Nick Drake, sous le soleil chaud andalou, ça fout encore la déprime ?
Et peut-on écouter Dire Straits sans réellement culpabiliser ?
Climats met en avant disques et livres selon les aléas de la météo.
Les orages à reculons
Ce disque de lumière et de torpeur, de perdition et de clarté, sera donc sorti avant la fin d’un monde. Le 3 septembre 2001, Stereolab publie Sound Dust. La poussière des deux tours collera longtemps nos écrans et mémoires. En réécoutant cet album, on réalise qu’il s’agit d’un vestige sauvage et tempétueux. Une manière de sentir la musique, de représenter ses passions musicales que l’on reverra peu par la suite. D’abord, l’équipe technique de cet enregistrement fait penser à une secte. Une secte à la gloire de Brian Wilson, de Jack Nitzsche. Des fidèles radicaux louant un certain art de la production. Il y a cette triade magique et presque affolante – Jim O’Rourke, Sean O’Hagan et Tim Gane. Trois personnalités, trois magmas incontrôlables réalisant des prouesses d’enregistrement. Sound Dust questionne une certaine pureté de la pop, triture et sabre les mélodies en micro-tragédies superbes. Le jazz vient caresser le velours funèbre d’un Serge Gainsbourg syncopé plus qu’à l’accoutumée. On retrouve aussi des vestiges d’easy listening démembrée, d’un Burt Bacharach rendu fantomatique et quasi dépressif. Et puis ces voix. Ces voix qui viennent diriger, contrôler ou bruler ce bateau amiral dérivant vers tous les formats musicaux, c’est terrible et superbe à la fois. Laetitia Sadier et Mary Hansen sont les sirènes, les magiciennes donnant à Sound Dust un caractère ésotérique voire quasi divinatoire.
Le retour d’un épisode de chaleur
On essaie parfois de percer le mystère d’une œuvre mais aussi d’un être. Ceci relève d’un éternel brouillon, d’une quête qui redémarre sans cesse et se métamorphose de manière incontrôlable. Il y a un peu de tout cela dans le très beau livre d’Émile Notéris, Monique Wittig. On pourrait penser à une biographie fluide, un essai qui se rapproche le plus d’une vérité et qui se soucie peu, paradoxalement, de la vraisemblance. La paradoxe est bien là : la vie de Monique Wittig continue après sa mort. Elle continue comme une fièvre ou une bénédiction. Ce qui demeure une énigme chez Wittig, c’est cette peur de l’enfermement, tout court, accolée à la fixité d’un certain engagement qui ne cessera d’interroger. Sa théorie matérialisme radicale cogne sévèrement sur ce besoin d’exploser les lignes et contours qui enserrent le nœud du genre. Questions et doutes passionnants qui n’ont pas fini d’être d’actualité. Bien sûr, on a souvent affilié la pensée de Wittig à celle de Michel Foucault, surtout concernant les pages sur le pouvoir. Mais, à travers ce livre, on ressent bien – chez elle – une pensée unique sans comparaisons possibles.
Monique Wittig par Émile Notéris est disponible aux Editions Les Pérégrines.
Sound Dust de Strerolab est sorti en 2001 sur le label Duophonic Records et a été réédité en 2019 par Warp. Le groupe sera en concert le 26 octobre à Paris (complet), le 27 octobre à Nantes, le 28 octobre à Toulouse et le 23 novembre à Paris.