This could be the saddest dusk ever seen
You turn to a miracle high-alive
Michael Stipe
Peut-on écouter Vauxhall and I de Morrissey sous le franc soleil de juillet ? Et un Antônio Carlos Jobim empêtré dans un crachin de février, c’est toujours du Antônio Carlos Jobim ? Climats met en avant les sorties disques et livres selon la météo.
Le soleil insolent
C’est un disque oublié. La musique part et tout se répète pourtant – tout se rejoue. C’est bien là une énigme, son énigme. La musique conserve les émotions. Her Mystery Not of High Heels and High Shadow, Jonathan Richman (2001). Ce qui m’a toujours fasciné chez Richman, c’est sa permanence. Malgré ses efforts pour changer de groupe, de registre, pour fuir le succès ou l’espérer secrètement, il demeure un enfant. Sa maison, c’est l’enfance. Dans ses chansons, on ressent comment il fait de la tristesse, un jeu. Du chagrin, il dessine une marelle où il sautille avec maladresse. En pesant à lui, je vois son large sourire et ses yeux plissés qui ont du mal à voiler leur mélancolie. Ce disque est une joie renouvelée, une répétition. L’idée de ritournelle est centrale chez Jonathan Richman, il faut que la musique soit intrusive avec douceur. Il faut chanter malgré soi et chanter malgré soi, est une expérience bouleversante. Springtime in New-York restitue les parfums de pollen, les peaux longtemps désirées – le besoin d’étreindre l’autre. Couples Must Fight raconte la venue d’une rengaine. Les éternelles incompréhensions, l’amour chauffé à la haine. Les émotions contraires se drapent comme des sérénades chez Richman, tout se fête. La joie, la colère, l’oubli, l’absence, le désir – tout devient une ritournelle d’enfant. On parlera de fraîcheur… J’y vois une résistance au temps qui passe. Avec l’arrivée des beaux jours, cet album est une célébration. La musique part et tout se répète.
Une lumière inoubliable
Je suis particulièrement sensible chez une autrice ou un auteur à cet effort de restitution. Ce que restitue la puissance des mots, demeure une énigme. Ces mots rendant la valeur des détails, recomposant un parfum aimé, une silhouette ou encore une voix, ces mots là m’ont toujours fasciné. En lisant le roman de Lisa Balavoine (que l’on retrouve parfois dans nos pages, ndlr), je repense à ce que je disais de Jonathan Richman – la musique part et tout se répète. Ceux qui s’aiment se laissent partir m’a confronté à une certaine familiarité, une proximité d’émotions troublante. Les fragments composant parfois le livre se répètent inlassablement. Ils semblent désirer aller très loin dans la composition d’un personnage. Personnage follement aimé, une mère. Cette mère ressemble dans un premier temps à un papillon de nuit qui va et qui vient vers une source de lumière. D’autres pages parleront d’une profonde pénombre. C’est dans cette répétition des allers-retours, entre clarté et obscurité, que se joue la beauté du texte. Cette fragilité à vouloir tenir l’insaisissable, la répétition de ce geste – ce geste voulu et redouté de retenir les êtres, les éléments, les histoires – se dissout malgré tout. Cette lecture a pu me donner des impressions, impressions de revivre mes propres souvenirs à travers une mémoire qui m’est inconnue. Vers quelle lumière allait cette mère en début de récit ? Je rejoue le disque de Richman sans pouvoir y répondre… La musique part et tout se répète.