Jesuslesfilles, Daniel (Blow The Fuse)

De la scène québécoise underground rock actuelle, il ne filtre pas tant de groupes que ça dans l’Hexagone. Tout au plus, nous connaissons les formations ayant été éditées par des labels français, comme Chocolat (Born Bad), Duchess Says (Teenage Menopause), Tops (Atelier Ciseaux), Corridor (Requiem Pour Un Twister), Essaie Pas (Malditos) ou Ponctuation (Casbah Records). Montréal révèle pourtant, à ceux qui s’y aventurent, nombres de formations indépendantes intéressantes. De Jet Cool en passant par Silver Dapple ou Vague Station, chacune trace les contours d’un paysage mouvant, union d’influences nord-américaines et d’une approche unique du français, généralement en décalage avec la pratique du pays de Molière. Si Jesuslesfilles ne sont pas les plus connus, ils n’en restent pas moins l’un des groupes cadres de cette scène, à travers leurs participations à d’autres projets (Le Monde En Feu, Ponctuation, split avec les Peelies), mais aussi avec le rôle de Benoît Poirier, leur batteur, dans l’une des radios étudiantes les plus importantes de Montréal (CISM) et caisse de résonance essentielle pour les indépendants, ou leur capacité à durer. Daniel est le troisième album de la formation après Le Grain d’Or (2014) et Une Belle Table (2010). Ainsi, les membres de Jesuslesfilles traînent leurs guêtres depuis près d’une décennie, ne publiant qu’un long jeu tous les quatre ans. L’attente en valait la peine, puisque le groupe détaille le propos dans un disque concis (moins de 28 minutes) et percutant. Aucun temps mort, presque que des tubes. Les obsessions sont toujours les mêmes : une pop aux guitares rugueuses et aux voix enchevêtrées dans le mixage, imprégnée d’influences 90’s syncrétiques. Pixies, Pavement ou Vaselines sont présents en filigrane mais ne prennent jamais le pas sur la personnalité du groupe, unique et singulière. Sur un riff lourd, lent et puissant, Daniel amorce les hostilités, non sans faire entrevoir la lumière dans les interstices. Le groupe manie le chaos, un saxophone déchire une pesante atmosphère avec Motorcycle, tandis que Téléroman est un petit tube nerveux et rebondissant. Autour d’un couplet en tension permanente, jouant sur les voix de Martin et Yuki, la chanson ne trouve jamais de résolution, comme une métaphore sur notre existence. +1 rue dans les brancards, bravache et orgueilleuse, et l’affaire est pliée en moins d’une minute trente. Parasol explore une facette plus pop, avec un exaltant refrain où les voix se répondent et créent un charmant canevas. Soleil affirme le goût pour les antiennes mélodiques de la formation quand Trop Demander nous entraîne dans une course frénétique sans répit. Celle-ci se conclut avec Vilaine, qui loin de calmer les ardeurs, remets de l’essence dans le moteur, histoire de montrer que Jesuslesfilles en a encore sous la semelle. En dix chansons, la formation montréalaise, confirme ainsi avoir toujours le feu sacré et des choses à raconter.


 

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