Froth : L’esprit clair

Froth
Joo Joo Ashworth, Jeremy Katz et Cameron Allen / Photo : Jeff Fribourg

En juin dernier, alors que Froth récidivait avec son quatrième album Duress, je tentais d’expliquer dans une chronique apologique pourquoi la musique du trio californien dépassait, une fois de plus, mes plus hautes espérances. C’est à la fin de l’été que j’ai eu la chance de retrouver Joo Joo Ashworth, Jeremy Katz et Cameron Allen pour une interview montre en main– 10 minutes, ni plus ni moins –, dans les loges du Point Ephémère. Dans l’assourdissement de cet espace confiné, accolé à la salle de concert de laquelle suintait le son des guitares slacker d’Hoorsees (première partie de choix ce soir-là), Joo Joo Ashworth a confirmé son penchant geek pour les synthétiseurs, accepté de discuter un peu de mon auteur préféré, et éclairci le mystère du tag Bandcamp.

Tomas Dolas
Tomas Dolas

Depuis Outside (Briefly), vous collaborez avec le producteur Tomas Dolas. Joo Joo, tu t’intéresses aussi à cette activité : tu as coproduit l’album de ta sœur SASAMI (à lire en interview ici) et entièrement produit Signal, le premier album du trio féminin Automatic. Est-ce que ces récentes expériences ont modifié ta manière de travailler en studio avec Tomas ?

En fait, je suis en quelque sorte employé à ce studio maintenant (ndlr : le Studio 22, à Los Angeles), alors parfois il m’appelle pour l’aider sur des concerts, pour faire ce qu’il ne fait pas avec les machines ; tout ce qui est séquenceurs, par exemple. Cela nous permet d’échanger autour des projets d’autres personnes. C’est plus marrant que si c’était juste lui l’enseignant. Ce qui a changé, c’est que maintenant que j’en sais plus sur comment enregistrer un album, je peux lui transmettre plus précisément les idées que j’ai en tête. Il m’a très bien compris pour Duress, et comme nous avions travaillé ensemble sur d’autres projets avant, il y a même des choses que nous n’avons pas eu besoin de nous dire, qui ont fonctionné naturellement.

La plupart des groupes, après un certain nombre d’albums, commencent à polir leur son, à convoiter des studios plus prestigieux… Vous, vous continuez à enregistrer en analogique. Pourquoi est-ce important pour vous ?

Je ne crois pas que notre groupe sonnerait bien sans ce filtre analogique… Aussi, c’est agréable de ne pas avoir à regarder la musique sur un écran. C’est plus facile d’avoir l’esprit clair quand il n’y a rien à regarder.

Sur Duress, vous utilisez plus de synthétiseurs que jamais. Les avez-vous choisi selon une certaine esthétique que vous vouliez atteindre, ou est-ce que ce sont les machines qui ont influencé la musique ?

Beaucoup des deux, je pense. Les deux synthétiseurs principaux que nous avons utilisé sont ceux que j’ai achetés en premier. Le premier est un Moog Opus 3. Avec lui, j’en ai appris beaucoup sur la synthèse, ce qu’elle permet de faire ou pas. L’autre est un Yamaha CS-15. Ce sont tous les deux des synthétiseurs bon marché des années 70-80, assez simples à utiliser. Mais en vrai, on a juste fumé de la weed et tourné des boutons : « Tiens, ça pourrait faire un morceau ! »

As-tu un synthétiseur préféré ?

Personnellement, je trouve que le plus fun à jouer est le MPC 2000, le sampleur avec pads. J’adore le finger drumming. Je ne suis pas très bon à ça, mais si j’en ai un sur les genoux je peux littéralement passer la journée dessus et ne rien faire d’autre.

J’ai lu sur votre Bandcamp, entre autres, que vous considériez Outside (Briefly) comme votre premier album à proprement parler. Quel regard portez-vous sur les deux albums qui l’ont précédé ?

C’est un peu comme quand tu as des amis qui jouent dans un groupe cool, que tu leur demandes ce qu’ils faisaient avant et qu’ils te disent qu’ils jouaient dans un groupe emo. C’est notre groupe emo à nous. C’était mon premier groupe, j’étais jeune et j’apprenais. Au moment où Outside (Briefly) est sorti je me suis dit : « OK, voilà ce que j’aime aujourd’hui« .

Comment expliquez-vous ce tournant du son garage et psychédélique de vos deux premiers albums au son plus dream pop des deux derniers ?

L’exposition à de nouveaux genre musicaux. J’étais jeune quand nous avons fait nos premiers albums, j’en savais peu sur la musique. Ensuite, j’ai écouté de nouvelles choses et je me suis dit que je pouvais m’en inspirer. Peut-être que si j’avais été un meilleur musicien lorsque nous avons commencé notre son aurait été différent.

Joo Joo, j’ai lu que tu t’étais pris de passion pour plusieurs artistes au moment de la composition d’Outside (Briefly) : des auteurs, comme Richard Brautigan et Haruki Murakami, ou des musiciens comme Elliott Smith. Est-ce que d’autres artistes ou œuvres t’ont inspiré cette fois-ci, pour Duress ? 

Je crois que l’inspiration pour cet album était avant tout musicale, d’avantage que pour l’album précédent. Je ne suis pas sûr d’avoir lu un livre depuis Outside (Briefly)… Je fais que d’écouter de la musique, toute la journée. Je n’ai plus de colocataires alors je danse dans mon salon tout le temps. J’ai l’impression que plus le temps passe, plus je suis capable de m’immerger dans la musique.

Richard Brautigan est mon auteur préféré et il n’est pas si souvent évoqué… Comment es-tu venu à lui ?

En fait, aujourd’hui, quelqu’un m’a rendu le tout premier livre de Brautigan que j’ai acheté. Je l’avais prêté à cette amie il y a peut-être six ans et elle me l’a finalement rendu. C’était ce recueil en trois partie avec La pêche à la truite en Amérique, Sucre de pastèque et… Je ne me souviens pas de la dernière œuvre... Je crois que c’était une œuvre de poésie. La pêche à la truite en Amérique est le premier livre que j’ai lu de lui. Quand j’avais 16 ans, j’ai entendu des gens qui me paraissaient cool en parler alors je suis allé me l’acheter. Je n’avais jamais rien lu de tel.

Sur votre Bandcamp, tous vos albums portent le tag « BBQ rock ». Je me suis toujours demandé ce que cela voulait dire…

(Rires du groupe) Les quatre premiers concerts que nous avons joué se sont tenus dans le jardin de la maison de nos parents, là où il y a le barbecue. Comme on avait exclusivement joué à des barbecues à ce moment-là, on s’est dit qu’on faisait du rock barbecue.

Jeremy Katz : Voici un exemple de blague qui resurgit plus tard pour te mordre les fesses. Plusieurs fois nous avons été qualifiés par des journalistes, très sérieusement, de « groupe psychédélique barbecue ». Ce n’est pas la seule blague que nous avons faite au fil des ans qui resurgit aujourd’hui… Les gens pensent que les choses sont beaucoup plus sérieuses qu’elles ne le sont en réalité…

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