulier. Chaque morceau se fond dans le précédent, créant un tout plutôt qu’une simple collection de remixes. D’ailleurs, les gros noms (Depeche Mode, Bomb The Bass, Alex Reece, Roni Size) ne plongent pas dans l’ombre les autres (Rainer Trüby Trio, Count Basic). Le travail a été pensé et soigné. Chacun est ici à sa place. La durée est certes un peu trop généreuse ; nous sommes nombreux à surtout avoir écouté le premier disque et délaissé un peu le second. Ce petit défaut n’entache guère la réussite de ce projet. Succès commercial mais aussi (et surtout) artistique, The K&D Sessions est un véritable marqueur de la musique de la fin des années 90. De leur coté, Kruder & Dorfmeister ne publieront un album ensemble que vingt ans plus tard mais produiront de nombreux autres disques sous les noms de Tosca (pour Richard Dorfmeister, avec Rupert Huber) et Peace Orchestra (Peter Kruder)


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