Samedi 13 avril dernier, un certain nombre d’entre nous arpentait les allées de la convention des labels indépendants du Point Éphémère, nos fanzines sous le bras, prêchant la bonne parole. Au même moment, les disquaires de la capitale recevaient l’EP de La Récré édité par le label BMM Records (Black Milk Music Records). La structure, spécialisée dans le Hip Hop Boom Bap ou le Funk possède un catalogue très apprécié des connaisseurs. The Natural Yogurt Band, M.A. Beat!, LTF ou encore Domotic (collaborateur de Xavier Boyer et présent sur la compilation Espaces Urbains) connectent les diggers aux amateurs de pop indé.
La Récré partage ce sentiment. Le duo formé par Émile Sornin (claviers) et Cédric Laban (batterie) s’amuse des règles rigides de la musique pop et évite le piège de la musique embaumée se satisfaisant d’un son ou une ambiance. Les deux musiciens se connaissent très bien. Depuis Arun Tazieff jusqu’à Forever Pavot, le pianiste et le batteur ont bourlingué, et leur complicité irrigue cet EP dix pouces, première collaboration sous ce nom. En quatre compositions, la formation étonne par sa maîtrise. Cédric et Émile s’autorisent toutes les folies. Valérie Lemercier croise le Club Dorothée dans un assemblage de références générationnelles, personnelles mais maniées avec dextérité. La substance instrumentale constitue un support idéal aux projections les plus zébrées de l’esprit. Certes, nous y croisons parfois le spectre de l’autre projet actuel des intéressés (Forever Pavot) mais le duo s’accorde ici une liberté dans les structures et les développements des plus rafraîchissantes, dans une démarche dérobant au jazz son abandon. Des accords équivoques de pianos électriques se frayent un chemin au tempo d’un rythme complexe et convulsif (Freud). Voix angéliques et cordes tournoyantes alimentent la bande originale d’une série noire policière seventies avec Alain Delon en vedette (DBZ). Le calme d’In Amore n’est qu’apparent, et sous la surface, un magma brûlant de cuivres et wah-wah menace sans jamais rompre. Petite Douceur a été retrouvé sur une disquette du SP1200 de Pete Rock et rendu à son obscur auteur. La construction vogue ainsi au fil d’un saxophone et d’un rhodes créant un groove psychédélique quelque part entre Rotary Connection et Ramsey Lewis entouré des futurs Earth Wind & Fire. En quatre titres, La Récré offre un mouvement audacieux de la part de deux musiciens très doués que nous sommes ravis de retrouver animés par cette verve et cette témérité.