Avec huit albums en douze ans — si l’on compte aussi ses trois albums réalisés sous le nom d’Ezra Furman & the Harpoons, entre 2007 et 2011 –, Ezra Furman est assurément l’un des songwriters rock les plus prolifiques de ces dernières années. Auteur d’une pléiade de chansons aussi mémorables que I Wanna Be Your Grilfriend, Driving Down to L.A. ou I Killed Myself But I Didn’t Die, de brillants mélodrames pop aux accents subtilement fassbindériens, Furman est aussi, avec Ty Segall, l’un des rares songwriters contemporains à avoir su faire souffler un vent de fraîcheur sur un rock classique et soigneusement référencé qui, chez lui, ressemble à un étrange compromis entre le Bowie de Diamond Dogs (1974) et le Springsteen de Darkness on the Edge of Town (1978).
Il y a quelques semaines, en marge de son excellent concert à La Maroquinerie, où il était venu présenter Twelve Nudes, son sixième album solo qui lorgne ostensiblement du côté de ses héros punks, Ezra Furman acceptait de se plier à l’exercice du Blind Test et d’évoquer, à la fois, certaines de ses influences, son œuvre passée et la nature particulière de ses engagements politiques. Continuer la lecture de « Blindtest : Ezra Furman »
Auteur : Cédric Rassat
Catégories interview
Moon Duo : Révolution disco
Deux ans après le remarquable Occult Architecture, diptyque aussi fascinant que bizarrement clivant, Sanae Yamada et Ripley Johnson, les deux cerveaux de Moon Duo, reviennent aujourd’hui avec Stars Are the Light, un sixième album très réussi qui, tout en faisant tourner les boules à facettes d’une disco universelle largement fantasmée, élargit spectaculairement le champ du nouveau rock psychédélique que le duo façonne patiemment depuis 2010. Pour cela, Moon Duo a choisi de prendre un surprenant virage électro-pop, délaissant d’un coup les références appuyées à Suicide et Spacemen 3 pour mieux se rapprocher de sonorités discoïdes qui tranchent singulièrement avec tout ce que le groupe a pu produire jusque-là. Continuer la lecture de « Moon Duo : Révolution disco »
Catégories billet d’humeur, interview
Crépuscule californien
Retour sur la disparition de Neil Casal, un des grands de l’Americana.
Disparu brusquement, et plutôt tragiquement, dans la dernière ligne droite d’un mois d’août 2019 qui se sera avéré particulièrement cruel, Neal Casal méritait un hommage, ne serait-ce que pour la poignée de disques précieux qu’il aura sortis, il y a plus de vingt ans, entre Fade Away Diamond Time (Zoo Entertainment, 1995) et Anytime Tomorrow (Glitterhouse, 2000). Continuer la lecture de « Crépuscule californien »
Catégories portrait
Comme un ouragan
Retour sur « The Rolling Thunder Revue » de Bob Dylan (1975)
Début juin, Bob Dylan a présenté The Rolling Thunder Revue : The 1975 Live Recordings, un impressionnant coffret de quatorze disques retraçant son incroyable tournée de l’automne 1975, celle qui avait précédé la sortie de son album Desire. Quelques jours plus tard, Martin Scorsese a lancé, sur Netflix, Rolling Thunder Revue : A Bob Dylan Story, son deuxième documentaire consacré à l’auteur de Blowin’ in the Wind. En quelques jours, d’innombrables images et documents sonores inédits sont donc remontés à la surface, témoignant abondamment de ce qui apparaît aujourd’hui, non seulement comme l’une des périodes les plus riches de la carrière de Dylan, mais aussi comme une sorte d’épilogue inattendu et tardif des années soixante.
Catégories À écouter
Blind Test : Howe Gelb
Après deux albums de ballades au piano (Future Standards et Further Standards) baignant dans l’atmosphère surannée des standards de Tin Pan Alley, Howe Gelb revient avec Gathered, un disque plus conforme à ses habitudes, qu’il a enregistré au quatre coins du monde, de Tucson à Copenhague, en passant par Dublin, Portland, Amsterdam et même Paris. Un disque sur lequel il retrouve une pléiade d’invités comme Matt Ward, Anna Karina ou Talula Gelb, sa propre fille, pour une poignée de duos bien sentis, dont une superbe reprise de A Thousand Kisses Deep de Leonard Cohen. Quelques jours après son concert donné sur l’île Séguin, à Boulogne-Billancourt, Howe Gelb a accepté de se plier au jeu du blind test. Continuer la lecture de « Blind Test : Howe Gelb »
Catégories interview
Damien Jurado – Loin de Hollywood
Plus de vingt ans après ses débuts, Damien Jurado renoue avec le dépouillement de ses premiers disques et sort In the Shape of a Storm, un superbe album de folk simple et mystérieux, sans doute son meilleur depuis Where Shall You Take Me? en 2003.
Après avoir traversé une très éprouvante année 2018, ponctuée notamment par la fin de son partenariat de près de quinze ans avec le label Secretly Canadian et, surtout, par la mort soudaine de son ami Richard Swift, avec qui il aura enregistré pas moins de cinq albums entre 2010 et 2016, Damien Jurado a décidé de repartir sur de nouvelles bases. Pour son dix-huitième opus, le remarquable In the Shape of a Storm, il a donc choisi d’opter pour une certaine forme de minimalisme. Seul, ou presque, avec sa guitare ; une formule qu’il n’avait, jusque-là, jamais expérimentée ailleurs que sur scène et qui semble renvoyer directement à l’aura artisanale de certains de ses meilleurs disques, comme Ghost of David et Where Shall You Take Me?. Enregistré en moins deux heures, et avec un certain sens du risque (deux prises de cinq chansons chacune, pas d’overdubs), au studio Sonikwire d’Irvine en Californie, ce nouvel album impressionne grâce à la beauté désarmante de ballades comme Lincoln, South ou Hands on the Table et s’affirme déjà comme l’un des grands albums de ce début d’année. Interrogé, il y a quelques jours, par téléphone, il répond depuis Los Angeles, où il réside désormais. Continuer la lecture de « Damien Jurado – Loin de Hollywood »
Catégories interview
Steve Gunn – Macadam cowboy
De passage à Paris, pour un concert au Petit Bain, Steve Gunn a pris le temps d’évoquer un peu la genèse de The Unseen in Between, son onzième album, mais aussi son parcours singulier de guitariste folk qui, après s’être longtemps inscrit dans les sillages abstraits de musiciens comme John Fahey ou Jack Rose, a fini par trouver sa propre voie et se met, sur le tard, à apprivoiser des formes d’écritures plus simples et accueillantes.
Depuis 2016, Steve Gunn se trouve dans une position un peu étrange. Signé chez Matador pour Eyes on the Lines, son dixième album, ce guitariste new-yorkais, grand admirateur de John Fahey et Sandy Bull, s’est affranchi d’un coup de la confidentialité relative dans laquelle son œuvre semblait végéter depuis presque dix ans. Désormais plus en vue, grâce à l’envergure internationale de son nouveau label, Steve Gunn vend plus de disques, voit tout un nouveau public se presser aux guichets de ses concerts et se retrouve régulièrement interrogé dans les pages des grandes titres de la presse rock anglo-saxonne (Mojo, Uncut, The Wire, etc). Pour autant, il n’est pas certain que ce quadra originaire de la banlieue de Philadelphie se retrouve complètement dans son nouveau rôle de figure montante du rock indépendant américain. Déjà parce que sa discographie foisonnante suffit à rappeler qu’il n’a rien d’un débutant et qu’il se pose même, plutôt, comme un artiste accompli et à l’identité très forte. Et ensuite parce que, contrairement à son ami Kurt Vile, qui fait le bonheur du même label Matador depuis une petite dizaine d’années, Steve Gunn ne donne pas le sentiment d’avoir jamais été véritablement attiré par la lumière des projecteurs. Continuer la lecture de « Steve Gunn – Macadam cowboy »
Catégories documentaire, festivals
FAME 2019 : A Bright Light, Karen and The Process d’Emmanuelle Antille
Disparue en 1993, dans sa maison de Woodstock et dans l’anonymat le plus complet, Karen Dalton n’aura finalement laissé qu’une très maigre discographie, puisque celle-ci ne comprend que deux albums officiels, It’s So Hard to Tell Who’s Going to Love You the Best (1969), son chef-d’œuvre, In My Own Time (1971), un disque plus inégal (même s’il contient la meilleure version connue du classique folk Katie Cruel), ainsi qu’une poignée de home recordings, sortis après sa mort et de plus ou moins bonne qualité. Pourtant, si modeste qu’elle soit, cette discographie aura suffi à transmettre l’essentiel, c’est-à-dire l’empreinte d’une voix unique, que beaucoup ont comparée à celle de Billie Holiday et qui, abîmée par l’alcool, les drogues et la vie, donne souvent le sentiment d’avoir affaire à une vieille âme ayant traversé les âges pour s’échouer dans une époque où elle n’aura, in fine, jamais vraiment réussi à trouver sa place.
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