Wilco, Cruel Country (dBpm Records)

Présenté comme un retour aux sources, Cruel Country, le très beau douzième album de Wilco sonne surtout comme un retour inattendu à la simplicité d’une écriture que le groupe semblait avoir perdue au fil de ses différentes mues.

Ceux qui ont connu Wilco dans les années 90, à l’époque de Being There et des sessions avec Billy Bragg, ne s’attendaient probablement pas à réentendre, un jour, la bande de Jeff Tweedy sur un terrain country, ou revendiqué comme tel. Il faut dire qu’en douze albums et bientôt trois décennies d’existence les auteurs de Summerteeth ont parcouru un long chemin.

Wilco
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Les observateurs les plus pointilleux diront sans doute que le groupe s’est surtout largement transformé et qu’avec seulement trois membres permanents (Jeff Tweedy, John Stirratt et Glenn Kotche) depuis le grand virage de Yankee Hotel Foxtrot en 2002, il n’a plus grand chose à voir avec le Wilco des grandes années (1996-2007, en gros). Mais ce n’est probablement pas la seule explication. En effet, il est aussi possible qu’à 54 ans, et alors que ses grands classiques subissent, les uns après les autres, le traitement de la réédition de luxe (Yankee Hotel Foxtrot est annoncé pour septembre dans une version complètement folle de 8 Cds !), Jeff Tweedy commence à ressentir la nostalgie de ses jeunes années ou, en tout cas, celle de l’époque où son groupe savait chercher l’émotion dans une forme d’écriture résolument simple et directe.
Enregistré pendant le grand confinement (comme on parlait de la “grande dépression”, du temps de Woody Guthrie), Cruel Country est donc un disque que personne n’attendait vraiment et qui permet à Wilco de marquer une pause avant, sans doute, de repartir vers d’autres horizons, et donc de se laisser aller un peu. Avec ses vingt-et-un titres, dont facilement huit de trop, ce douzième album a clairement été conçu pour retrouver le plaisir simple de jouer, pour “tuer le temps” entre amis. Il est donc évident que le résultat final importe moins pour les musiciens que l’expérience du studio et le fait de s’être retrouvés régulièrement, pendant cette période si singulière, pour goûter à nouveau au plaisir de jouer en groupe. De ce point de vue, Cruel Country est indéniablement une réussite et il semble évident que Wilco n’avait pas donné l’impression d’une telle solidarité depuis, disons, Sky Blue Sky en 2007.

Musicalement, Cruel Country n’est pas non plus un retour en arrière. Il y a clairement un retour à une simplicité d’écriture que le groupe n’avait plus retrouvée depuis des disques comme Sky Blue Sky ou Summerteeth (1999), mais ce qui est décrit, ici, comme de la country sonne, non pas comme une synthèse de ce que le groupe a produit à l’époque de A.M. (1995), Being There ou des albums avec Billy Bragg (1998 et 2000), mais plutôt comme une sorte de complément de tout cela. Parmi les temps forts du disque, on retient surtout l’époustouflant I Am My Mother qui place, d’emblée, la barre très haut, évoquant sans mal le meilleur des sessions Mermaid Avenue, avec un Tweedy retrouvé et véritablement habité par son propos. Depuis quand Wilco n’avait-il plus sorti une chanson de ce niveau ? La question peut se poser. Plus loin, le superbe Ambulance renvoie aux folk songs que Tweedy savait composer à l’époque d’Uncle Tupelo ou pour Golden Smog (Please Tell My Brother). Moins “roots”, l’épatant Across the World rappelle plutôt l’esprit des ritournelles pop de Sky Blue Sky, tandis que le très cinématique Many Worlds retrouve la mélancolie rétro-futuriste des classiques Ashes of American Flag ou Via Chicago, tout en s’inspirant des constructions à tiroirs de Summerteeth. La dernière partie du disque est, bizarrement, la plus réussie, avec Story to Tell, une ballade psyché-pop aux accents somptueusement lennoniens, le trépidant A Lifetime to Find, pépite country comme Tweedy n’en avait plus sorti depuis les années Uncle Tupelo, mais aussi le très beau Country Upside Down, ballade pop aux accents psychés qui n’aurait pas dépareillé sur un disque comme Sky Blue Sky. Enfin, le magnifique The Plain, ballade mélancolique en clair-obscur sur fond de menace orageuse rappelle les plus belles ballades psyché-pop de Summerteeth, ce qui n’est pas peu dire.
Au bout du compte, Cruel Country est sans doute inégal, mais s’impose malgré tout comme le meilleur disque de Wilco depuis, au moins, The Whole Love (2011), pour ne pas dire Sky Blue Sky. Surtout, il s’agit d’un album qui fait défiler les souvenirs et renvoie les fans à la déjà très longue histoire du groupe (il faut, par exemple, se souvenir qu’il s’est écoulé plus de temps entre Yankee Hotel Foxtrot et ce disque qu’il ne s’en était écoulé entre Exile on Main Street et Steel Wheels chez les Rolling Stones). On attend désormais la suite avec curiosité.


Cruel Country par Wilco est disponible chez dBpm Records.

Une réflexion sur « Wilco, Cruel Country (dBpm Records) »

  1. C’est effectivement un très bel double album qui s’éternise malheureusement sur les derniers titres.

    Il faut réécouter Ode To Joy, c’est une pépite. Une atmosphère unique, propre au groupe, assez proche de celle d’A Ghost Is Born. Des percussions simples et sophistiquées, une production au top et un tweedy très inspiré à l’écriture.
    Ode to joy est en ce qui me concerne facilement dans le top 3 des albums du groupe.

    Le public et les fans de l’époque de YHF et AGIB n’ont toujours pas compris que les pérégrinations alternatives du groupe n’étaient qu’une parenthèse d’un long voyage. Mais Wilco, c’est bien plus que cela. Et c’est surtout fantastique un groupe de live.

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