Qu’elle emprunte un chemin ou un autre, la musique de Wolfgang Voigt, co-fondateur du légendaire label électronique allemand Kompakt, se reconnaît entre mille. Der Lange Marsch (« la longue marche » pour les non-germanistes) ne fait pas exemption à la règle et s’inscrit dans la droite lignée des œuvres du producteur depuis la réanimation de son projet Gas au mitan des années 2010. Un foisonnement d’effets ambient enveloppe dès les premières secondes l’auditeur qui, s’il y consent, s’en ira pour une longue échappée (presque 70 minutes) hypnotique, poisseuse, parfois lumineuse aussi, baignant dans des vagues orchestrales empruntées à la musique symphonique et portée par une pulsation sourde et éthérée, un rythme lourd et plus puissant qu’à l’accoutumée qui disparait et revient comme issu d’un songe.
L’atmosphère est lourdement romantique et rupestre, de celle qui inonde les vallées allemandes et ses légendes. Les connaisseurs reconnaîtront au travers de cette description ce qui fait tout l’intérêt des œuvres de l’allemand. Ce qui force le plus le respect et l’admiration est la maîtrise formelle complète dont fait une fois de plus preuve le producteur. Qu’il s’agisse d’intégrer de façon plutôt inédite des vocalises aériennes ou encore ces plages orchestrales comme noyées dans un brouillard épais, aucun de ces ingrédients ne parvient à remettre en cause la vision intacte de son auteur qui, désormais soixantenaire, creuse un sillon personnel, obsessionnel et fascinant que seul lui semble maîtriser et apte à renouveler. Pour profiter de cette longue marche, on concédera que l’auditeur devra accepter de se laisser porter et de s’abandonner à ses onze longues plages répétitives mais jamais ennuyeuses. Inutile ici d’envisager le butinage intempestif, l’écoute devra se faire d’une traite mais comme le veut l’adage, l’important n’est pas la destination, mais le voyage en lui-même. On peut vous garantir une fois encore que celui-ci en vaut la peine.