J’avais découvert Domenique Dumont, entité originaire de Riga (Lettonie), sous les feux croisés de recommandations privées (dont celle de l’avisé Michel Wisniewski, le patron de Scum Yr Earth, qui les avait vus en concert) et de prescriptions imparables (un texte de Stephen Pastel pour Monorail, sans doute). J’ai écrit « entité » parce qu’il y a un petit mystère autour de ce sobriquet francophile derrière lequel se faisait discret un certain Arturs Liepins. Solo, groupe, duo, mystérieux musicien français? Son entretien publié ici nous permettait de passer derrière le miroir des deux magnifiques disques inépuisables parus alors chez Antinote : Comme ça (2015) et Miniatures de Auto-Rhythm (2018). L’atout remarqué de cette musique venue d’ailleurs se trouvait dans l’adéquation réussie entre cette musique flottante, emplie d’une énergie diffuse qui propulsait une sorte de mélancolie ensoleillée étrange et entêtante, ET des mélodies minuscules portées par un chant dans un français approximatif, sorti d’une machine à produire des impressions plutôt que des mots. Il est à noter que sur ce nouvel effort, il faudra se passer d’une partie de cet ensemble harmonieux : en effet, Anete Stuce, chanteuse et moitié du duo d’alors, n’est malheureusement pas du voyage pour ce People On Sunday qui pourrait désarçonner dans un premier temps les groupies de la première heure : il est entièrement instrumental !
Comment Domenique Dumont peut-il nous priver de son propos qui réinventait notre langue dans un jeu finalement peu pratiqué (un groupe lointain qui s’approprie le français) et très original ? Lassitude, volonté de s’ouvrir au monde anglo-saxon? Il faudra se faire une raison (et toujours revenir aux deux merveilles précédentes), se laisser glisser voire s’oublier dans ces treize plages sans paroles, composées à l’occasion d’un ciné concert autour du film muet (donc, sans son) berlinois Menschen Am Sonntag, un film sans acteurs, comme précisé sur le carton de générique, de Robert Siodmak et Edgar George Ulmer sorti en 1930.
Cette bande-son proposée en une seule unité d’ailleurs sur le soundcloud du groupe il y a quelques mois sous son nom francisé… Les hommes le dimanche. Domenique Dumont semble pour l’instant avoir mis de côté ses penchants francophiles, mais préserve la dextérité de ces petites machines musicales innocentes et fragiles, passeports pour un voyage autour de notre petite planète secrète : le Japon et ses orfèvres en composition électronique (Susumu Yokota, le Danzindan Pojidon d’Inoyama Land…) ou l’Allemagne (le Curiosum de Cluster par exemple)… Et rejoint l’internationale de la précision, de ceux qui dialoguent quotidiennement avec les machines dans les studios du monde. D’un langage l’autre.