En ces temps troublés où la conjuration des imbéciles (kikoo Boris, Nigel et Domenic) semble remporter tous les suffrages, il me semble de bon aloi de se souvenir que les îles Britanniques furent juste avant le nouveau siècle un bien beau laboratoire. Bien sûr, il y eut la Britpop avec ses cancres appliqués et ses glorieux génies, mais même si son côté rétrograde pour ne pas dire conservateur ont permis de faire passer l’Indie Pop dans le mainstream avec ses rainures royales comme ses plus abominables atrocités (Kula Shaker, ne pardonne pas, n’oublie jamais), certains alors n’en avaient cure* et traçaient une tangente dans l’exploration passé/futur, le refus des dogmes établis. Et un petit revival Krautrock fourbe mais pas bien méchant.
Étant moi même co-chargé de programmation dans une radio libre locale, Radio Campus Strasbourg, où j’échappais et au service militaire encore obligatoire et à des études dites supérieures qui m’auraient amenées tranquillement vers l’éducation nationale, nous nous devions de sortir des sentiers battus tout en les foulant sans crainte. Quand je dis NOUS je parle bien sûr de Thierry Danet, sorte d’histrion sobre de belle lignée, dont la rigueur militaire pas dénuée de fantaisie**, dont les obsessions musicales contraires aux miennes sur bien des points quoique complémentaires (et à l’époque supérieures) m’inspirera toujours une nostalgie mélomane et amicale inconsolée.
Oh que nous avons ri. Parfois l’un de l’autre.
Mais nos joutes, nos argumentations furent un échange toujours constructif, toujours instructif, toujours passionné. Car quoi que nous cherchions, nous trouvions toujours.
J’ajoute que le reste du temps nous parlions d’un groupe de Manchester sous sa première ou sa deuxième forme.
Bref, je divague, écrase une larme et revenons à nos moutons noirs de l’Angleterre d’alors dont la RPM se faisait largement l’écho, n’y voyez donc aucun hasard si nos routes finirent par se croiser.
Hors de la Britpop, quoi ? Le Trip Hop (emoji trademark) et la musique électronique frondeuse, dont la Drum’n’Bass, passion privée et éphémère, qui mériterait à elle seule une autre mixtape, sans parler de Warp ou On-U Sound et les diverses ramifications d’un Dub omniprésent*** , que j’ai disséminée ça et là, parfois avec une pointe d’ironie respectueuse.
Mais surtout une belle faction de francs-tireurs. Et d’éclaireurs aussi, Stereolab en premier lieu, chaque nouvelle découverte en amenant d’autres, une pédagogie permanente et illustrable à l’envi : sans les Tindersticks, serions-nous partis à l’assaut des cimes de la carrière de Lee Hazlewood, alors fort peu rééditée, sans Spiritualized quid du bon Dr John dans nos listes d’achats ? Tout ça pour dire qu’il était possible de sortir des sentiers battus et que si les années 1990 paraissent désormais figées, les propositions énoncées ici défoncèrent (et pour certaines, c’est toujours le cas) par avance cette stèle impitoyable. Aucun repère temporel ou chronologique n’ayant d’ailleurs été respecté.
Et le portrait, pour cause de foisonnement, forcement et involontairement incomplet, les oublis nombreux et marquants (Hood, Disco Inferno, Earthling, Massive Attack, Two Lone Swordsmen, Photek) pouvant d’ores et déjà constituer la promesse d’une suite.
Et une pirouette bienveillante pour la bonne bouche en guise de conclusion et d’hommage à ceux qui, il va de soi, firent un enterrement de première classe à cette décennie multiforme.
*et le cruel mais prévisible paradoxe veut que le groupe de Robert Smith passe alors du statut de groupe inventif, génial, référent à un groupe comme les autres, un cétacé qui n’aura d’autre recours que de se réinventer comme un musée d’art moderne dans le sens patrimonial, autant dire pas grand chose d’autre que de la nostalgie. À l’exception notable de leur dernier grand morceau (Want) placé au début du navrant Wild Mood Swings (moins navrant que Bloodflowers, un des rares disques que j’ai balancé de la fenêtre du 3e étage).
** un soir hivernal comme l’Est en connaît depuis toujours, attendant le bus qui nous ramènerait vers la ville et nos chères et tendres, nous nous pelions tellement le cul que nous fîmes des blagues odieuses sur une de nos nombreuses idoles communes, en l’occurrence Colin Newman (Wire). Galéjades que la décence m’empêche encore, des presque trente ans plus tard de vous dévoiler la teneur iconoclaste.
*** Big Up aussi à Stéphane, technicien de l’ombre, docteur ès-doobie, dont la passion du Dub et de la recherche sonore m’ont marqué durablement.
mon cher Etienne je suis au regret de constaté que le plus « ovniesque » des groupe anglais manque à l’appel dans cette playlist ,tu n’aime pas MOONSHAKE? je le vu en concert circa 1993 au noumatrouf de mulhouse et il fut enorme en live
https://youtu.be/2H2XhilnNY8