Le casting est attachant, la liste des morceaux va de bonnes en meilleures surprises encore. C’est comme si la grande Françoiz Brrr et Nicolas Laureau (Prohibition, Don Nino, NLF3) avaient jeté un œil sur nos premières cassettes, sans même le savoir. Et les suivantes aussi. Il faut croire qu’on a eu les mêmes points de bascule. Ou, à peu de choses près, le même âge au même moment.
L’exercice de l’album de reprises étant devenu, au fil du temps, un passage obligé qui peut rapidement devenir aussi excitant qu’un énième voyage en bateaux-mouches au fil de la Seine. Vos potes ricains sont ravis de l’exotisme, pendant que vous vous souvenez de vos sept, huit voire neuf ans, quand tout cela avait encore un peu de sens.
Mais la connivence entre les deux, la proximité avec des choses intimes, donne un disque à la fois exigeant et badin, surprenant d’une manière aimable mais un peu tordue. Comme lorsque Robert Smith et Steven Severin avaient tentés sans toujours la réussir une parodie de disque psychédélique sous le nom de The Glove. Avec un semblant de cahier des charges mais beaucoup (trop) de libertés.
Revue de détail avec quelques exemples.
Planet Caravan (Black Sabbath)
À l’échelle du monstre, Planet Caravan est une curiosité, un morceau atypique mais un peu nul. C’est bien pour cela qu’il fascine, et que ces deux-là l’ont remarquablement surélevé. Des échos du Riders On The Storm des Doors joué par un groupe allemand d’époque, ce niveau-là. Un bon départ.
My Face Is On Fire (Felt)
Une des plus belles cavalcades early Felt, épuisante. Sortant la botte de l’étrier tels des Chromatics revenus de l’enfer de la préciosité, nos protagonistes arrivent à saisir absolument ce point de jonction entre la vieille new-wave et la pop la plus flamboyante, avec une sorte de joie résignée. J’en connais un qui va adorer et/ou détester.
Kizmiaz (The Cramps)
Sans vouloir me répéter, sans les Cramps, il n’y a absolument rien d’intéressant ni dans la vie, ni dans le rock. Cette version suave d’un morceau extrait du génial A Date With Elvis (le premier disque sur New Rose que j’ai acheté avec mon argent de poche et le deuxième disque hors métal de ma naissante collection) m’a d’abord un peu agacé mais considérant la manière dont elle va ulcérer les gardiens du temple, en fait je l’adore.
Morning Dew (Bonnie Dobson)
C’est bien sur la version de Tim Rose qui restera mais vu le nombre de covers recensées sur l’arbre en boule il faut bien commencer quelque part. Et c’est un culot certain qu’il faut pour oser s’attaquer à ce monument. Et le remettre au firmament de grand classique chéri absolu. C’est étrangement effectué mais parfaitement réussi. Applaudissements nourris.
Season Of The Witch (Donovan)
Une autre scie, une autre interprétation. Une autre victoire.
White Rabbit (Jefferson Airplane)
Le truc casse-gueule par excellence. Autre scie, autre temps, autres mœurs. J’ai pour ma part toujours nourri une révulsion paradoxale à cette éléphantesque fumisterie*. Miraculeusement, cela devient ici un enchantement minoré, un allègement des clichés.
C’est en nimbant la plupart des morceaux d’une aura langoureuse, de multiples chausse trappes, (on va retrouver les Lords Of The New Church en embuscade chez les Shocking Blue, c’est, au-delà de la nostalgie à plusieurs niveaux, pas mal trouvé) que se fait jour une fluidité malicieuse. Il y a, à la fois, du respect et l’envie de jouer sans forcément souiller le propos initial. Des envies de drôlerie sans pour autant faire le mariolle. De l’audace sans la frime. Et finalement, dans une époque qui en montre assez peu, un immense respect pour les chansons, ces chansons, pas toutes simples mais peut-être enfin, tout du moins parfois ici, souvent dédramatisées.