Une compilation anglaise parue en 1968, The Phil Spector Sound, avait pour autre intitulé Basic History Of Modern Pop. On ne saurait mieux ni plus simplement résumer l’apport et le génie d’Harvey Phillip Spector ce petit (1 mètre 65 sans les talonnettes) juif new-yorkais né le jour de la Saint Étienne en cette première année de la deuxième guerre mondiale. Être (in)humain frappadingue, alcoolique (Manishevitz et Cognac) paranoïaque (menaçant de mort sa compagne Ronnie Spector si elle le quittait), violent, fasciné par les armes (dont il menaçait régulièrement ses poulains, des Ramones à Leonard Cohen) et finalement féminicide, condamné en 2009 pour le meurtre de l’actrice Lana Clarkson, mort en prison où il côtoyait dit-on Charles Manson, qui n’en avait lui aucun, de génie. Des entrevues dont on ne veut surtout rien savoir et dont les scénaristes de la série Mindhunter n’ont même pas eu l’idée. Mais bien au delà de ce portrait détestable, il reste le génie, absolu et précurseur d’un petit garçon dont le suicide du père marquera l’entrée dans l’existence. Alors il lui faudra être plus grand que sa taille, plus grand que cette peine, il lui faudra être le plus grand et pour cela il se construira (en compagnie de Jack Nitzsche, Larry Levine et du Wrecking Crew) un mur du son protecteur* qui régnera sur une grande partie des sixties, définissant et magnifiant une partie de la jeunesse américaine, puis mondiale. Tristesse et optimisme vont souvent de pair dans ces vignettes fabuleuses, ces chansons immaculées dont on peut encore frissonner à la millième écoute, tant elles sont la personnification de la chose pop, dans toute sa vacuité et toute sa grandeur. Il n’existe aucun cliché où l’on peut décemment qualifier Spector de bel homme, en revanche, il émane parfois accidentellement de lui, beaucoup de classe, cette classe qui illuminera plus de 40 ans de pop « moderne » et dont nous avons choisi collectivement, de manière frappante ou parfois plus impressionniste, de vous faire déguster ci-avant l’influence glorieuse.
*dont de mauvaises langues bien instruites estiment largement empruntées aux trouvailles de production d’un certain Lee Hazlewood…