C’est un rendez-vous. Il peut-être pris à l’abri des regards, dans le coin retiré d’un parc ou le long d’une petite plage de galets, abritée du vent. Mais aussi – dans un bus, dans l’intimité d’une chambre – que sais-je encore? Ce rendez-vous est une voix. Cette voix, elle m’accompagne chaque jour, elle devient un besoin. Besoin de l’entendre, de la retrouver.
Pourtant, j’en voulais tellement à cette voix. J’en voulais tellement à Marie Richeux. Elle m’avait comme dérobé un lieu cher, par la grâce d’un livre. Climats de France. Durant quelques années, j’écrivais péniblement un début de roman sur Fernand Pouillon, un architecte bien connu du marseillais que je suis. Pour des tas de raisons, je rêvais de partir pour Alger. Je regardais les bateaux quitter le port de Marseille, dérivant le long du calcaire, du bleu et de la lumière. Mon cœur tremblait. Je voulais parler de ce temps de l’exil et de la chute, des dernières années de Fernand Pouillon. J’avais fini par oublier cette envie d’écriture, ce désir de tracer la vie de cet architecte audacieux et sauvage. Et puis, j’ai lu Climats de France. Ce très beau livre de la coïncidence, du lieu qui révèle et parle de vies en mosaïque. Aujourd’hui, Marie Richeux m’accompagne par sa voix. Sa superbe voix que je retrouve à l’abri des regards, dans le coin retiré d’un parc, face à la mer ou dans l’intimité d’une chambre. Dans son émission, Par les temps qui courent, on rencontre des invités que l’on croise souvent ici : Fabio Viscogliosi, Arlt ou encore Mocke. Je me prends à songer que si je peux oublier le visage d’une personne, je n’oublie pas une voix. Markus Archer a, peut-être, eu envie de mêler la sienne à celles des autres, pour résister à ces temps de fermeture des frontières. C’est toute la richesse du nouvel album de The Notwist, Vertigo Days. Fragments de douceurs, de lueurs où se greffent dans une lente élaboration de la mélodie, les chants de Juana Molina, Saya Ueno (Tenniscoats) ou encore Angel Bat Dawid. Musique libérée des codes et du format, elle retranscrit merveilleusement notre soif de liberté. La question du pouvoir, de la domination sur autrui hante la plupart des actualités médiatiques. C’est Joseph Losey qui a le mieux filmé, la réversibilité du pouvoir et toute la complexité du rapport dominant/dominé. The Servant est un poison noir magistralement mis en scène. Losey fabrique une lutte des classes dans un montage ciselé et vénéneux. Tous les plans de ce film sont des leçons de cinéma. C’est beau et c’est insaisissable. C’est beau et cela ne s’oublie pas.