Fontaines DC, A Hero’s Death (Partisan/Pias)

I Wasn’t Born
Into This World

Nous serions plusieurs dans ce cas, et eux viennent tout juste de le comprendre.
Fontaines D.C., le groupe à la mode de l’an dernier.
Tellement las du cirque qu’ils n’arrivent même pas à leur concert à la Villette Sonique, panique du marketing, le produit est faillible, on était pourtant sur la crête, sortez moi ces jean-foutre. LOL.
Dix jours avant, nous les voyons en concert, et je n’ai pas l’impression qu’ils jouent le jeu non plus. Grosse pression, trop de hype. Je raconterai ça une autre fois, mais il y a cette sensation que tous les facteurs extérieurs poussent au maximum là où justement le groupe tire son épingle du jeu, comme une poupée vaudou réfractaire. Genre, très bien, mais on n’est pas là pour ça. Nous sommes jeunes, nous sommes fiers, cassez-vous, foutez-nous la paix. Et surtout, nous faisons de la musique. Et pour une fois, c’est le seul truc important et c’est pas souvent le cas. Et vous, vous faites du commerce, et nous avons bien conscience de ça, mais nous sommes plus forts que vous, car nous savons déjà bien la différence.
Pression maximum, deuxième album.
Et là ? Tu fais quoi ? Eh bien précisément, tu continues ce pourquoi tu étais là en premier lieu.
Peu de groupes, dans le cirque médiatique anglais, n’en ont eu suffisamment rien à foutre pour réussir à se transcender sans même y réfléchir.
Mais c’est une belle histoire quand même, les deuxièmes albums de type britannique. Irlandais dans le cas présent, mais ça ne change pas grand chose au fond de ce génial problème.
J’en vois quelques-uns nonobstant dans ce qu’on reprocherait éventuellement à la bande de Grian Chatten d’y être parvenus.

Sex Pistols. Nan, je déconne.
The Clash, The Jam. Ah chiotte, ça marche pas…
En revanche…
Wire entre Pink Flag (l’invention du Hardcore ET du Math Rock, surtout un très bon disque pop au demeurant) et Chairs Missing (pierre de rosette de la new wave, etc) : l’indice le plus proche de la vérité, en fait. Comme sur Living In America. Ou Sunny, avec un semblant d’érection Television Personalities. Du coup on aura du mal à attendre leur 154.
PiL entre le premier album et Metal Box/Second Edition (plusieurs volumes de l’Encyclopedia Universalis sont, en ce sens, toujours consultables)
The Fall entre Live At The Witch Trials et Dragnet (oh really ?)
The Stranglers, entre Rattus Norvegicus et No More Heroes
Siouxsie And The Banshees entre The Scream et Join Hands, voire plutôt Kaléidoscope.
Swell Maps entre A Trip To Marineville et …In « Jane from Occupied Europe ».
The Cure entre le frigidaire et Seventeen Seconds.
(Des fans des Buzzcocks perdus dans la Taïga. Spoiler : la Taïga gagne dans une première poule mais heureusement le Brésil l’emporte à la fin)
Joy Division entre Unknown Pleasures et Closer sauf que le chanteur ne meurt pas.
New Order entre Movement et Power, Corruption & Lies, six pieds sous terre mais allons-y au dancefloor, voulez-vous ?
Les Smiths, entre The Smiths et Meat Is Murder (Hatful Of Hollow ne compte pas pour une bonne, seule et simple raison et je ne vous apprends rien : c’est leur meilleur album)
Spoiler : nous pourrions éventuellement être là pour longtemps et changer la vie. Comme pour le PS, avec de meilleurs riffs (You Said) mais sans les pitoyables caciques usuels, en somme. Blague (sic) à part, le peu de pop plaintive mais décidée qui reste vient des Smiths, chacun sa petite fantaisie sous la raideur du temps et bien davantage. On vous fera signe, au besoin.
The Jesus And Mary Chain, pour reprendre la célèbre galéjade de Lee Mavers, entre Psychocandy et Darklands, qui sous la vile apparence d’une pourriture technologique n’était pas franchement une daube.
Quelqu’un se souvient des Wolfhounds ? Non, et tant mieux pour FDC parce que sans faire mon cafteur, ça se voit souvent (A Lucid Dream, évident, comme les meilleurs plages d’intranquilité de Dogrel). Mais je leur laisse le bénéfice du doute et/ou de l’ignorance.
Oasis, ça semble évident mais nous ne sommes pas ici dans l’industrie lourde, enfin pas encore.
D’aucuns prétendent également que Dog Man Star est le meilleur album de Suede.
N’en ayant jamais rien eu à branler de ces pleutres, je les crois volontiers.

Il n’est jamais bien vu ni conseillé d’exagérer ; néanmoins, toutes choses dites, A Hero’s Death – titre suffisamment prétentieux pour battre toute concurrence à plate couture – ce fameux second album de Fontaines D.C., est bien de ce putain de tonneau.
De ce type de bien meilleur album que le premier. Et pour cela qu’ont-ils fait ces gandins ?
La réponse tient en deux mots : absolument rien.

Fontaines D.C. / Photo : Pooneh Ghana

Du coup on peut reparler de The Fall, un peu, lever la pierre qui cache le limon du « plus ça change, plus c’est pareil ». A vous de voir. Personnellement je n’y crois pas une seconde. Comme chez Fat White Family, on observe de loin les lois sans rentrer dans le vif du sujet, sans se forcer à porter la robe de bure atrabilaire.
Mark E. Smith, c’est leur Captain Beefheart à eux, une borne, un soc, un repère, une charrue pas forcement commode, mais surtout pas à truc à refaire.
L’intelligence des deux groupes réside d’ailleurs dans le fait de puiser dans ce repère malin, libre et supérieur et de s’en branler derechef à la toile émeri (le morceau titre, buté jusqu’à la perfection). Prégnant, mais toujours infranchissable. Et on s’en tient là, parce que c’est une base bien moins médiocre que leurs contemporains énervés. Mille coudées au-dessus des butors auquel ils sont associés (Shame, Idles, Black Midi et consorts : hého doucement les petits vélos de la gonflette) et merci bien.

Bon alors au fait, vous m’avez cru ?
Bien fait pour vous, bien que ça ne soit pas tous les jours qu’on puisse dire du bien d’un groupe de jeunes. Je serais bien le premier à le déplorer. J’ai tout exagéré, cependant tout est rigoureusement vrai, romantique, viscéral et passionné.
De la jeunesse sonique désabusée de I Don’t Belong, jamais depuis les Smiths, Joy Division ou The Fall, on n’avait pris le pessimisme combattif de manière si frontale, un dernier morceau s’intitule bibliquement No, entretenu par Love Is The Main Thing (beau programme), et confirmation d’un tropisme cowboy goth sur le plus enlevé Televised Mind, soit du Motörhead puceau, parfait jusqu’au modeste duvet pileux.
En plus, vers la fin, ils nous narguent avec un petit morceau surf cutie mongol, genre Marine Girls hard FM (Sunny). Et une balade clin d’œil à Nothing Else Matters de Metallica, Oh Such A Spring où l’œil se mouille fraternellement.

Ça vous donne une petite idée du génie absolu, et désormais confirmé dans les grandes largeurs, de ces sales petits conneauds.
Et par dessus le marché, la pochette est vraiment pas terrible.
Disque de l’année, au moins.

L’album sort le 31 juillet chez Partisan / PIAS. En attendant, voici 3 extraits.

Tracklist
1. I Don’t Belong
2. Love Is The Main Thing
3. Televised Mind
4. A Lucid Dream
5. You Said
6. Oh Such A Spring
7. A Hero’s Death
8. Living In America
9. I Was Not Born
10. Sunny
11. No

A lire aussi : Fontaines D.C. – L’oasis, rencontre par Nicolas Plommée en 2018 et la chronique de leur premier album Dogrel en avril 2019.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *