Que faire quand, à bout de souffle, on a écouté la quasi totalité des disques des Guided By Voices ? Se lancer à corps perdu dans les méandres de Crafted Achievment, le nouveau et second long format des EggS. En 2022, il avait fallu moins de deux écoutes de leur premier album (A Glitter Year) pour conclure que ces chantres des anti-héros des années 90 avaient tout bon. Avec des morceaux comme Old Fashioned Virtue ou Daily Hell, ce groupe français reprenait le flambeau des stakhanovistes américains de Dayton et rendait un peu de fierté aux orphelins de David Berman. C’était urgent, touchant sans être désuet, c’était pour ainsi dire un premier album parfait. Quid de la suite ? Les EggS ont-ils versé dans la compromission ? Vont-ils trahir leurs idéaux ? Ont-ils prévu de faire des reprises de Taylor Swift sur leur nouvel album ?
La réponse est évidemment négative. Charles Daneau emmène son groupe à géométrie variable sur des chemins plus balisés. On discerne au loin les Jayhawks, on s’étonne de l’apparition de la lap steel et on est à l’affut de ce sentiment si rare que procuraient les morceaux du précédent album. Car au final, pourquoi EggS est-il si important dans le paysage musical français ? Car le groupe ne renonce jamais à ses idéaux. Présentant un quotidien sublimé, se fichant du système économique qui impose un nombre restreint de musiciens, les EggS jouent leur musique en n’ayant aucune considération pour les modèles imposés par les normes actuelles. Tomber des morceaux comme Angry Silence ou At The End Of The Road en 2024 procure un effet similaire à celui ressenti en 1996 quand on découvrait Eventually de Paul Westerberg ou aux morceaux de Frank Black et de ses Catholics.
Charles Daneau et les membres du EggS canal historique (Leo Deville, Grégoire Bayart et Manolo Freitas, rejoints par Rémi Studer à la batterie) ont ouvert les portes du studio à Erica Ashleson (SCHØØL, Special Friend, Dog Park), Come Ranjard, Cyprien Vandenbussche, et au tandem composé de Margaux Bouchaudon et de Camille Fréchou (En Attendant Ana). En ouvrant le jeu, Charles Daneau évite les pièges de la redite et offre une nouvelle grille de lecture à ses marottes musicales. Tout en évitant de faire des reprises de Taylor Swift.