Climats #21 : Sylvie, Gene Clark

This could be the saddest dusk ever seen
You turn to a miracle high-alive
Michael Stipe

Peut-on écouter Vauxhall and I de Morrissey sous le franc soleil de juillet ? Et un Antônio Carlos Jobim empêtré dans un crachin de février, c’est toujours du Antônio Carlos Jobim ? Climats met en avant les sorties disques et livres selon la météo.

Les pluies nocturnes

Cette impression de prendre, à revers, une chanson… Et pas n’importe laquelle. Une immense chanson de chialade, de nuits éclaboussées de crises de nerfs, de prières fiévreuses et intraitables. Hold on Magnolia. On peut le dire – Jason Molina s’y connaissait en terreur nocturne, en palpitation d’amour défunt et en mélancolie imprévisible. Cette chanson, sorte de papillon voletant d’une plainte à une autre, n’en finit pas de nous raconter encore et encore le gouffre de la séparation. À moins que toute cette immense tristesse ne renferme une source insoupçonnable de chaleur. Une liqueur forte et divine. Oui, cette impression de prendre, à revers, cette chanson – Sylvie l’a fait. Le groupe de Ben Schwab et Sam Burton a infiltré la lumière dans ce noir compact érigé par Molina. Quel est donc cet autre aspect de la chanson ? Cela demeure une prière. Mais une prière radieuse, duveteuse et matinale. Une joie simple, désossée de toutes névroses. Sylvie préfère laisser filer la nuit – la promesse du jour se fait toujours aussi désirable. Rien n’est à regretter dans cette autre lecture, on savoure juste cette profonde différence. Une belle chanson porte en elle un ennemi. On réécoute Hold on Magnolia, on éprouve la tristesse de Jason Molina. Mais derrière cette tristesse, campe son ennemi : l’immense feu de joie.

Les étoiles filantes

C’est quoi rencontrer un grand disque ? C’est ne plus attendre. C’est se mettre à la fenêtre, regarder un spectacle ordinaire révéler une autre beauté. Une forme inconnue et pourtant familière. On est comme emporté avec la traîne de ses propres rêves. Gene Clark Sings for You, rien que ça. En voilà un chant qui vient confondre nos désillusions et nos espérances. 7:30 Mode me donnerait envie de fumer Gitane sur Gitane et d’écrire essentiellement les jours d’orage. A Long Time me ferait me remettre au Whisky, à la poésie et à la destruction de toutes choses. C’est un grand disque de solitude, amer et taciturne. Mais aujourd’hui, toutes les chansons de Clark évaporent autre chose. Un autre parfum où la douleur, la rancune et les miettes du désespoir ne sont plus mis à table. Ses compositions me semblent sereines, elles accueillent ce mort et me font entendre autre chose de lui. Un élan de vie ? Une liberté acquise durement ? Une lumière sans doute. C’est certainement cela, un grand disque. C’est l’éloignement de toute finitude, c’est la pulsion de vie. Gene Clark, Jason Molina… que de choses les relient. Eux, se sont approchés trop vite de leur fin. Mais leurs chansons ont leur propre étoile contraire. Et elle n’en finit pas de briller, encore et encore.


Hold On Magnolia par Sylvie est écoutable par ici, et Gene Clark Sings For You est sorti en 2018 sur le label Omnivore Recordings.

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