Climats #1 : Adrien Bosc, JD Beauvallet, David Loca

David Horowitz, Yesterday (Détail) / Galerie Yvon Lambert, Paris

This could be the saddest dusk ever seen
You turn to a miracle high-alive
Michael Stipe

Peut-on écouter Vauxhall and I de Morrissey sous le franc soleil de juillet ? Et un Antônio Carlos Jobim empêtré dans un crachin de février, c’est toujours du Antônio Carlos Jobim ? Climats met en avant les sorties disques et livres selon la météo.

L’éclaircie

Des impressions de vies. Ou, plutôt, de simples commencements et le reste nous appartient. C’est, là, la force du texte d’Adrien Bosc. Il nous laisse une ébauche de destinées qui vont nous traverser, nous questionner. L’écrivain mesure selon l’absence, selon une zone trouble où rien n’est définissable. Colonne présente les dernières semaines – comme un paquet d’orages – de la philosophe Simone Weil. Destins pudiquement dévoilés où l’on retrouve quelques partenaires de batailles : héros ordinaires égarés, mesquins lumineux et autres vermines redoutables. Simone, elle, ressemble à la métamorphose d’une comète en boulet. Bosc utilise peu l’ironie, peu le lyrisme – son style est plutôt semblable au goût du sel rencontré au seuil d’une pinède. Et puis, pour les mélomanes, ce roman narrant l’épopée de la colonne Durutti, appelle forcément à l’art de l’ellipse chez Vini Reilly. Arpèges, silence, écho et autres rêveries, The Durutti Column est la bande son idéale pour ces scènes de poussières et de soleil dans l’Aragon.

Plein Soleil

Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas été ému, fasciné par un texte. Là aussi, c’est parfois l’ébauche de destinées lumineuses ou pas. Passeur de J.-D. Beauvallet est un superbe témoignage, restitution haletante, d’un parcours. Cela pourrait être qu’un texte de vieux hibou nostalgique mais Beauvallet injecte dans son récit son incroyable vivacité. Trajectoire incroyable d’un homme à l’anxiété solaire, atypique, allant chercher le destin à main nue. Quelle force dans ce roman d’apprentissage où on vadrouille pas mal dans le territoire anglais. On y verra une trajectoire modèle, c’est surtout un cheminement unique. On n’échappe pas à une certaine mélancolie en refermant le livre, mais une mélancolie de vigie qui regarde droit devant. Merci pour tout J.-D.

Grosse averse

Finalement, Spell #6 (Tough Love, 2018) aurait dû être le chant du cygne de David Loca. Un disque sublime, coincé entre la prière et le sacrilège. L’album avait pour grand avantage de posséder les meilleures chansons des Smiths depuis leur séparation. Et puis Loca fut accusé d’agressions sexuelles. Il accepta son bannissement et disparut de toutes les plateformes numériques. J’ai longtemps écouté Spell #6 comme une coda, une chute et effectivement un disque perdu entre prière et sacrilège…et que voulez-vous? C’était à chaque fois une écoute bouleversante. Et soudainement, depuis quelques semaines, les disques de Part Time étaient à nouveau mis en ligne. Je me demandais bien quelle aventure musicale sortirait de cette traversée du désert… David Loca & The Berkshire Hobbits est un pénible retour. Disque-gamin qui ressemble à une pochade sixties. Son crasseux, mélancolie d’un âge d’or garage et une fascination pour les stupéfiants grotesque. On y entend rien… sinon une forme d’enfermement, d’auto-références stériles alignées par une bande d’éternels adolescents. Maurice Blanchot conseillait parfois la disparition pour le créateur. Voilà une lecture bienvenue pour David Loca.


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