Il est insaisissable. Il est imprévisible. Il vous appelle depuis une chambre d’hôtel du sud de la France, une chambre qui n’est pas la sienne, tard dans une nuit d’été alors que bien sûr, vous dormez, et laisse sur votre répondeur une version a capella de Sunlight Bathed The Golden Glow. C’était il y a presque dix ans. Il vous écrit pour vous dire qu’il cherche un label européen, un label sérieux pour la sortie d’un prochain album qui est presque fini, mais depuis, il ne s’est rien passé. Ou pas grand chose. Vous lui envoyez un message, il vous répond, il disparait puis réapparait. Comme si de rien n’était. Alors, quand on lui a demandé s’il accepterait en cette période si particulière d’imaginer un mix pour Section26, même sa réponse rapide et enthousiaste n’avait pas suffi à nous rassurer. Et puis, deux jours après, alors que le monde entier est confiné et que le soleil printanier décline irrémédiablement vers la ligne d’un nouvel horizon, il envoie sa sélection et bien sûr, c’est à peine si vous y croyez…
Allez savoir pourquoi, comme je l’écris dans les notes destinées à la réédition prochaine sur le label Mexican Summer du premier album de son groupe Holy Shit, Stranded At Two Harbors, cet homme prompt à s’évanouir dans la nature ressemble à l’idée qu’on se fait de Gatsby le Magnifique. Cet homme, c’est donc Matt Fishbeck, grandi sur les plages de la côte Ouest, diplômé d’Harvard, poète, artiste, théoricien de la chose pop dans le sens le plus large du terme – de ceux qui savent que Lawrence de Felt (pardon) et Madonna partagent une même vision. Un mélomane dont la vie semble reposer sur le besoin quotidien d’être accompagnée par une bande originale – qu’elle soit constituée de ses chansons ou de celles des autres. Celles des autres, justement, on les retrouve ici, le temps d’une sélection qui prend un malin plaisir à congédier pendant une heure et quelque l’inquiétude. Le temps d’une sélection faite de chansons inconnues, méconnues et / ou inattendues, mais qui toutes se fichent en plein cœur. Comme dans un film de Cocteau.
Quelle joie… Merci.
Et quelle joie aussi d’apprendre la réédition prochaine de Stranded At Two Harbors. Il n’y a pas si longtemps (moins d’un mois), j’ai fait l’expérience nocturne d’écouter à la suite le Mama’s & Papa’s de 1968 (celui avec For The Love Of Ivy, Mansions…), et immédiatement après, donc, Stranded At Two Harbors (dans une version mp3 pourrie que je chéris et préserve de disque dur en disque dur, en attendant de pouvoir l’acheter un jour). Et ce n’était qu’un pas de plus dans la même direction. Les deux albums en sont sortis encore un peu plus grandis, illuminés l’un par l’autre : Matt Fishbeck est le Papa John de notre temps (je parle du génie musical, bien sûr…)
Un dernier mot, puisque vous avez son contact : l’avez-vous prévenu que notre chanteur Christophe était en réanimation ? Je pense que cette nouvelle le concerne au premier chef (je pense à son dernier album, très « Christophe », assumé comme tel, et donc génial aussi). On pourrait même rêver de quelques reprises et/ou versions en anglais.