La dernière fois que je t’ai vu Baxter, c’était au Silencio, tu portais un tee-shirt qui avait dû être blanc et dans lequel tu avais sué, tu buvais une bière au bar avec ton copain Jarvis et tu n’en avais rien à foutre que je me tienne debout devant toi. C’était l’année dernière, il faisait chaud sous les lumières artificielles du club lynchien et partout ailleurs, les peaux collaient, les regards brûlaient, ce n’est pas à toi que je vais apprendre ça, la nuit ça te connaît. Je ne sais pas exactement quand tu es devenu celui que j’aime appeler l’homme-fantasme, Baxter, mais ça fait un petit moment que ça dure entre toi et moi. C’est que je suis fidèle et je me faisais une joie d’aller te revoir bientôt sur scène, pour la cinquième ou sixième fois, quand on aime on ne compte pas.
Mais le confinement nous a tous surpris, mettant sur pause nos jours et nos soirées surtout, alors dans mon salon je me confine avec toi. Tu es un peu mon lot de consolation. J’écoute ton disque, c’est toujours ça de pris, même si tu joues avec mes nerfs à faire des albums de plus en plus courts, trente minutes et vingt-quatre secondes, faut savoir se satisfaire rapidement et moi je t’en veux d’aller si vite parfois. Prendre son temps pour se plaire, c’est important je crois. Je t’avais quitté tout juste largué, quand tu étais le Prince of Tears, et puis te revoilà et la situation n’a pas l’air d’avoir franchement évolué : l’amour c’est la galère pour tout le monde, même pour toi. Néanmoins, tu sembles avoir repris du poil de la bête, si j’en crois la sexytude sirupeuse de la majorité des morceaux, où tu narres pêle-mêle tes désillusions sentimentales, ces histoires où on se prend et on se jette, où on se tourne autour parce que c’est toujours le désir qui nous tient en vie, mais où on fait tous de la merde, toi le premier. Pour te dire ce que j’en pense, c’est pas cool d’aller espionner le nouveau mec de son ex, il est un peu crade ton Slumlord, tes travers ne sont pas tous reluisants sous ta veste de costume de faux dandy. Et pourtant l’album est réjouissant, il convoque comme toujours avec toi l’élégance classe et l’autodérision un peu narquoise, la basse groovy et les violons caressants, la mélancolie vrillée au corps et la sensualité des chœurs. Pour le reste, tu chantes toujours un peu faux quand tu chantes mais ta voix sait si bien me parler. De toi, bien sûr, de toi. Hasthag me, me. Tu ne changes pas Baxter, et c’est bien pour ça que tu me plais, je te retrouve à chaque fois comme si nous nous étions séparés la veille. Mais je ne suis pas dupe, je sais bien que ce petit numéro de charme ne m’est pas seulement réservé, il n’y a que ça, des filles dans ce disque, des filles et des types peu fréquentables, et quand tu balances les clebs, moi j’ai juste envie de te répondre « Débarrasse-moi de ces chiens avant qu’ils mordent ». Alors comme tu n’es pas un mauvais garçon, tu me rassures dans la dernière chanson, la nuit n’est pas finie, l’histoire non plus, tu es revenu, tu n’étais pas parti et tu laisses Madeleine me répéter à l’envi « Baxter loves you, Baxter loves you ». Et ça tombe bien, Baxter, au cas où tu ne l’aurais pas compris, I love you too.