« Vies et morts de John Lennon » de Hugues Blineau (Mediapop Editions)

Vies et morts de John Lennon de Hugues Blineau mediapop editions
« Vies et morts de John Lennon » de Hugues Blineau (mediapop editions) / Photo : LB


« Premières lueurs du jour.

Effet retard pour ceux qui n’ont pas appris la nouvelle. Ceux qui ne se sentiront pas concernés, et puis ceux qui réagiront spontanément, par des pleurs ou des cris. »

John Lennon est mort le 8 décembre 1980. Je ne m’en souviens pas, cela ne m’a pas marquée. Je vivais alors avec ma mère qui n’écoutait pas les Beatles et, par la suite, je ne les ai guère écoutés moi non plus. Je me souviens vaguement que certaines de mes amies de lycée le trouvaient beau, aimaient ses chansons ou portaient des lunettes de la même forme que les siennes. Rien de cela pour ma part, j’aurais sans doute été du camp des non concernés.

Mais ce que je pense ou ce que tout lecteur peut penser du chanteur importe peu en vérité car ce livre n’est pas un roman sur John Lennon. C’est un roman sur la mort, une évocation poétique de la perte, une réflexion sur le deuil et le cheminement intérieur qu’il fait naître en nous. Par une succession de scènes éparses et fragmentaires, et par une économie voulue d’affects resserrés sur l’essentiel, un tableau se compose au fil des pages, le tableau du trouble et du chagrin, le tableau du maintenant et de l’après, le tableau de ce qui disparaît et de ce qui subsiste encore.

Car bien sûr, lorsqu’un être disparaît, tout ne disparaît pas.

« Reste les images. »

Comme pour son texte précédent, Le Jour où les Beatles se sont séparés, Hugues Blineau aborde son sujet par le truchement du regard des autres. Il choisit d’explorer les tangentes, les lignes parallèles, ce qui touche, ce qui affleure, ce qui est sans être. Quarante personnages ici, illustres et anonymes, se confrontent à ce moment de la disparition. Quarante polaroïds accrochés sur un fil fragile. Quarante parenthèses ouvertes dans une existence. Quarante moments. Quarante absences.

Hugues Blineau propose une variation sur un même thème : qu’est-ce qui vient faire jour en nous quand la lumière d’un être aimé s’éteint ? Les réponses sont multiples, comme le sont les personnes que la perte touche. Certains refusent de croire, n’acceptent pas, se débattent, pleurent, crient. D’autres sont silencieux, se lovent dans leur mélancolie, caressent la peau de leurs souvenirs, se laissent bercer par ce qu’ils ont aimé et partagé. La vie continue, et c’est toujours cela qui surprend le plus.

Vies et morts de John Lennon est un roman court, intense et profond. Rien n’y pèse ni ne pose. C’est le roman de ce que nous perdons tous un peu chaque jour, des souvenirs de jeunesse, des rêves de succès, des amours qui s’éteignent et des êtres qui nous quittent. A travers cette approche kaléidoscopique et pointilliste, Hugues Blineau nous donne à lire le portrait d’une disparition plus que celui d’un disparu, aussi brillant soit-il. John Lennon est une ombre qui passe sur les pages de ce livre, une ombre que l’on suit des yeux et dont on se souvient. Est-il possible de se défaire jamais de ceux qu’on a aimés ? Mais peut-être que ce sont eux qui, un jour, se défont de nous.

« Reste l’empreinte. »

Soixante-dix pages, c’est peu et c’est tout.

Vies et morts de John Lennon de Hugues Blineau (Mediapop Editions), 80 pages.

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