Yma Sumac, Mambo ! (1954, Capitol)

Pour beaucoup d’entre nous, les années cinquante ressemblent à un continent éloigné, une terre perdue dans la brume. La faute à ces maudites années soixante ! Essentielles dans la construction de la musique que nous aimons (Beatles, Beach Boys, Velvet Underground, Byrds…), elles relèguent la décennie précédente dans les limbes. Tout au mieux, nous savons qu’il y avait les pionniers Rock & Roll, de Chuck Berry en passant par Buddy Holly ou Little Richard et du Jazz bien sûr, énormément de Jazz. Les fifties furent pourtant fort variées : Doo Wop, Exotica, danses de salon (Mambo, Cha-Cha-Cha…) Mambo! d’Yma Sumac, paru en 1954 sur Capitol, témoigne de l’excitation qu’il régnait après guerre dans les foyers américains. Au léger répond l’étrange. L’album fascine par sa capacité à faire entrer la personnalité singulière d’Yma Sumac, dans le registre connoté du mambo.

Yma Sumac
Yma Sumac

De son vrai nom Zoila Augusta Emperatriz  del Castillo, elle nait au Pérou en 1922 et tourne sur le continent sud-américain avec un groupe folklorique pendant les années quarante. Yma Sumac se fait remarquer par Les Baxter. Par son entremise, elle signe chez Capitol en 1950. Personnalité singulière, la chanteuse péruvienne serait une des descendantes de l’empereur Atahualpa, assassiné par les conquistadores espagnols. Si la véracité de l’information est contestable, elle en dit long sur les légendes et mystères, qui régissent l’existence de la cantatrice. Sa voix couvre une tessiture exceptionnelle de quatre octaves et demi, du Si 2 au Sol dièse 7.  Au delà de l’incroyable registre couvert, ses prestations semblent surnaturelles, imitant des chants d’oiseaux, enchaînant sur de sourds grognements. Si Mambo! n’est peut être pas l’album le plus emblématique de sa carrière (ce serait Voice of the Xtabay1950), il a le mérite d’offrir une expérience très réjouissante. Le Mambo, grâce à des musiciens comme Perez Prado, est alors très en vogue. Yma Sumac se prête de très bonne grâce à l’exercice. Elle est aidée par son compagnon Moisés Vivanco (composition) et de l’arrangeur Billy May. Ensemble, ils détournent subtilement les canons du genre.

Cuivres pétaradants, orgie de percussions et rythmes cubain à la sauce occidentale forment un écrin parfait pour la voix d’Yma Sumac. Elle déroule ainsi un catalogue de bruits tous plus hallucinants les uns que les autres. Ils sont bestiaux, sexuels, irréels et contrastent superbement la musique enjouée et dansante. Parfois, les paroles semblent presque improvisées et ne rien signifiées. Yma Sumac semble s’amuser avec son organe vocal. Elle se balade d’un pied léger sur les rigides structures de danse de salon. Elle gronde très bas puis décolle dans la stratosphère, parfois en l’espace de quelques phrases seulement. Sa voix est hors norme et détonne encore aujourd’hui. Malgré l’exaltation permanente, Yma Sumac ne se départit pourtant pas de cette élégance altière qui la caractérise. Mambo ! s’apprécie particulièrement sous sa forme originale de huit morceaux. Ces derniers constituent la sève de ce disque généralement complété de trois titres légèrement moins marquants (Cha Cha Gitano, Jungla, Carnavalito Boliviano). Parmi les temps forts mentionnons la fantastique (et plus connue du disque) Gopher ou encore la piquante Bo Mambo. À une époque puritaine, Yma Sumac semble se jouer des conventions de la bienséance, elle apparaît comme une figure quasi-mystique et n’appartenant plus tout à fait au royaume des humains. Mambo! offre une porte d’entrée idéale à ce monde délicatement magique.


Mambo! de Yma Sumac est sorti en 1954 sur Capitol.

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