Un peu plus d’un an après un excellent EP chroniqué ici-même, La Récré, le duo formé par Émile Sornin (Forever Pavot) et Cédric Laban, (Isaac Delusion) revient aux affaires avec Ne Penser à Rien. Ils retrouvent à nouveau le label Black Milk Music (Fat Badgers, M.A. BEAT!…) Le groupe affine ici encore d’avantage sa formule punk jazz, selon la description bandcamp des intéressés. Du punk, les Français ont gardé la liberté de ton et cette capacité à se défaire des conventions. Leur musique est certes ancrée dans le jazz, mais ne se contente pas de réciter les fondamentaux. La simplicité d’Absolument Rien n’a, par exemple, rien d’austère.
Le duo créé une tension insoutenable qu’il ne résout pas. Il laisse à l’auditeur le soin d’imaginer la suite de cette bande originale seventies imaginaire. Onegai, une collaboration avec leurs camarades de label Ghost in the Tapes, permet au duo de s’aventurer dans un registre hip-hop qui leur sied très bien. La chanson se glisserait parfaitement dans les anciennes compilations de Ninja Tune, Mo’ Wax et Yellow Productions (The Mighty Bop, La Funk Mob, Kid Loco). Banger ouvre la face B et constitue le morceau le plus accrocheur de l’EP. En un peu plus de six minutes, Emile Sornin et Cédric Laban développent une délicate odyssée jazz-funk cosmique, impeccablement jouée. Le titre instrumental convoque ainsi le catalogue de CTI (Deodato, Bob James, Lalo Schiffrin). Ne Penser à Rien se conclue sur L’an 2000. Les deux membres de La Récré y construisent un écrin délicat et mélancolique, autour d’un sample vocal. Ce témoignage, dans le style ORTF, plonge l’auditeur dans la nostalgie. Il nous interroge sur notre rapport au temps, sur la manière dont nous envisageons le passage des années et le futur. Ce dernier appartient peut être à La Récré. Ne Pensez à Rien inscrit brillamment le duo dans la très vivante scène jazz actuelle, celle qui secoue de la Grande Bretagne (Brownswood) jusqu’à la France (Neue Grafik).