Fondé au milieu des années 80 par l’équipe de L’Oreille est Hardie, en haut du Pont Neuf qui relie le centre-ville de Poitiers à ses principales facultés, le Confort Moderne a attiré beaucoup de groupes précurseurs à ses débuts, devenant la salle de concerts aux oreilles grandes ouvertes, rarement pop mais toujours moderne, de la préfecture du Centre-Ouest. D’ailleurs, derrière la lourde porte ornée d’un logo inspiré du fameux personnage en jaune et noir Use hearing protection de Factory Records, le lieu a toujours cherché à décentraliser les pratiques créatives, offrant au public un espace d’exposition défricheur lui aussi, tout comme la Fanzinothèque, lieu unique d’archive de fanzines donc et de micro-éditions ; d’ailleurs Mushroom y siège, très bien entouré. Dans la cour du Confort donc, comme l’appellent les Pictaviens, au milieu des locaux de répétition, s’ouvre dès 1987 un disquaire, foncièrement indépendant, la Nuit Noire. Alors adolescent, j’y déniche un badge bleu et gris de Tuxedomoon du plus bel effet, ainsi que le noir et blanc classique de P.I.L., qui orneront ma veste en jean dans le lycée voisin. Quand la Nuit Noire ferme ses portes définitivement, Lionel Bouet, du groupe noisy pop Liquid Team, décide de reprendre le local à disques pour y monter Transat en 2001. Face à l’immense hangar qui abrite les expositions et à côté du restaurant, on y retrouve la sélection toute personnelle du taulier, qui sait faire la part belle à la seconde main, mais s’ouvre progressivement aux commandes de nouveautés, entre obsessions ou coups de cœur divers et variés, qui font le grand écart entre garage, psychédélisme, stoner, noisy pop, folk ou power electronics, mais pas que. Liquid Team, en activité depuis 1989, se met en sommeil en 2012, et Transat devient l’unique activité de Lionel. Alors que le Confort Moderne ferme ses locaux pendant de nombreux mois pour repenser totalement le lieu et y conduire de gigantesques travaux pendant dix-huit mois, Transat migre un temps à quelques encablures de l’église Notre Dame, partageant un espace avec la Fanzinothèque et l’artiste Moolinex notamment. Le magasin de disques fait peau neuve à la réouverture du Confort le 16 décembre 2017, et traverse ladite cours pour approcher le bar et la salle de concerts agrandie, en ouvrant son espace pour y démultiplier les bacs de vinyles, et toujours ceux de cassettes ou de Cd’s. Lionel y voit une toute autre approche, plus immersive : les rencontres avec les artistes en résidence ou ceux en concert se font tout naturellement, c’est un vrai plaisir. Transat aura 20 ans dans quelques mois, et Lionel se souvient du dixième anniversaire, fêté dignement avec Sonic Boom en Dj à l’entrée de la boutique ! Après une première vague pendant laquelle aucune expédition n’était possible, Lionel publie désormais sur son compte facebook personnel un disque par jour, choisi par ses soins ou par des artistes de passage, et met en place un système de clique & ramasse, pendant ce deuxième confinement. Transat reste donc bien ouvert par correspondance, et Lionel attend les commandes par e-mail, téléphone ou MP, avant de donner rendez-vous pour récupérer les achats. Hormis peut-être le premier album de Fontaines D.C., Transat n’a pas vraiment de best seller pour le moment. Mais on a enfin cessé de me demander The Dark Side Of The Moon ou The Wall, c’est agréable, en sourit-il.
Tous les articles de la série Première Nécessité (un disquaire par jour) sont visibles ici.
01. Bill Callahan, Gold Record (Drag City, 2020)
La bande-son d’un automne 2020 morose, c’était ce disque ou celui de Fontaines D.C. (ou le nouvel album de The Apartments).
02. Girl Band, The Talkies (Rough Trade, 2019)
Un disque en adéquation totale avec l’ambiance du monde actuel. Les Irlandais de Girl Band sont excellents en live… enfin quand ça existait.
03. Thomas Tilly, Script Geometry (Aposiopese, 2014)
Field recording capturé en Amazonie guyanaise, la véritable échappatoire sonore. « No electronic manipulation has been added to these recordings other than a low cut filter and a light EQ mix. »
04. The Remains, The Remains (Epic, 1966 / Sundazed Music, réédition de 2016)
‘Don’t Look Back’. Point barre.
05. The Gamelan Of The Walking Warriors, Gamelan Beleganjur and the Music of the Ngaben Funerary Ritual in Bali (Akuphone, 2017)
Sur l’excellent label Akuphone, ce disque donne à écouter des musiques de rituels funéraires balinais, une inspiration profonde chez Psychic TV (comme sur Themes 2 et Themes 3, à redécouvrir.)
06. Sleep, Dopesmoker (Tee Pee Records, 2003 / Southern Lord, réédition de 2019)
Pachydermique à souhait, et puis on a le temps d’écouter des titres longs en ce moment, non ?
07. Teenage Fanclub, Here (PeMa, 2016)
Le dernier en date en attendant Endless Arcade pour 2021, et surtout le dernier avec Gerard Love.
08. Coronados, Un Lustre (Accord, 1989 / Mono-Tone Records, réédition de 2019)
Homonymie taquine, j’aurais pu choisir Cluster aussi… Remercions Mono-Tone Records pour la réédition de 2019.
09. Giles, Giles and Fripp, The Cheerful Insanity Of Giles, Giles And Fripp (Deram, 1968 / Cherry Red, réédition de 2013)
Toujours l’heure de prendre le thé cette année.
10. Whitehouse, Halogen (Susan Lawly, 1944 / Dirter Promotions, réédition de 2015)
« J’ai glissé Chef ! »