Blindtest : Bob Mould

Bob Mould
Bob Mould

On profite de la sortie de son intégrale en solo, plusieurs déclinaisons de ce coffret mastodonte sont à découvrir içi, pour vous ressortir de nos archives un blind test soumis à l’infatigable Bob Mould datant de 2014. À l’époque, cette véritable institution du rock américain, vient de sortir son deuxième album en deux ans. Après l’éclat irisé de Silver Age (2012), Beauty And Ruin confirmait la verdeur éternelle de ce pionnier du bruit. Verdeur qui ne s’est pas démentie par la suite puisque de Patch The Sky (2016) au tonitruant Blue Hearts paru l’an dernier en prélude aux élections américaines, aucune baisse de régime n’est à constater. À l’épreuve du blind test qu’il craignait un peu, confessant pince sans rire : « I know nothing about music », nous lui avions soumis cinq de ses influences avouées, puis cinq groupes sur lesquels son influence était patente. Affable, charmante et ouverte malgré la légère appréhension du début, la conversation lui a permis de revenir sur plus de trente ans de carrière et plus particulièrement sur ses débuts au sein du mythe fondateur Hüsker Dü. Humble, généreux et volontiers jovial, Bob Mould était déjà l’un de mes héros, il reste l’un de mes meilleurs souvenirs d’interview ever. Il ne faudrait jamais rencontrer ses idoles dit-on. On dit souvent n’importe quoi.

The Byrds, Eight Miles High (album Fifth Dimension, 1966)

Il n’y avait pas la moindre ironie, pas la moindre provocation lorsque nous avons sorti notre reprise de ce morceau en single avec Hüsker Dü, de plus cela faisait plutôt une bonne introduction à Zen Arcade (1984). Leurs premiers albums sont vraiment fantastiques, la manière dont les guitares se fondent et s’entremêlent est fabuleuse, ça a été une grosse influence. Enfant, j’écoutais beaucoup The Byrds, puis je les ai redécouverts vers 21 ans, à un moment où je cherchais à creuser mes racines, à explorer un certain psychédélisme. L’autre jour, David Crosby a fait son premier concert à San Francisco depuis longtemps, un ami y est allé, je regrette un peu de ne pas l’avoir accompagné. C’est une légende vivante, il faut le voir au moins une fois dans sa vie.

Ramones, 53rd & 3rd (single Ramones, 1976)

Ce disque à été fondamental, on me l’a offert pour mes seize ans, j’étais encore au lycée. J’écoutais du heavy metal, des groupes comme Kiss et Aerosmith. Inutile de te dire que ça a complètement bouleversé mon rapport à la musique, les Ramones ont vraiment ouvert la voie. En 1976, je dévorais le magazine Rock Scene, édité par Richard et Lisa Robinson avec Danny Fields et Bob Gruen, et pas mal de gens qui gravitaient autour du CBGB’s. Non seulement ils parlaient de Kiss et d’Aerosmith mais aussi des Ramones et de Talking Heads, j’ai donc lu des articles sur ces groupes avant même de pouvoir entendre leurs disques. Quand je les ai enfin écoutés, c’en était fini de tous les stéréotypes. Tu voyais ces types porter eux mêmes leur matériel ! Au delà de l’empreinte sonique, c’est aussi ça qui a révolutionné les choses à l’époque. Ça a bouleversé tellement de vies, la simple idée que tout le monde pouvait le faire, pas seulement les Dieux du Stadium Rock. Je me souviens très bien d’avoir lu dans le New York Times l’annonce de la séparation des Beatles, c’était déjà sufisemment déprimant en soi, mais en plus ils présentaient cet affreux groupe de Blues Anglais, Led Zeppelin, comme leurs successeurs. J’avais neuf ans et je me suis juré que jamais de ma vie je n’écouterais Led Zeppelin, ils ne pouvaient pas être aussi bons que les Beatles, c’était impossible.

Buzzcocks, Autonomy (album Another Music In A Different Kitchen, 1978)

Autonomy. C’est sur le premier ou le deuxième ? J’ai eu la chance de les voir à l’époque, à Minneapolis dans un club de 500 personnes, j’avais 18 ans et en plus il y avait Gang Of four en première partie. J’étais hyper fan, je m’étais mis au premier rang et j’ai passé la soirée à essayer de comprendre ce que faisait Pete Shelley et Steve Diggle, ils se hurlaient les changements d’accords, c’était hilarant. Leur aspect bruyant ET mélodique a bien sur été une grande influence. Pete Shelley fut l’un des premiers à laisser planer le doute sur sa sexualité dans ses paroles, elles n’étaient pas liée à un genre, masculin ou féminin, il n’excluait personne. C’est quelque chose que j’ai gardé, cette manière universelle de raconter une histoire. Le fait que je sois gay ne m’a jamais vraiment posé de problèmes dans la scène hardcore, car nous étions tous des désaxés et des gens étranges. En fait les gens s’en foutait et je n’en parlais pas à l’époque, c’était un secret ouvert. Puis quand Sugar est devenu très populaire, j’ai fait mon coming out, c’était normal, ça s’est fait de manière assez drôle en plus. Je suis un musicien avant tout, je n’étais pas vraiment conscient d’avoir cette identité là, je n’allais jamais dans les bars et les clubs gay, je ne faisais pas partie du mouvement donc je ne me sentais pas qualifié pour parler de ça. En revanche, quand j’ai commencé à être plus présent dans la communauté, il était important d’en revendiquer les valeurs. Ça été un long chemin, j’ai fait beaucoup de progrès ces vingt dernières années (air entendu).

Black Flag, Six Pack (album Rise Above, 1981)

Tout le monde peut reprendre cette chanson (il rit sous cape). Le label SST était vraiment une bonne idée, une belle organisation , ils nous ont beaucoup aidé, après que Mike Watt nous ait découverts. Nous avons fait quatre excellents disques avec eux, enfin c’est ce que les gens me disent. J’ai parfois l’impression que ça a joué contre nous, le fait de partir, même si nous avions insistés pour que Flip Your Wig sorte encore chez eux alors que nous avions déjà signés chez Warner. Nous avons été honnêtes et je n’ai pas l’impression que la faveur nous ait été retournée. La scène hardcore a été énorme en terme de circuits, de réseaux, d’endroits où jouer, vu la musique que l’on faisait, les gens qui venaient à nos concerts ne rentraient dans aucun schéma connu en Amérique. Il n’y avait aucun espace pour nous et nous avons du en créer un avec les moyens du bord. Les mecs de la scène de Washington DC trouvait un entrepôt qu’ils louaient pour que dalle, emmenaient leur propre sono et programmaient cinq groupes en une soirée. Nous savions que d’autres groupes existaient dans notre genre dans tous le pays mais avant que des groupes comme nous, DOA, Dead Kennedys, Minor Threat ou Black Flag ne commencent à tourner et à se refiler les plans, il n’y avait pas d’unité, ni d’échanges. C’est devenu un mouvement, la musique était extrême, nous n’avions ni le temps, ni le désir de faire partie du mainstream. Tout du moins à ce moment là. Pour ce qui est des rééditions des albums parus sur SST, la situation semble se débloquer, des discussions sont en cours et ça se passe plutôt bien, ce qui n’a pas toujours été le cas, surtout entre Grant (Hart) et moi, ce n’est JAMAIS simple.

(Ndlr : Depuis, Grant Hart a passé l’arme à gauche en 2017 et hormis un magnifique coffret sur les débuts du groupe chez Numero Group, les albums d’Hüsker Dü parus chez SST n’ont toujours pas été réédités)

Minutemen, Do You Want New Wave or Do You Want The Truth ? (album Double Nickel On The Dime, 1984)

(Il prend soudain un air grave) Minutemen ? Les mecs les plus gentils que j’ai jamais rencontré. C’est si triste de perdre des gens alors qu’ils n’ont même pas vraiment commençé à faire ce qu’ils étaient en train de construire. (Ndlr: Il fait allusion à la mort de leur chanteur D Boon, disparu tragiquement dans un accident de voiture en 1985.) Nous étions si proches. Quand ils ont compris que nous faisions un double album, ils ont voulus en faire un aussi, c’était une saine émulation. Nous avons eu beaucoup de chance de travailler avec eux, de faire des concerts ensemble. Ils croyaient tellement en ce qu’ils faisaient et ne faisaient pas semblant, cette foi retournait les gens.

Pixies, Rock Music (album Bossanova, 1990)

Je n’ai rien à voir avec ça. (Nous éclatons de rire). Mais alors RIEN à voir avec ce truc !

Je les adore, ils sont tellement marrants. Je les ai découvert sur le tard, à l’époque de Doolittle, puis nous avons fait des concerts ensemble et sommes toujours restés en contact depuis. J’adore le fait qu’ils aient recruté Kim Deal avec cette annonce mythique (« Groupe cherche bassiste. Influences : Peter, Paul & Mary et Hüsker Dü. »), ils ont compris et perpétué l’esprit en tout cas, plus que d’autres. J’ai très envie d’écouter leur nouvel album. J’ai joué avec The Breeders l’an dernier, quand elles ont rejoué The Last Splash, Kim (Deal) était en grande forme. Son nouveau single est excellent, je l’adore absolument.

My Bloody Valentine, Sueisfine (album Isn’t Anything, 1988)

Ils sont devenus un tel mythe, mais Kevin Shields n’oublie jamais de nous citer comme une de ses influences principales. Ce qui est particulièrement évident sur ce morceau d’ailleurs: la rythmique, le sens de l’harmonie. Encore un groupe que j’ai découvert sur le tard, à l’époque de Loveless avant de redécouvrir à peu près tout ce qu’ils avaient fait avant, dont Ecstasy & Wine qui était très marqué par les sixties. Lorsque leur dernier album est sorti, j’ai fait partie de ces gens qui ont passé la nuit sur Internet à rafraîchir leur page jusqu’à ce que je puisse enfin l’acheter. Pour en revenir à la puissance sonore, il est vrai qu’à l’époque de Sugar, notre sonorisateur était particulièrement vicieux, nous jouions vraiment très fort, il n’y avait pas encore de limiteurs. Nous avons dévasté quelques sonos, nous arrivions et les enceintes mourraient, point. Pour en revenir à MBV, c’est un groupe merveilleux, très impressionant, nous avons fait une demi douzaine de dates avec eux au début des années 90. C’était vraiment dément d’être sur Creation à l’époque, j’adorais aussi Swervedriver. Je n’ai pas été trop surpris de rencontrer un tel succès, nous étions pile au bon endroit, au bon moment. Pendant toutes ces années j’avais travaillé si dur, et puis Nirvana a sorti Nevermind et ça nous a servi de plateforme, nous avons enfin pu avoir un public conséquent.

Superchunk, Hyper Enough (album Here’s Where The Strings Come In, 1995)

Ah, c’est mon batteur (NDA: Jon Wurster), n’est-ce pas ? Nous nous sommes rencontré pour la première fois à Barcelone en 1993, nous jouions dans le même festival. Un groupe pop génial et vraiment sous estimé. Nous partageons la même section rythmique désormais, vu que Laura (Balance) à eu quelques souci d’audition et ne peux plus tourner, c’est Jon (NDA: Narducy, bassiste de Bob Mould) qui la remplace. C’est presque normal d’être sur Merge pour nous, on me demande souvent pourquoi ça a pris tellement de temps (rires).

Foo Fighters feat. Bob Mould, Dear Rosemary (album Wasting Light, 2011)

Encore des types fantastiques, non seulement Dave Grohl mais aussi Pat Smear. J’étais archi-fan des Germs, c’était donc un honneur de jouer avec lui. Les gens me demandent souvent comment est Dave Grohl dans la vie, c’est un type qui adore jouer, qui adore les gens, qui s’éclate à faire ce qu’il fait. Il n’y a aucune différence entre son image publique et ce qu’il est. Il a été vraiment généreux avec moi et il n’avait pas à le faire. Nous avions fait des festivals en Europe avec Nirvana, l’été juste avant la sortie de Nevermind, dont ils m’avaient donné les démos car j’étais sur la liste des producteurs potentiels. C’est remarquable le fait qu’il ait continué après ce qui est malheureusement arrivé, ça a du vraiment être très lourd à porter, sans parler des gens qui l’ont publiquement insultés à propos de choses qui n’étaient pas vraies. Son éthique et sa personnalité sont vraiment rares par les temps qui courent et c’est un privilège pour moi de savoir que je peux le compter au rang de mes amis.

No Age, Teen Creeps (album Nouns, 2008)

No Age. Ces gars sont en train de vivre leurs rêves, ils ont ouverts un club, ils monté un label pour sortir les disques de leurs potes. Ils perpétuent la lignée de SST. Encore plus que leur musique qui a beaucoup évoluée, passant d’une interprétation du passé à quelque chose de vraiment personnel et plus posé, ils ont créé une scène et la font vivre à leur manière. Nous avons joué ensemble un soir à New-York, quelques reprises d’ Hüsker Dü puis certains de leurs morceaux, un très bon moment.

Bob Mould, Distortion (coffret 24 CD ou 2 coffrets vinyl) (Edsel /Demon Music Group)

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